Page images
PDF
EPUB

oncle leurs mains teintes du fang du chevalier de la Barre. Ces tuteurs des rois étaient 1773. les ennemis du roi : vous le servez en demandant juftice contre eux.

Je pense que c'eft un devoir indispensable à M. de Saint-Priek de fe joindre à vous. Je ne fais pas comment il est votre parent ou votre allié, je ne fais pas même ce que vous eft madame la comteffe de la Heuze, fi elle eft votre tante ou votre fœur. Je vous prie de vouloir bien mettre au fait un folitaire fi ignorant, en cas que vous lui faffiez l'honneur de lui écrire.

J'ai peur que l'homme puissant, à qui vous vous êtes adresse, ne vous ait donné des paroles et non pas une parole; mais il ne vous empêchera pas de tenter toutes les voies de venger la mort et la mémoire de votre oncle.

[ocr errors]

Je préfume que madame du Barri vous protégerait dans une entreprife fi jufte et fi décente. J'ofe croire encore que M. le maré-. chal de Richelieu, que j'ai vu l'ami de M. de Lalli, ne vous abandonnerait pas.

Enfin, on peut faire un mémoire au nom de la famille. Il me femble qu'il faudrait que ce mémoire fût figné d'un avocat au conseil. La requête la plus jufte n'aura aucun fuccès fi elle n'eft pas dans la forme légale, et ne

C &

fera regardée tout au plus que comme une 1773. plainte inutile.

[ocr errors]

J'ajoute, et avec chagrin, qu'il faudra se réfoudre à épargner, autant qu'on le pourra, les ennemis qui ont dépofé contre leur général. Ils font en grand nombre; et on doit fonger, ce me femble, plutôt à justifier le condamné qu'à s'emporter contre les accufateurs. Sa mémoire réhabilitée les couvrira d'opprobrek atrastas by

Il me paraît que vous avez un jufte sujet de préfenter requête en révifion, fi vous prouvez que plufieurs pièces importantes n'ont point été lues. Il n'y a point, en ce cas, d'avocat au confeil qui refuse de figner votre mémoire. Alors vous aurez la confolation d'entendre la voix du public fe joindre à la vôtre, et ce cri général éveillera la juftice.

Je fuis plus maláde encore que je ne fuis vieux; mais mon âge et mes fouffrances ne . peuvent diminuer l'intérêt que je prends à cette cruelle affaire, et les fentimens que vous m'infpirez.

[ocr errors]

J'ai l'honneur d'être, &c.

[ocr errors][ocr errors]

LETTRE

ΧΙΙΙ.

1773.

A M. VASSELIER, à Lyon.

Mai.

Vous êtes donc mon confrère en fait de goutte, mon cher ami? Pour moi, je n'ai la goutte que comme un acceffoire à tous mes maux. On fait bien qu'il faut mourir ; mais, en confcience, il ne faudrait pas aller à la mort par de fi vilains chemins. Je défire bien vivement de guérir pour venir vous voir, mais je commence à en défefpérer.

Je ne fuis point du tout étonné de l'évêque, dont vous me parlez. Les comédiens font toujours jaloux les uns des autres. Nous allons avoir une troupe en Savoie, à la porte de Genève, qui fera fans doute crever de dépit celle que nous avons déjà à l'autre porte en France. Chacun joue la comédie de fon côté ; je ne la joue pas, mon cher correfpondant, en vous difant combien je vous aime.

Mille grâces de la belle branche de palmier. Quid retribuam domino?

P. S. Il y a dans le Bugey, un brave

officier qui aime la lecture, qui eft philofo1773. phe, et qui m'a demandé des livres. Je crois. ne pouvoir mieux remplir mon devoir de miffionnaire qu'en m'adreffant à vous. Je vous envoie le paquet que je vous fupplie inftamment de faire tenir à ce digne officier à qui le roi ne donne pas de quoi acheter des livres.

Faites un philofophe, et DIEU vous le rendra. Je ne puis faire une meilleure action dans le trifte état où je fuis.

LETTRE XIV.

A MADAME DE SAINT-JULIEN.

A Ferney, 4 de juin.

LA
protectrice réuffit à tout ce qu'elle
entreprend, et fes entreprises font toujours
de faire du bien. Je me jette à fes pieds, et
je les baise avec mes lèvres de quatre-vingts
ans, en la priant feulement de détourner les
yeux.

Mon doyen de l'académie, qui eft fort mon cadet, a eu la bonté de m'écrire une lettre très - confolante. Je lui écris aujourd'hui fur nos hiftrions qui font à fes ordres, et je le

fupplie, comme je l'ai toujours fupplié, et comme il me l'a toujours promis, de faire 1773. jouer, fur la fin de fon année, les Lois de Minos, d'un jeune auteur, et la Sophonisbe de Mairet, qui eft mort il y a environ cent trente ans ; le tout fans préjudice des autres faveurs qu'il peut me faire, et fur lesquelles vous avez infifté avec votre générofité ordinaire.

J'aurais bien voulu vous envoyer des Lois de Minos pour vos amis, et furtout pour monfieur votre frère; mais M. d'Ogni me mande qu'il ne peut plus se charger de paquets de livres. Il veut bien faire paffer toutes les montres de ma colonie dont il eft le protecteur; mais, pour la littérature, on dit qu'elle eft aujourd'hui de contrebande, et que les commis à la douane des pensées n'en laissent entrer aucune. Je crois pourtant que, fi jamais vous rencontrez M. d'Ogni, vous pourriez lui demander grâce pour les Lois de Minos, et alers vous en auriez tant qu'il vous plairait.

A propos de lois, Madame, je ne fuis point.furpris de la fentence portée contre M. de Morangiés; j'ai toujours dit qu'ayant eu l'imprudence de faire des billets, il ferait obligé de les payer, quoiqu'il foit évident qu'il n'en ait jamais touché l'argent.

« PreviousContinue »