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peine il me dit adieu brusquement, et disparut. C'était aussi le meilleur parti qu'il eût à prendre. Car lorsque, dans une controverse, l'on n'a que des absurdités à débiter, et de la confusion à attendre, il vaut mieux se taire, ou se retirer. Ce faisant, l'on répare autant qu'il est possible, par sa prudence, les im'pressions que l'on a faites par son ignorance.

Je passe à l'article de la Trinité.

CHAPITRE IX.

Suite du discours du Vieillard.

Un des plus grands hommes que la France ait produit, un théologien pieux, sage, éclairé, dont les ouvrages sont remplis de raisonnements solides, d'une métaphysique profonde, et d'une érudition peu commune; en un mot, le célèbre Arnaud parle en ces termes de la Trinité : Ce mystère confond la raison, et la révolte. S'il y a au monde des difficultés insolubles, ce sont celles qui suivent ce dogme, qui établit : « que trois personnes, réellement distinctes, << n'ont qu'une même et unique essence; et que cette « essence, étant la même chose, en chaque per«sonne, que les relations qui les distinguent, elle « peut se communiquer, sans que ces relations qui << les distinguent, se communiquent. » Si la raison humaine s'écoute elle-même, elle ne trouvera en soi qu'un soulèvement général contre ces vérités inconcevables. Si elle prétend se servir de ses lumières pour les pénétrer, elles ne lui fourniront que des armes pour les combattre. Il faut, pour les croire, qu'elle s'aveugle elle-même; qu'elle fasse taire tous ses raisonnements et toutes ses vues, pour s'abaisser Dulaurens.-Tome III.

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et pour s'anéantir sous le poids de l'autorité divine (1).

Ce raisonnement me parut hardi, téméraire même, la première fois que je le lus. Mais lorsque je vins à réfléchir de bonne foi sur le dogme de la Trinité, lorsque j'eus examiné les sentiments de Cerinthe, des Ébionites, de Théodoret, de Praxée, de Basilide, de Valentin, de Marcion, de Berylle, de Noet, de Sabellius, de Paul de Samosate, ainsi que ceux de leurs adversaires sur le même sujet, je vis, à mon tour, que ce dogme était, non-seulement contraire aux lumières les plus claires de la raison, mais qu'il anéantissait en même temps l'unité de Dieu. L'examen des opinions d'Arius, de Macedonius, de Thédore de Mopsueste, de Nestorius, et de quelques théologiens des siècles suivants, me confirma dans ce jugement; et la lecture des ouvrages de Socin, de Sandius, de Zuicker, de Biddle, de Sherlock, de Whiston, de Clarke, et de leurs partisans, acheva de faire de moi le plus déterminé antitrinitaire, qui eût paru depuis la mort de Jésus-Christ, jusqu'à ce jour (2).

(1) Arnaud, Perpétuité de la foi, pag. 19, édit. de 1666.

(2) Ceux qui voudront s'instruire de tout ce que l'on a avancé pour et contre le dogme de la Trinité, depuis la naissance du christianisme jusqu'aujourd'hui, pourront consulter :

I. Les anciens historiens ecclésiastiques, tels qu'Eusèbe, Socrate, Sozomène, Théodoret, et les ouvrages des SS. Pères.

II. Les histoires et mémoires ecclésiastiques modernes, tels que

En effet, si on suppose, d'un côté, que le premier homme s'est corrompu par l'abus qu'il a fait de

le Nucleus Hist. Eccl. de SANDIUS.- Les Mém. pour servir à l'Ilist. Eccl. de M. DE TILLEMONT. La Biblioth. Eccl. de M. DU PIN. - Hist. Eccl. FRID. SPANHEIM. l'Hist. Eccl. de M. FLEURI. Le Diction. de BAYLE, aux noms des plus fameux

Antitrinitaires, etc.

III. Les écrits des Antitrinitaires et des Sociniens du xvie siècle, tels que ceux de Michel Servet, de Lælius Socin, de Bernard Ochin, de Valentin Gentilis, de George Blandrate, de François Davidis, de George Engedin, de Jean Somer, de Fauste Socin, et autres, dont il est fait mention dans LUBIienietzki, Hist. Réform. Polon., lib. i et ш. Dans SANDIUS, Bibliot. AntiTrinit. -Dans SCALIG., Hist. Conf. Aug., tom. II, lib. vi, cap. rv. -Dans WENGERSCIUS, Hist. Slavon., pag. 83 et 84.

IV. Les écrits des Antitrinitaires et des Sociniens du x viie siècle, tels que ceux de Jean Volkelius, de Martin Ruar, de Chris. tophe Ostorode, de Jean Schlichting, des deux Lubienietzki, d'André Wissowatius et autres, dont les ouvrages se trouvent séparément, ou dans la bibliothèque des Frères Polonais.

V. Les écrits des plus fameux Ariens Anglais, tels que ceux de Biddle, de Samuel Clarke, de Guillaume Whiston, etc.

VI. Les écrits anonymes des Unitaires, répandus en Hollande, tant parmi les Anabaptistes, que parmi d'autres sectes.

VII. Les meilleurs auteurs, qui ont écrit contre les Antitrinitaires, de tous les siècles, tels que BULL, Judicium Eccl. Catho licæ trium prior, sæculor., etc. Desfensio Fidei Nicenæ in ejusd. Auct. Operibus ex Édit. GRABIL. -STEPH. LE MOINE, Varia Sacra, etc., tom. I, édit. in-4o. 1685. - BossUET, sixième avertissement contre JURIEU. COTELIER, PP. Apost. ex édit. CLERIGI, tom. II. -PETAVIUS, Dugm. Theol.-SPANHEIM, Elenchus conSTILLINGFLEET.

trovers. cum Socianis. ÉDOUARD, etc.

BARROW.

la liberté qu'il avait reçue de son créateur, et que la corruption de ce premier homme s'est communiquée à toute sa postérité; si l'on suppose, d'ailleurs, que Dieu, touché du malheur des hommes, a envoyé un sauveur pour les racheter ; je dis que ce sauveur ne peut être le fils de Dieu, égal à son père, et Dieu lui-même; parce que Dieu étant un être simple, indivisible, éternel, et ne procédant de personne, il est impossible que l'essence de la divinité consiste dans la pluralité des personnes.

Dieu est un être simple, exempt de composition et de divisibilité : or, affirmer qu'il y a plusieurs personnes distinctes en Dieu, est faire de Dieu un être composé et divisible: donc cette assertion et fausse.

Tout acte de génération exige nécessairement l'existence antérieure du générateur, à celle de la chose engendrée; or, Dieu le Fils est, dit-on, engendré de Dieu le Père: donc il n'est pas Dieu; et les termes de génération éternelle et immédiate, dont les théologiens se servent, ne signifient rien. Il faut dire la même chose du Saint-Esprit.

Ceux qui, pour éluder la force de ces arguments, avancent que l'unité de substance, n'excluant point la multiplicité des personnes, il est très-possible qu'il y ait plusieurs personnes en Dieu, quoiqu'il n'y ait qu'un Dieu, avancent une absurdité (1).

Car chaque personne existante dans une sub

(1) Voyez PLUQUET, Dict. des Hérés.

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