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CHAPITRE VIII.

Suite des aventures du Vieillard.

Il n'y a point d'effort que les théologiens de l'Église Romaine n'aient fait, et qu'ils ne fassent encore tous les jours, pour démontrer que le corps et le sang de J.-C, existent réellement sous les apparences du pain et du vin dans l'Eucharistie: il n'y a point de rhétorique qu'ils n'emploient, pour faire comprendre que les passages des SS. Pères, où il est affirmé que les espèces eucharistiques ne sont que des signes du corps et du sang de J.-C. ne sauraient prouver qu'il fût jamais venu dans l'esprit de ces Pères le moindre doute sur la présence réelle. L'on a beau leur opposer que leur autorité, et leur manière d'interpréter les SS. Pères, ne sont point des arguments suffisants pour prouver ce mystère, que les calvinistes enseignent le contraire sur des principes infiniment mieux fondés ; que J.-C. étant dans l'usage d'employer très-souvent des allégories et des paraboles, c'est de cette manière que l'on doit entendre les paroles de l'institution de l'Eucharistie,etc. Ils répondent que ce sont les calvinistes mêmes qui sont mal fondés dans leurs raisonnements; que si

J.-C. eût entendu que les paroles eucharistiques dussent être prises dans un sens figuré, il en aurait averti les apôtres ; mais qu'il ne l'a pas fait; qu'au contraire, il les a suffisamment préparés à prendre ces paroles à la lettre, en leur disant à Capharnaüm que sa chair était véritablement viande, et son sang véritablement breuvage; que ceux qui ne mangeraient point sa chair et ne boiraient point son sang, n'auraient point la vie éternelle (1). Ils ajoutent qu'il a répété la même chose aux juifs, qui s'étonnaient de ces paroles; qu'il a dit ailleurs à ses apôtres qu'il était le pain de vie; qu'il leur a promis ce pain de vie, etc., et ils concluent de-là que le sens littéral des paroles eucharistiques doit être celui qui s'est présenté naturellement à l'esprit des apôtres, lorsqu'ils les entendirent proférer cela est si vrai, continuent-ils, que tout homme raisonnable sent, par expérience, que ce sens s'offre de même à son esprit, lorsqu'il les entend prononcer: cela est si vrai, que Zuingle fut plus de quatre ans à trouver que les paroles: Ceci est mon corps, doivent se rendre par celles-ci: Ceci représente mon corps.

L'on a beau leur répliquer que si le sens littéral de ces paroles s'offre d'abord à l'esprit, lorsqu'on les entend prononcer, la saine raison démontre incontinent le contrare: l'on a beau leur objecter que les quatre ans que Zuingle a mis pour trouver

(1) Joann, vi.

le vrai sens de ces mêmes paroles, ne sont pas plus une preuve de leur sentiment, que les quatre jours qu'emploierait un homme à chercher une aiguille, ne prouveraient que cette aiguille n'était pas trouvable dans la minute; tout cela n'y fait rien : ils persistent dans leur opinion; et si on les met en colère, ils diront que non-seulement le corps et le sang de J.-C. existent sous les apparences du pain et du vin; mais que ce pain et ce vin sont véritablement transubstantiés au corps et au sang de J.-C. Si on leur répond que cela n'est pas possible, ils repartiront que cela est très-possible, et le prouveront (1). Voici mes preuves:

«I. L'on prétend, disent-ils, qu'il est absurde « de supposer qu'un chameau puisse passer par le <«< trou d'une aiguille, parce qu'il faudrait que les parties de son corps se pénétrassent, et par conséquent, que la matière perdit son étendue et son impénétrabilité, etc.

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« Nous répondons, 1o que cette difficulté s'éva«nouit dans le système où l'on suppose que l'éten« due est composée de points inétendus. 2o Qu'elle « s'évanouit de même, en supposant que l'essence «de la matière consiste dans toute autre chose que « dans l'étendue et l'impénétrabilité. 3° Que puis

(1) Voy. PLUQUET, dict. des Hérés., au mot Berenger, et ailleurs, où il s'agit de combattre les sentiments de ceux qui nient la présence réelle et la transubstantiation.

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<< que l'industrie humaine peut condenser l'air au point de lui faire occuper 4000 fois moins d'espace qu'il n'en occupe dans son état naturel, Dieu peut réduire le corps d'un chameau à un point «cent millions de fois plus petit que sa grandeur << ordinaire, et par conséquent, le faire passer non« seulement par le trou d'une aiguille, mais par les «pores les plus subtils que l'on puisse imaginer. « Nous appliquons ceci au corps de J.-C., et nous << disons qu'il peut être contenu dans les espèces « eucharistiques, quelque petites qu'elles soient.

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« II. Un corps quelconque peut se trouver dans plusieurs lieux à-la-fois.

Voici comment :

<< Un corps en mouvement existe dans plusieurs « lieux à-la-fois dans un temps déterminé. Un corps, << par exemple, qui parcourt 100 toises dans une heure, se trouve dans 10 pieds différents, dans << une minute; si au lieu de 100 toises dans une heure, ce corps en parcourt 6000, il parcourra << dans une seconde les 10 pieds qu'il parcourait ·« auparavant dans une minute : ainsi en augmentant « de vitesse à l'infini, il n'y a point de petite portion « de temps pendant laquelle ce corps ne puisse parcourir plusieurs lieux; ou, si l'on veut, la rapidité de son mouvement peut être assez grande, « pour que, dans la plus petite durée imaginable, << il se trouve en plusieurs lieux.

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« D'ailleurs, le mouvement n'est, selon quelques

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philosophes, que l'existence ou la création suc«cessive d'un corps dans différents points de l'es« pace; et la création est un acte de la volonté di« vine : or, qui peut douter que la volonté divine << ne puisse créer si promptement, si rapidement, « le même corps, que dans le même temps ce corps «<existe en plusieurs lieux, quelle que soit leur dis<< tance, et quelque courte que soit la durée ? S'il «ne répugne donc point que Dieu fasse exister un «< corps dans plusieurs lieux en même temps, et << que ce corps y soit transporté, même sans passer << par les intervalles qui séparent ces lieux, il ne « doit point répugner aussi que le corps de J.-G. << se trouve à-la-fois dans différentes espèces consa«< crées.

« III. L'on dit que nos sens nous ont été donnés << pour connaître l'existence, les propriétés des « corps, ainsi que la nature des effets sensibles; « que c'est sur le témoignage de nos sens qu'est « fondée la certitude que nous avons de la nais

sance, des miracles, de la mort, de la résurrection << du Sauveur; et que si le témoignage de nos sens « peut être faux, suspect même, les principaux fon<< dements de la religion s'écroulent sans ressource. « Nous répondons à cela, que le dogme de la présence réelle étant une fois établi, et la possi«<bilité de la réduction des corps à un volume infi«niment petit, de même que celle de leur existence «en plusieurs lieux à-la-fois, étant démontrées, il

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