Page images
PDF
EPUB

nie, ou aux tendres cajoleries d'un paladin de Cythère.

De sorte que de l'une ou de l'autre manière, le diable n'y perdait rien.

O sommeil dangereux et funeste! que tu as causé de maux dans le monde ! O Vitulos! mon cher Vitulos! pourquoi dormez-vous maintenant, que vous devriez être éveillé? pourquoi veillez-vous quelquefois, lorsque vous devriez dormir?

Mais laissons-là le Révérendissime ivre, et son confrère qui dort : venons à mon doux maître, à ce philosophe incomparable dont la philosophie, semblable au soleil, est toujours lumineuse et rayon

Quos ipsi mox accipiunt, quibus et sua sæpe
Scorta sacerdotes casti, mulasque saginant.
Nempe sacerdotum qualis sit vita, modusque
Fallendi stultos, quis non videt? attamen ipsis
Hæc impune licent: tanta est clementia Regum!

Hæc quoque Di faciles tolerant parvique videntur
Pendere, qua sua sacra manu, quo pectore fiant,
Quo probro in terris, quove officiantur honore.
ID., in Sagitt., pag. 203.

utrum Monachos.

Divitiis deceat privari, et partibus illis
Quas auferre solet cristatis villica gallis ;
Quum sint lascivi nimium, nimiumque superbi,
Et spernant omnes, et turpia multa licenter
Committant, scenis exemplo qui præsidet illis.
Proh pudor! hos tolerare potest Ecclesia porcos,
Duntaxat ventri, Veneri, somuoque vacantes?

ID. in Sagitt. pag. 214.

nante, quoiqu'elle soit parsemée de taches; et toujours admirable, quoiqu'elle ait souvent ses éclipses.

Pourquoi mon maître est-il disparu dans le temps que mon confrère Jérôme était au plus beau de son discours? serait-ce par mépris, ou par honte d'entendre sortir des vérités d'une bouche, qui, jusqu'à ce jour, n'avait débité que des sottises? Une pièce d'or perdrait-elle de son prix pour sortir d'un sac qui n'aurait jamais renfermé que des babioles ? une perle serait-elle moins précieuse aux yeux d'un lapidaire, parce qu'il l'aurait trouvée sur un fumier? Mon cher maître ignorerait-il que le ciel se sert quelquefois de la bouche des faibles et des idiots pour annoncer la vérité aux hommes, pour les avertir de leurs devoirs ou des dangers qui les menacent? N'aurait-il pas entendu parler d'un Saint Fursey, qui moralisa dans le ventre de sa mère; d'un Saint Canaguera, qui expliqua Baruch et Ezéchiel en venant au monde ; d'un Saint Pilagori, qui défendit la cause du pape, n'ayant encore que neuf mois ; d'un Saint Guinolin, qui se mit à courir à la sortie du ventre de sa mère, en criant que la maison allait tomber?.. Nonseulement la bouche des simples a souvent été l'organe de la vérité ; mais celle des animaux a servi quelquefois au même usage. Depuis l'âne de Balaam jusqu'au chat de Sainte Pétronille, il y a mille exem-ples qui confirment ce que je dis. Les payens mêmes ont eu leurs bêtes qui parlaient. Qui est-ce qui n'a

pas lu l'histoire des vaches du mont Olympe, du béfier de Phryxus, et du cheval d'Achille ? Qui est-ce qui ignore l'aventure du boeuf de Rome, du chien de Tarquin, de la corneille de Suétone, des chèvres de Mutius, et des anguilles de Marc de Trébisonde?.. Mon doux maître a donc eu tort de disparaître : il devait demeurer jusqu'à la fin du sermon de son compère Jérôme, et profiter de ses leçons, s'il les eût trouvées raisonnables. Mais l'orgueil et la présomption est l'écueil du sage, dit Lopès de Cuença ; et je ne voudrais pas jurer que la sagesse de mon cher maître n'y échouât un jour ou l'autre.

O mon maître ! mon cher maître ! prenez exemple sur la chute de Satan, qui est tombé du faîte de la gloire dans les puits de l'abîme, comme dit Saint Pierre (1), parce qu'il n'a écouté que ce que sa vanité et son orgueil lui inspirèrent. Cependant Satan était pour le moins aussi grand philosophe que vous, mon doux maître ; il était le plus sage, le plus parfait, le plus beau de tous les anges; et il est aujourd'hui la plus ignorante, la plus imparfaite, la plus vilaine de toutes les créatures. Sa sagesse s'est convertie en malice, ses perfections en imperfections, et sa beauté en laideur : il est devenu l'antagoniste de la vérité, le prototype de tous les vices, et l'ennemi des honnêtes gens, ainsi qu'il l'a fait voir en plusieurs rencontres, et notamment en colaphy

(1) II. Épît., chap. 1, v. 4.

sant Saint Paul, pour l'empêcher de faire le bien (1). Mais, mon cher Jérôme, si le redoutable s'est enivré, si Vitulos s'est endormi, si mon doux maître s'est enfui, au lieu de t'écouter, n'y aurait-il point un peu de ta faute? Tu leur as débité des choses admirables, à la vérité; mais tu ne les as appuyées d'aucune autorité, et les autorités sont d'un grand poids, comme tu sais, pour faire recevoir ce que l'on veut persuader. Depuis quelque temps, tu es devenu savant comme un docteur de Salamanque ; il ne t'aurait rien coûté à citer par-ci par-là les SS. Pères, ces lumières du monde, ces colonnes de la foi et de la pureté de la morale, de même qu'un Emmanuel Sa, un Suarès, un Lessius, un Mariana, un Santarel, un Escobar, et autres grands hommes, sortis du sein de l'ordre de mon compatriote Inigo de Guipuscoa, le plus grand serviteur de Dieu qui ait paru depuis la création d'Adam jusqu'aujourd'hui, et qui paraîtra peut-être jusqu'au jour du jugement.

Mon cher Diego, dis-je à l'Espagnol, des vérités telles que celles que j'ai débitées, n'ont besoin d'aucun appui leur importance et leur clarté suffisent pour les faire écouter et recevoir. D'ailleurs, je ne suis point devenu si savant que tu le crois; je ne suis devenu que plus raisonnable que je ne l'étais. Je n'ai lu ni les SS. Pères, ni les grands hommes de la société de ton compatriote. Mais si l'on doit s'en rap

(1) II. Corinth., chap. xu, v. 17.

porter à d'autres grands hommes aussi, les SS. Pères ne sont rien moins que les lumières du monde, les colonnes de la foi et de la pureté de la morale. Car, en certains cas, leur doctrine est plus capable de propager l'erreur et l'illusion que d'éclairer les hommes, et plus propre à corrompre les mœurs qu'à les épurer. Par exemple :

Clément d'Alexandrie était un Stoïcien outré : ses ouvrages sont pleins de maximes absurdes ou impraticables (1), remplies d'opinions singulières ; comme lorsqu'il dit que si J.-C. mangeait quand il était sur la terre, c'était de peur de passer pour un spectre (2), etc.

Tertullien était un esprit vague, et un Quaker fanatique, s'il en fut jamais; son goût démesuré pour les hyperboles et les allégories, le jeta dans des écarts si ridicules, tant dans la pratique que .dans la spéculation, que sa vie pourrait fournir d'amples matériaux à celui qui entreprendrait d'écrire l'histoire des extravagances de l'esprit humain (3).

Origène paraît assez instruit, assez raisonnable même ; mais lorsque je pense qu'il se châtra, je ne

(1) Voyez ses Stromata, lib. 1, cap. ш: lib. iv, cap. x.—Lib. vi, cap. xvIII, édit. Oxom. - ID., Pædagog., lib. ш, cap. vi. — Parad. v.

(2) Strom., vi, cap. IX.

(3) Voyez TERTULL., de Spect., cap. xxш;

- ID.,

de Idolat,

de Patient., cap. x.

cap. xv et seqq. · de Coron. Milit., cap. xI.— Apologet.,

[blocks in formation]
« PreviousContinue »