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« tout ce que

l'Écriture contient en ce genre, doit

« être laissé pour ce qu'il est, ou doit être interprété dans un sens métaphorique, propre à notre « édification ou à notre instruction.

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« L'Écriture, qui est la parole de Dieu, et non « une chimère, comme le croit le vieillard, est la règle de notre foi et de notre conduite. Cela étant,

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<< l'on ne peut supposer que Dieu nous y propose des objets de foi qui répugnent à notre raison, ni qu'il << nous y ordonne des choses que nous ne pouvons «comprendre.

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« Or, le dogme du péché originel, par qui l'on prétend que le mal est entré dans le monde, n'est « point une chose que la raison puisse compren« dre; au contraire, il répugne à toutes les notions <«< communes, il est même injurieux à la justice, à « la bonté de Dieu; donc Dieu, qui est un maître juste et bon, ne peut exiger qu'on admette une pareille absurdité; donc le mal a une toute autre « origine que la désobéissance d'Adam; donc les « passages de l'Écriture, sur lesquels ce dogme est «fondé ne forment point un objet de notre croyance; << ou s'ils forment un tel objet, c'est dans le cas où « ces passages peuvent être entendus de chacun de «<<nous, d'une manière propre à son édification ou « à son instruction.

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« Mais voyons, examinons un peu d'où le mal << tire son origine.

« Nous savons que tout ce qui existe dans l'uniDulaurens.-Tome III.

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« vers ne peut être l'effet du hasard; tout ce qui <«<existe tire son origine d'une première cause, qui «<est Dieu; or, examinons si Dieu peut être l'au«teur du mal !

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« L'on ne peut définir le mal par une privation qui tient du non-être, comme une maladie est « une privation de la santé, ou une injustice une privation d'un acte de justice; car l'on pourrait « dire que la santé est une privation de maladie, et « un acte de justice une privation d'injustice : la « maladie est un état aussi réel que celui de santé : << un homme qui égorge son frère, fait un acte « aussi réel que celui qui fait du bien à son en<< nemi.

« Il résulte de-là que le mal en général, (c'est-à<< dire le mal moral et le mal physique) est un être « réel et positif, de l'existence duquel l'on ne peut douter, non plus que de l'existence de l'univers.

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«Le néant ne peut avoir produit le mal : car son pouvoir égalerait celui de Dieu; ce qui est impos«sible: Dieu ne peut avoir créé le mal; car Dieu « est juste et bon; une autre cause que Dieu ne peut « avoir produit le mal, car Dieu a créé tout ce qui «< existe.

<< D'où le mal tire-t-il son origine? Del'essence des «< choses. Qu'entend-on par les choses? Tout ce qui <«<existe dans l'univers. Mais tout ce qui existe dans « l'univers compose l'univers; tout ce qui compose « l'univers est formé par un ouvrier; tout ouvrier

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dirige son ouvrage sur un plan; lorsque le plan est bon, l'ouvrage l'est de même ; comment donc les «< choses qui composent l'univers, produiraient-elles « le mal, si elles avaient été formées sur le plan d'un << ouvrier intelligent? Mais Dieu est cet ouvrier; cet «< ouvrier est intelligent; de plus, il est bon, juste « et tout-puissant; le plan qu'il a formé est parfait; «son ouvrage l'est de même : encore un coup, d'où «<le mal tire-t-il son origine?...»

Voilà comme je raisonnais pour tâcher de découvrir l'origine du mal ; mais lorsque j'en fus-là, je ne pus aller plus loin. Celui qui est parvenu à ce point, touche au non plus ultrà de la raison humaine. Qu'il se tourne de quel côté qu'il voudra, il ne trouvera aucun jour pour passer outre. Les systèmes des manichéens, des marcionites, et de leurs semblables, toutes les difficultés que Bayle a forgées sur ce point, ne prouveront jamais qu'il y a deux principes, dont l'un est essentiellement bon, et l'autre essentiellement méchant, ni qu'il y a de l'injustice et de l'impuissance en Dieu; non plus que l'Écriture et ses commentateurs, tous les écrits des SS. Pères et des antagonistes de Bayle, n'établiront la solidité du dogme du péché originel, ni ne feront voir comment l'existence du mal peut s'accorder avec les attributs que Dieu possède.

Il nous est donc très-permis de jeter les yeux sur tout ce qui nous environne, et de calculer le bien et le mal que nous voyons; mais c'est perdre notre

temps que de chercher l'origine de ce dernier, de même qu'à la fonder sur des absurdités telles que la chute du premier homme. Il est toujours inutile, et souvent dangereux, de vouloir approfondir des choses au-dessus de la portée de notre entendement : il n'y a que l'orgueil ou la folie qui puissent donner lieu à une telle entreprise.

CHAPITRE XII.

Suite de mes réflexions sur le discours du Vieillard.

Je ne m'amusai point à examiner le dogme de la présence réelle et de la transubstantiation; il me tardait trop de passer en revue celui de la Trinité. Mais comme ces termes d'attributs, d'affections, de substance, de substance simple dans laquelle il existe trois choses analogues à ce que l'on appelle personnes (1), étaient au-dessus de ma faible conception, je m'attachai uniquement à la nature de J.-C. et je formai un raisonnement plus simple, et plus à ma portée; ne doutant point que si je venais à bout de me démontrer que J.-C. est Dieu, je n'aurais point grande peine à prouver que le Saint-Esprit le fût aussi; au contraire, si je trouvais que J.-C. ne fût pas Dieu, le dogme de la Trinité tombait de luimême.

Entre tous les chrétiens qui existent sur la terre, dis-je en moi-même, les uns affirment la divinité de J.-C., et les autres la nient.

J.-C. est Dieu, disent les uns; c'est un blasphême

(1) Voyez ci-devant, p. 92 et suiv.

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