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CHAPITRE VII.

Changement de matière.

OR ÇA, continua Père Jean, en attendant que j'aie passé encore quelque temps à l'école de mon neveu, et que je sois en état de raisonner plus pertinemment sur la nature de l'ame, et sur la mécanique de ses opérations, parlons d'autres choses.

Un chacun dans sa vie ne se détermine que par quelque motif: celui qui m'a déterminé à embrasser la vie que je mène, fut le souverain mépris des fadaises du siècle, et l'amour de la liberté. Pour toi, dit-il en s'adressant au Juif, ce sera sans doute l'amour de ton profit; car les gens de ton espèce n'ont pas l'ame assez élevée pour secouer le joug de la bienséance, de la religion et des lois, par un motif aussi noble, aussi désintéressé que le mien. -- Il n'y a point de règle sans exception, dit Abiud (1): il est vrai que ma nation a passé de tout temps, avec raison, et passera éternellement pour un peuple stupide, grossier, superstitieux, ignorant, attaché opiniâtrement aux vétilles, aux minuties des usages et céré

(1) C'est le nom de ce Juif.

monies, qu'il a reçus de ses pères (1), de même qu'à son intérêt, Mais il y a des hommes parmi ce peuple, qui voient aussi clair que le Révérend Père Jean de Domfront: il n'est même point nécessaire que Sa Révérence aille bien loin pour en trouver; elle n'a qu'à ouvrir les yeux, elle verra son très-humble serviteur, qui se fait gloire d'être de ce nombre-là.

Pour vous faire voir comment je suis parvenu à voir la lumière, comme disent les francs-maçons, il est à propos que je dise un mot de mon éduca

tion.

(1)« Natura Gentem Hebræorum præter cæteros Orbis incolas, ingenio moroso, difficili, et ad infamiam usque pertinaci, finxit... Moribus asperis et efferatis... Gens superstitiosa et omni penè litteraturâ destituta. » SPENCER, de Legib. Hebræor.. p. 62. S. 629.

"

« De tous les habitants de la terre, il n'y en a point à qui la « nature ait donné un caractère plus bourru, plus fantasque, et qui portât plus loin l'opiniâtreté.... C'était un peuple dont le << naturel était aussi féroce qu'intraitable..... et qui, ignorant « tout ce qui s'appelle science, se livrait tout entier à la super<<< stition. >>

Les Juifs anciens étaient un peuple revêche, méchant, opiniâtre; en un mot, tel qu'il semble que Dieu se l'était choisi, pour la même raison que Socrate avait choisi Xantippe; c'est-à-dire, seulement à cause de ses dispositions,qui étaient peut-être les plus mauvaises qui se pouvaient trouver dans tout le genre humain; et cela dans la vue d'exercer, et de faire connaître à tout le monde son extrême patience. Voyez le docteur SouтH, Serm., tome I, pag. 539. Voyez encore le doct. BURNET, Arch. Phil., pag. 332.

Ceux qui connaissent les Juifs d'aujourd'hui, savent qu'ils n'ont point dégénéré de leurs ancêtres.

Dulaurens.-Tome. II.

12

Lorsque je fus en âge, l'on eut grand soin de me faire apprendre les six cent treize préceptes de la loi écrite (1). Quand je fus un peu plus âgé, je trouvai étrange qu'il fût fait mention dans ces préceptes, de tant de cérémonies, de souillures, de purifications', d'oblations ridicules, et surtout de sacrifices pour le flux des femmes (2) et pour la gonorrhée (3), qu'il fût ordonné aux Juifs de racheter les premiers-nés des hommes (4) et des ânes, sous peine à ces derniers d'avoir la tête cassée (5).

D'exterminer jusqu'au dernier rejeton de la race des sept peuples (6).

D'être les plus intolérants, les plus vindicatifs, et les plus cruels de tous les hommes (7).

Qu'il fût défendu de manger de plusieurs animaux mangeables (8).

De manger du raisin sec (9).

(1) Ces six cent treize préceptes se trouvent répandus dans les livres de Moïse. Maimonides les rassembla dans le douzième siècle; et Leusden les inséra en Hébreu et en Latin dans la première édition de son Philologus Hebræus, faite en 1656.

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De labourer la terre avec des animaux de diverses espèces (1); et de plusieurs autres choses, où il n'y a point de sens commun.

Quand je fus un homme fait, j'examinai les opinions, coutumes et usages de ma chère nation, et je trouvai absurde de croire que Dieu eût doué les coqs de raison.

Qu'il faille chausser le pied droit avant le gauche. Que c'est une profanation énorme de marcher sur les rognures de ses ongles.

Que celui qui tue une oie dans le mois de janvier, doit mourir.

Que la veille des expiations, l'on doive tuer un coq, ou un singe.

Que si les femmes n'allument point leurs lampes avant l'ouverture du sabbath, elles meurent en couche.

Que l'on soit obligé d'ouvrir les œufs par le bout pointu.

Que l'on doive jeter de la terre par-dessus sa tête en revenant d'un enterrement.

Que le germe de la résurrection se tient dans l'épine du dos, etc. (2).

(1) Levit., xix, 19.

(2) Ceux qui voudront en savoir davantage sur cette matière, pourront consulter BUXTORF, Synagog, etc. LEUSDEN, Philogus Hebræo-mixt., et les autres principaux auteurs qui ont traité des rites, cérémonies, usages et opinions des Juifs, et surtout le Talmud.

L'examen de toutes ces choses me révolta, et peu s'en fallut que je ne devinsse philosophe dès ce moment-là. Mais je n'osai franchir le pas; le préjugé sur la nécessité d'être Juif, ou d'être damné, me retint.

Je fus conter mon embarras à un rabbin qui' demeurait dans notre voisinage, et qui avait la réputation de vivre comme un saint. Je priai cet homme d'éclairer mes doutes, de lever mes scrupules, et de me donner des instructions raisonnables. Ce rabbin loua mon zèle, se prêta avec plaisir à ma réquisition, et commença par m'inculquer une forte aversion pour nos frères les Caraïtes (1), et autres qui n'ajoutent aucune foi au Talmud (2): puis il m'apprit qu'il y avait autant de différence entre le Talmud et l'Écriture Sainte, qu'entre le vin et l'eau.

Que Dieu étudiait trois heures par jour dans la Loi, et neuf dans le Talmud (3).

Que Dieu ayant diminué la Lune, qui avait été vingt-un ans égale au Soleil, crut avoir péché, et ordonna que l'on offrit un sacrifice propitiatoire pour lui (4).

Que Dieu dansa aux noces d'Ève (5).

(1) Les Caraïtes sont une espèce de Juifs, qui se piquent de ne suivre que la loi écrite.

(2) Le Talmud est le Recueil des Traditions sur les Lois Orales de Moïse, et des Commentaires des Rabbins sur ces Traditions. (3) Tract. de Sabbath., in Talmud.

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