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des vingt dernières années en Ecosse, j'en ai dit assez pour faire comprendre que cette institution divine et vraiment bienfaisante n'est pas sans avoir ses ennemis, sans courir plus d'un danger. On me pardonnera si j'exprime la crainte que le flot toujours croissant d'étrangers, arrivant des pays où le jour du Seigneur est moins honoré et sanctifié, n'ait eu pour effet d'abaisser l'étendard du dimanche. Je ne pense pas que l'argumentation des ultraspiritualistes, qui nous disent que chaque jour devrait être un sabbat, ait pu séduire réellement d'autres personnes que celles qui étaient, d'avance, toutes disposées à être séduites. L'artifice était trop grossier pour faire beaucoup de mal quand il avait à lutter contre la finesse caractéristique de l'esprit écossais Qu'est-ce, en effet, répondit-on, qui empêcherait, suivant le même principe, de dire que les hommes doivent toujours prier; qu'ainsi ce n'est pas une chose nécessaire d'avoir des heures et des locaux particuliers pour nos dévotions particulières, et que nous devrions même nous dispenser d'employer la parole. On observa, en outre, que si les choses n'étaient pas quelquefois pratiquées avec solennité, vraisemblablement elles ne le seraient jamais; et que faire de chaque jour un sabbat, revient, en fait, à n'avoir pas de sabbat

du tout.

Il y eut une époque où le système des chemins de fer, par l'essai d'affecter le jour du Seigneur au transport et au trafic, menaçait de faire violence à nos convictions religieuses, à nos habitudes nationales, et d'attirer, au milieu de nous, une contagion qui irait se répandant au loin et gagnant en intensité. Ce mal fut promptement arrêté. Les traditions religieuses de notre société offraient, dans la plupart des cas, une résistance trop énergique à la cupidité d'hommes qui, pour enfler leur dividende annuel, semblaient prêts à faire le sacrifice des intérêts les plus élevés et à fouler aux pieds les sentiments les plus intimes d'une nation. La majorité de nos chemins de fer écossais ne fait pas partir de train pendant tout le dimanche; la moralité publique se trouve très-bien de cette règle, sans que le trafic ou le commerce en ressentent aucun dommage, sans même qu'aucune perte pécunaire s'ensuive pour les propriétaires de ces entreprises colossales.

9° Toutefois, nous devons signaler, comme étant à l'œuvre, une

influence qui a déjà, en quelque mesure, mis en péril le dimanche écossais, et qui, je le crains, se fait sentir en Angleterre par des ravages beaucoup plus étendus et sérieux: je veux parler de la campagne ouverte, en un si grand nombre de localités et par un si grand nombre de partis, pour arriver à faire un jour de divertissement et d'amusement du jour mis à part pour le repos et le culte. Aux visites à la maison de prière, à l'instruction et au culte, on voudrait substituer les galeries de tableaux, les palais de cristal, les musées où sont rassemblés les produits de la nature et de l'art, les romantiques paysages au milieu desquels les foules sont complaisamment transportées par les trains de plaisir. Les raisons données pour cet échange insidieux et dangereux sont souvent enveloppées d'une sorte de phraséologie religieuse: on représente ces visites à de belles scènes de la nature comme servant de préparation à un autre genre de culte, et la contemplation des chefs-d'œuvre de l'art dans la peinture, la sculpture ou l'architecture, comme exerçant sur l'esprit une influence qui le purifie et qui l'élève; d'autres fois, cette argumentation revêt la forme d'une philanthropie bâtarde, quand bien même il se trouve, presque toujours, que les plus chauds avocats du palais de cristal ou des trains de plaisir s'attendent à retirer un avantage pécuniaire de la pratique recommandée. Jamais raisonnements ne furent combattus plus victorieusement par la vraie philosophie ou plus complétement réfutés par l'expérience. Nous ne voulons pas nier que la vue des grandes œuvres d'art, que de belles scènes du monde puissent, en leur temps et à leur place, avoir des avantages pour les plus affairés et les plus pauvres. Mais s'imaginer qu'aucune de ces choses puisse, en quelque mesure, se substituer au retour régulier des exercices hebdomadaires de piété, à l'instruction dans les grandes vérités de la révélation divine, c'est témoigner une grande ignorance des besoins les plus profonds et des nécessités les plus urgentes. Qui a jamais entendu dire que la vue de lableaux et d'images, quelque animés qu'ils puissent être par le souffle du génie, ait transformé les êtres vils en êtres purs et les hommes terrestres en hommes divins? Ce n'est point par des procédés pareils que le cœur est renouvelé: ils agissent sur la partie esthétique plutôt que sur la partie morale de notre nature. Ils peuvent

raffiner; ils ne sauraient changer. Ils peuvent former le chapiteau, non la base de la colonne. La ville de Munich possède l'une des plus grandes galeries de tableaux et l'une des populations les plus corrompues, les plus dégradées de l'Europe. Les brigands des environs de Rome avaient coutume, à l'époque du carnaval, de visiter les galeries de tableaux de cette ville, et plusieurs se montraient bons juges et fins connaisseurs quand ils s'entretenaient des ceuvres des maîtres, tant anciens que modernes; jamais on n'a vu qu'aucun d'eux abandonnât, sous cette influence, sa vie de violences et de crimes. S'il est une leçon que l'histoire de l'ancienne Grèce, au temps de sa décadence, donne au monde d'une façon éclatante, c'est celle-ci : la culture du goût peut se rencontrer dans le même individu et le même peuple avec la dépravation et l'immoralité poussées à l'extrême.

L'expérience de notre île vient à l'appui de l'opinion que ces choses sont impuissantes pour la régénération d'un peuple, et que, quand elles sont greffées sur le dimanche, mises en lieu et place des services religieux qui sont l'apanage de ce jour, elles produisent l'effet contraire. Le palais du gin s'élève bientôt à proximité de ces lieux de délassement public qui font, pour lai, l'office d'un sentier uni et agréable conduisant à ses filets; peu de spectacles, dans notre pays, sont plus bruyants, plus abjects, plus misérables, plus alarmants pour l'avenir de notre nation qu'an train de plaisir du dimanche qui vient verser, dans une ville, ses amateurs de divertissements et ses dévots admirateurs de la nature. C'est une chose bien connue des chefs d'ateliers que de tels hommes, réduits à une grande faiblesse par l'effet du bruit et de l'excitation, retournent rarement au travail du lundi du même pas que l'ouvrier qui a fait de son dimanche un bon usage et qui l'a sanctifié. La conséquence est facile à préFoir: si jamais, en Angleterre, le dimanche était généralement abandonné au plaisir, il s'écoulerait peu de temps avant qu'il fût accaparé par la cupidité et les entreprises commerciales, et la destinée de l'ouvrier rappellerait bientôt celle de Samson, qui commence par être bercé dans les bras du plaisir, puis se laisse lier et gémit; les ténèbres se sont amassées sur son intelligence, son âme est dans la nuit et son existence prend fin avec le châtiment qui la poursuit: de ses mains, il ébranle et fait

crouler sur lui-même et sur ceux qui l'ont asservi les piliers de notre édifice social.

Heureusement, nous croyons que le cœur de l'Ecosse est encore sain, que notre patrie est éclairée sur la divine institution et la valeur inestimable du dimanche. Ce jour est, dans nos esprits, saintement associé, avec les plus grands événements de l'histoire, avec les faits par lesquels se traduisent les rapports entre Dieu et l'homme, avec l'achèvement de l'œuvre de la puissance suprême, moment où Dieu fit, d'un regard, l'examen du monde jeune et qui n'avait point failli encore, en prononçant que tout était bon. Nous sommes un peuple libre et heureux, nous avons triomphé de la rudesse de notre sol et lutté avec succès contre un climat peu propice: mais c'est à notre religion que nous devons notre liberté, car comment réduirait-on à la servitude une nation qui craint Dien? Nous regardons le dimanche comme le boulevard de notre piété. C'est notre Thabor, sur lequel nous montons chaque semaine pour aller au-devant des visitants célestes; c'est notre échelle de Jacob. par laquelle nous gravissons jusqu'à la porte du ciel; c'est l'aliment et l'abri de nos affections domestiques; c'est la flamme qui réchauffe et épure nos cœurs. Il ne saurait être question de l'abolir on pense plutôt à étendre son règne. Ajoutons que lorsqu'il cessera d'exister, à la consommation des siècles, il ne s'éloignera pas comme un tourbillon, une tempête, mais comme l'étoile du matin qui n'a pas à s'abaisser derrière l'occident déjà obscurci ou à disparaître de l'horizon envahi par les nuages, mais qui se confond avec la lumière du ciel.

M. le pasteur Panchaud, de Bruxelles, regrette de ne pouvoir présenter d'un dimanche en Belgique le même tableau que le Rév. Dr Thomson vient de tracer d'un dimanche en Ecosse: contrée presque toute catholique, la Belgique respecte peu le jour du Seigneur. L'orateur en exprime sa tristesse; mais il ajoute qu'il est plus douloureux encore de voir des pays protestants, la Suisse en particulier, oublier le commandement: « Souviens-toi du

jour du repos pour le sanctifier. » Après avoir insisté sur les conséquences qu'entraîne cette violation, il demande à chacun de prier ardemment pour que l'ordre de Dieu s'impose à la conscience des peuples chrétiens.

M. le pasteur Demole, de Genève :

J'ai écouté avec un profond intérêt tout ce qui vient de nous être dit, dans un si grand accord, par les orateurs qui m'ont précédé, et spécialement par M. le professeur Godet. Il y a de l'or dans son discours; il nous en faudra battre monnaie. Mais, d'un autre côté, j'éprouve une tristesse pleine d'humiliation en comparant la sanctification du dimanche en Suisse, surtout à Genève, avec ce qu'elle est en Ecosse et ailleurs. Le mal, sur ce point, date de loin parmi nous; et, d'année en année, il s'aggrave sous l'action délétère de causes diverses, notamment des idées et des habitudes irréligieuses qu'apporte la population étrangère établie dans notre pays. Comme l'Arve qui traverse notre territoire, ronge et emporte tous les ans quelque portion de ses rives; ainsi le flot de catholiques et d'incrédules aux mœurs relâchées altère, surtout dans notre jeunesse, les principes évangéliques et détruit, chez une foule de gens, le respect même extérieur du jour de Dieu.

Pour tous ceux qui connaissent et qui servent le Seigneur, c'est an devoir impérieux d'opposer, en commun, un remède à ce grand mal qui nous menace de maux plus grands encore. Dans ce but, il y a, ce me semble, deux choses à faire. Il faut, avant tout, mettre en une vive lumière la divine origine de l'institution d'un jour de repos par semaine; puis, sur ce fondement tout scripturaire, établir et presser l'obligation de sanctifier ce jour dans la berté chrétienne. Ce fondement immuable se présente, à mon esprit, sous l'image d'une voûte semblable à celle que j'ai là devant moi, avec ses piliers, son arc et sa clef. Les deux piliers sont deux paroles de la sainte Ecriture.

1° Dieu prit l'homme, et le plaça dans le jardin d'Eden pour le CULTIVER et pour le garder. L'Eternel parla donc à l'homme du

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