Page images
PDF
EPUB

chantage. Mais je ne me suis occupé que du chantage par la voie des journaux: il en est d'une autre sorte.

Une jeune et jolie actrice repousse les propositions galantes d'un membre d'un jokey-club quelconque. Si ce membre est un monsieur qui ait de l'influence et pour suprême loi la satisfaction de ses fantaisies, il ameutera ses amis et soudoiera des escouades de goujats : il fera siffler l'artiste, malgré tout son talent, et la fera poursuivre d'affronts publics jusqu'à ce qu'elle cède à ses désirs.

Lorsqu'un journaliste aura connaissance d'une cabale de ce genre, c'est à lui qu'il appartiendra d'en flétrir les auteurs comme il le méritent.

Vendredi, 2 Octobre 1868.

XXIX.

Les expositions de peinture ont donné naissance à un genre de littérature qu'on nomme salons. C'est Diderot qui a créé ce genre; ses salons de peinture en sont demeurés le modèle.

Depuis Diderot, la critique pittoresque a pris de l'extension, et aujourd'hui il n'est aucun journal se respectant, qui n'ait aux époques des expositions artistiques, un écrivain chargé de faire le salon, un salonnier, en argot i de journaliste.

Pour critiquer un art, il me semble qu'il serait convenable de connaître cet art. Je ne parle pas seulement de › connaissances techniques, puisées à la hate dans les livres; je voudrais qu'un critique d'art eût peu ou prou pratiqué l'art sur lequel il écrit. Je serais raisonnable, et je ne demanderais pas qu'il fût en même temps bon écrivain et excellent artiste; je me contenterais d'un talent artistique fort modeste. N'est-ce pas une chose risible que d'entendre discourir longuement de la musique, par exemple, un

quelqu'un qui ne connait pas la première note de la gamme ?

De temps en temps certaines villes de province ont des expositions de beaux-arts, et presque toutes nos cités départementales un peu importantes possèdent des musées d'objets d'art. Des œuvres musicales paraissent aussi quelquefois en dehors de Paris.

Il est bon que le journal de la ville où a lieu l'exposition, où se produit une œuvre d'art quelconque, puisse juger l'exposition et faire connaitre l'œuvre d'art, sans attendre que les feuilles parisiennes aient dit leur avis.

Une série d'articles très utiles dans un journal de département, surtout dans un journal littéraire, ce seraient des études sur les richesses artistiques du département. Car la province n'a que médiocrement le goût des arts; ce goût a besoin d'être développé dans quelques départements, dans d'autres il n'existe pour ainsi dire pas, il faut l'y faire naître. La Dordogne a donné le jour à des écrivains de premier ordre, et je ne connais aucun grand artiste périgourdin. Nous sommes pauvres en fait de tableaux et de statues, et il serait peut-être difficile de faire pour notre département ces études que je réclame pour tous on ne peut faire de civet sans lièvre.

Ce n'est pas que j'attache à la critique artistique plus de prix qu'elle n'en a réellement, et comme Jérémie Bentham, célèbre économiste anglais, « Je m'étonne qu'on puisse s'intéresser à des descriptions de tableaux ou de musique. Les tableaux sont faits pour être vus ; la musique est faite pour être entendue ce qu'on écrit là-dessus ne pourra suppléer ni la vue ni l'audition. »

Aussi fais-je nul cas des écrits sur la peinture, la sculp

ture ou la musique, si ces écrits sont purement descriptifs. Le critique d'art doit avoir un but en écrivant, et il ne peut se proposer d'obtenir que trois résultats avantageux. Le premier est de donner à ses lecteurs l'envie de voir de beaux tableaux ou de belles statues et d'entendre de belle musique, ce qui est déjà beaucoup pour la propagation du goût des arts. Le second résultat a plus d'importance, il consiste à éclairer les jugements du public en matière d'art. Et enfin le troisième, de beaucoup supérieur aux deux autres, c'est de concourir à la formation des bons artistes.

Toute littérature pittoresque, musicale ou s'occupant d'un autre art quelconque et qui n'est pas conçue sur l'un de ces trois plans, n'a aucune valeur, est insignifiante, absurde, ennuyeuse et ridicule.

Pour traiter à fond de la critique littéraire et de la critique des beaux-arts, il m'eût fallu, au lieu de quelques articles de journal, écrire des gros volumes et encore je ne serais probablement pas parvenu à épuiser la matière. Les livres de critique sont nombreux: on pourra les consulter.

Je n'ai fait que rédiger brièvement quelques notules concernant spécialement la critique dans les journaux de province.

Vendredi, 9 Octobre 1868.

« PreviousContinue »