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IMPRIMERIE DE P. BAUDOUIN, rue Mignon, n. 2.

DE

L'INSTITUT HISTORIQUE.

L'INSTITUT HISTORIQUE A ÉTÉ FONDÉ LE 24 DÉCEMBRE 1833,

Et constitué le 6 avril 1884.

TOME PREMIER.

PREMIÈRE ANNÉE.

Paris.

A L'ADMINISTRATION DE L'INSTITUT HISTORIQUE,

rue des Saints-Pères, n. 14;

P. BAUDOUIN, IMPRIMEUR-LIBRAIRE DE L'INSTITUT HISTORIQUE,
rue et hôtel Mignon, », 2.

1854.

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DE

L'INSTITUT HISTORIQUE.

INTRODUCTION.

DANS notre époque d'intelligence et d'action, l'histoire est devenue une nécessité imposée à tous; elle est, en effet, le complément de toute étude, la condition de tout progrès. Toute connaissance, pour être complète, est triple; elle embrasse le présent, le passé et l'avenir. Pour connaître à fond un objet quelconque, il faut savoir d'où il vient, ce qu'il est, où il va. Pourriez-vous vous vanter de comprendre l'organisation de l'être le plus chétif de la nature, si vous ignoriez par quelles suites de transformations il a passé pour arriver de l'état de molécule simple à celui d'être complet, remplissant les nombreuses fonctions de la vie ? Le besoin de l'histoire nous poursuit partout et à tout moment. Nous ne pouvons promener les yeux autour de nous sans être forcés de nous enquérir de l'histoire de ce qui frappe nos regards. Voulons-nous faire des lois? sachons d'abord quelles sont celles qui manquent, et demandons à l'histoire quel est le caractère des lois qui ont servi la cause de l'humanité, quel est le caractère de celles qui en ont combattu le progrès. Quelle que soit la science que nous cultivions, que de doutes nous pourrions lever, que de difficultés nous verrions s'aplanir, si nous voulions puiser dans l'étude de l'histoire la haute instruc-. tion qu'elle nous offre! Et les beaux-arts? croyez-vous que leur histoire soit indifférente à l'artiste, au philosophe, à celui qui est appelé à gouverner les hommes? Le premier n'y réchauffera-t-il pas son zèle? n'y puisera-t-il pas de nouvelles inspirations? Le philosophe ne trouvera-t-il pas, dans leur influence sur les mœurs et les progrès de l'humanité, de hautes leçons de morale et de métaphysique? et le législateur enfin, ou le souverain, n'y saisiront-ils pas un précieux moyen d'action sur les masses?

En vérité, je cherche en vain à qui l'histoire pourrait être inutile. Aussi, entre-t-elle pour quelque chose dans toute éducation libérale; mais quelle est petite la place qu'elle y occupe! Rétrécissant ce cadre immense de l'instruction historique, on en a fait une branche de la littérature, et rien de plus; quelque chose d'agréable et non d'utile; un objet de luxe enfin, et non pas de nécessité.

Jusqu'à ce jour, toutes les branches de l'histoire ont été inégalement cultivées, quelques unes aux dépens des autres, et elles ne se sont pas prêté le mutuel appui qu'elles se doivent. Il fallait un enseignement historique qui les réunit toutes. C'est pour réaliser cette pensée qu'a été fondé l'Institut historique : « Il embrasse, disent ses fondateurs, toutes les

JOURN. DE L'INST. HIST.

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«< connaissances historiques dans leur ensemble, et, au lieu de borner l'histoire à l'étude « ordinaire des événemens qui remplissent la vie extérieure des nations, il l'étend à la « connaissance de leurs idées, de leurs sciences, de leurs opinions, de leurs cultes, « de leur génie, c'est-à-dire de tout ce qui constitue la vie intime de l'humanité ». pectus, p. 6 et 7).

De là la division de l'Institut historique en six classes :

1re classe. Histoire générale.

2o. Histoire des sciences sociales et philosophiques.

3o. Histoire des langues et des littératures.

4e. Histoire des sciences physiques et mathématiques.

5o. Histoire des beaux-arts.

6. Histoire de France.

(Pros

Une foule d'hommes, dont les travaux ont marqué dans quelqu'une ou plusieurs de ces branches de l'histoire, ou dont la vie est consacrée à cette étude, se sont empressés de répondre à l'appel des fondateurs de l'Institut historique; et cette société compte aujourd'hui plus de cinq cents membres. Des travaux ont déjà été lus, d'autres ont été déposés, d'autres sont annoncés. Tous les membres sont animés du zèle le plus ardent pour la science de l'histoire, et, dans peu, nous posséderons une collection de matériaux précieux. Mais les membres de l'Institut historique, pour s'être associés dans l'intérêt de la science qu'ils cultivent, ne se sont point liés à telle ou telle école. Ce n'est point ici une affaire de coterie; il ne s'agit point de faire prédominer un système; il s'agit de constater et d'avancer la science de l'histoire, de rapprocher, pour les féconder par le contact, tant de travaux isolés, relatifs à tant de sujets divers et faits dans tant de sens différens. Chacun viendra contribuer à cette œuvre avec indépendance, suivant ses moyens, ses idées, ses opinions arrêtées, ou avec son esprit de doute et de critique. L'histoire des sciences, en effet, forme, dans la grande étude de l'histoire, comme une spécialité propre à quelques savans privilégiés, et non pas une instruction pour tous les hommes, pas même pour tous les savans. Interrogez les chimistes, les physiciens, les naturalistes; combien peu seront au courant de l'histoire même de leur spécialité! Combien d'avocats n'ont qu'une idée étroite et confuse de l'histoire du droit! Combien de médecins ignorent entièrement l'origine et les progrès de la médecine à travers les siècles! Et, ce qui n'est pas moins douloureux pour tout ami de l'intelligence humaine, ceux de ces savans qui, divorçant avec la routine, sont sortis du présent pour s'élancer dans les riches et vastes plaines du passé, n'en ont guère cultivé qu'un seul champ, absorbés qu'ils étaient par leurs études favorites. Quelles lumières, cependant, chacun n'aurait-il pas puisées dans l'étude approfondie de l'histoire des autres sciences! Certainement, ce n'est pas d'aujourd'hui que naît la pensée d'une histoire complète de l'humanité; mais c'est aujourd'hui que tous les hommes de lumière et de labeur doivent s'associer pour en assurer la réalisation. Qui de nous n'a pas admiré, de nos jours, le grand Cuvier, venant, à la fin de son illustre carrière, dérouler le vaste tableau de l'origine et de la marche des sciences! Qu'un si bel exemple ne soit pas perdu pour nous, et que, ce qu'aucun de nous ne serait assez fort pour exécuter seul, tous l'entreprennent en commun! Du moins, l'humanité, loin d'avoir à gémir de notre alliance, ne trouvera-t-elle en nous que des hommes consacrés à son perfectionne

ment.

Mais ce n'était pas tout d'associer nos efforts, il fallait sortir de l'enceinte de nos séances, communiquer avec le public, donner preuve d'existence et agir sur les intelligences pour montrer l'utilité actuelle, réelle, positive, que la société peut retirer des études historiques, telles que nous les entendons. Un journal seul en offrait les moyens; tel est le but du Journal de l'Institut historique. On voit, d'après cela, que nous ne pouvions, que nous ne devions pas le réduire aux étroites proportions d'un bulletin, analyse sèche de nos séances; disons plus, nous borner à l'insertion des travaux lus dans nos réunions, à l'exclusion de tous les autres, même de ceux dont l'utilité nous paraîtrait incontestable; c'eût été rejeter les moyens de donner au Journal de l'importance et de l'intérêt, le plus d'importance et le plus d'intérêt possible; c'eût été limiter volontairement notre influence, et

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