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Depuis la chute de l'empire romain jusqu'à la renaissance.

(Du cinquième au seizième siècle.)

Au premier aspect, le moyen-âge ne présente qu'obscurité, confusion, chaos inextrícable. Au milieu de cette innombrable quantité de faits qui semblent s'accumuler pêlemêle comme pour confondre la pensée, au milieu de cet amas de crimes inouïs, de superstitions honteuses, d'ambitions déchaînées les unes contre les autres, de destructions et de ruines, d'invasions et de luttes de peuplades barbares, on cherche long-temps en vain un fil conducteur; les grands hommes, qui apparaissent çà et là, sont comme déplacés ; il semble que tout commence et finit avec eux; cette succession rapide d'événemens si inopinés, si divers, si opposés, cette espèce de lanterne magique plonge l'esprit dans une sorte de stupéfaction, et, lorsque revenu de ce profond étonnement, on cherche à se . rendre compte de ce qu'on a vu, il faut un long travail d'analyse pour en avoir une intelligence nette. Mais on finit par apercevoir, à travers ces onze siècles de perturbations sans cesse renaissantes, une marche rétrograde d'abord, puis des efforts généreux vers le bien, puis un progrès lent et pénible, mais sûr et de plus en plus fécond.

au

Le moyen-âge commence aux premiers établissemens des barbares du nord sur les ruines de l'empire romain au cinquième siècle, et finit au seizième, époque de la renaissance. Déjà au troisième et quatrième siècle, une partie de ces barbares avaient fait irruption dans l'empire, mais successivement vainqueurs et vaincus, ils n'avaient encore pu s'y fixer solidement. A mesure que l'empire s'affaiblit, les barbares se fortifièrent, et l'on vit, cinquième siècle, les Huns, les Visigoths, les Ostrogoths, les Alains, les Vandales, les Suèves, les Bourguignons, les Francs, les Anglo-Saxons et les Lombards pénétrer en Allemagne, dans les Gaules, en Espagne, en Angleterre, en Italie, et y fonder des états. En s'établissant dans ces nouvelles contrées, ces barbares y apportèrent leurs lois et leurs mœurs, et cependant la plupart respectèrent les mœurs et les lois des peuples qu'ils avaient vaincus; ils ne prirent pas même tout leur territoire, mais ils les retinrent dans une condition inférieure à eux, même ceux à qui ils avaient laissé une partie de leurs propriétés. De là l'origine de la féodalité, à laquelle la grande puissance de quelques chefs donna tant d'extension quelques siècles plus tard.

Aux cinquième et sixième siècies, toute l'Europe, traversée, sillonnée par les peuplades du nord, est en proie aux bouleversemens, aux pillages et aux massacres; les peuples et les races se croisent et se mélangent, mais partout c'est le triomphe du fort sur le faible; par conséquent la ruse, la fraude, la perfidie et le mensonge sont les armes légitimes de l'opprimé.

(1) Voir le premier article dans le numéro de décembre 1834 t. I., p. 257—271. JOURN DE L'INST. HIST, TOM. 4, Se LIVR.

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Aux septième et huitième siècles, pendant que les divers états de l'Europe se forment et s'arrondissent, se divisant sans cesse pour se réunir ensuite, l'Asie et l'Afrique sont occupées par les Arabes, dirigés par Mahomet, leur prophète, et par les Califes, ses successeurs; bientôt même, sous le nom de Sarrazins, les Arabes envahissent une partie de l'Ita lie et de la France, et l'Espagne presque entière. Ici c'est la race asiatique qui menace d'asservir la race européenne; mais ses succès ne sont pas durables, et bientôt repoussés de l'Europe, les Sarrazins se retirent en Afrique où ils dominent encore sur la race africaine et dans leur contrées originaires. C'est en Espagne qu'ils prolongèrent le plus longtemps leur séjour, puisque les derniers n'en farent expulsés qu'au quinzième siècle.

Aux neuvième, dixième et onzième siècles, encore des invasions des barbares; ce sont les Huns qui reparaissent en Pannonie, après avoir disparu pendant plusieurs siècles; les Danois en Angleterre, et les redoutables Normands en Allemagne, dans les Pays-Bas et en France; mais ces derniers, plus heureux que les autres, obtiennent une des plus belles provinces de France, et tandis qu'une de leur bande s'empare de la Sicile, une autre conquiert l'Angleterre au onzième siècle et en reste maîtresse, tout en conservant la Normandie.

De cette double possession, de cette position bizarre d'un rci d'Angleterre, vassal du roi de France comme duc de Normandie et par suite de nouvelles acquisitions de différentes provinces de France, le Normand, devenu Anglais, aspire à commander en France; et les deux pays s'épuisent en luttes continuelles pendant les douzième, treizième et quatorzième siècles. La France, au moment d'expirer, se ranime et triomphe de son ancien vassa!. Pendant ce temps, l'Allemagne s'affranchit des peuples qui menacent de l'envahir au dixième siècle, et se constitue en differens états indépendans, sortes de petites monarchies gouvernées par des dues et autres chefs semblables, soumis, pour les affaires d'intérêt général, à la suzeraineté de l'un d'entre eux, élu empereur ; l'Italie se forme aussi en un grand nombre de petits états. Mais au onzième siècle, de nouveaux peuples, venus du fond de l'Asie, les Turcs envahissent la Perse et menacent Constantinople. C'est alors que l'Europe elfrayée, mais surtout fanatisée par ses papes, s'ébranle et se croise contre l'Orient, pendant les douzième et treizième siècle. Malgré ces efforts, les Turcs pénètrent en Europe au qu torzième siècle, et, maîtres de l'Afrique, ils fondent, au quinzième, le siége et le centre de leur empire à Constantinople même.

Enfin, pour achever l'histoire des invasions des peuples et des conquêtes gigantesques, il nous reste à signaler celles des Mogols conduits par Gengiskan, à la fin du douzième et au commencement du treizième siècle, et par Tamerlan au quatorzième. Ces conquêtes s'étendirent dans presque toute l'Asie, mais n'eurent aucune influence sur l'Europe.

Si nous voulons maintenant résumer l'histoire géographique des peuples du moyen-âge, nous voyons chaque contrée du monde connu appartenir successivement à une foule de maîtres.

Commençons par l'Asie son grand plateau central et ses quatre versans out suivi des destinées bien différentes. Les habitans du grand plateau, peuples nomades, actifs et guerriers, impatiens du même séjour, sont descendus à l'Orient, au sud et à l'Occident; en Chine, dans l'Inde, comme dans la Tartarie et la Perse, ils ont dressé leurs tentes et fondé des empires. Le revers septentrional, la Sibérie actuelle, est nul pour l'histoire au moyen-âge: quant au revers oriental, c'est la Chine, peuple essentiellement immobile et pacifique, qui n'a point fait de conquêtes, qui n'est pas sorti de ses limites naturelles, et s'est laissé dominer par les Mogols et les Tartares, sans bouleversement, sans ébranlement, sans secousse. L'Inde, au revers méridional, assez semblable à la Chine, aussi ancienne, sinon plus ancienne que la Chine, l'Inde, la première lumière du monde dans l'antiquité, n'a plas de conquérans, plus de puissance au moyen-âge; indifférente aux grandes révolutions de monde, elle reçoit le joug, s'amollit et s'efface.

Il n'en est pas de même du revers occidental. C'est vers l'Occident que s'est portée la masse des peuples descendans du plateau de l'Asie. Les Perses, les Arabes, les Turcs et les Tartares nous rappellent autant de conquérans. Les premiers, opprimés par les Arabes, sont bientôt éclipsés par eux. Puis les Arabes musulmans se laissent peu à peu subjuguer

par les Turcs, leurs mercenaires, et ceux-ci deux fois pressés, resserrés, circonscrits par les Tartares-Mogols, finissent par établir leur domination dans tout l'occident de l'Asie, une grande partie de l'Afrique et un coin de l'Europe.

Passons maintenant à l'Afrique : l'Afrique du moyen-âge est encore bien peu de chose, ce n'est guère que l'Egypte et la côte de la Méditerranée. Echappant à la domination romaine qui s'écroule, après avoir été dominée par les Vandales, au cinquième siècle, l'Afrique devient sujette de l'empire d'Orient; puis, au septième siècle, elle est subjuguée par les Sarrasins, et enfin par les Turcs, quand ceux-ci deviennent les maîtres de leurs rivaux. L'histoire géographique des peuples de l'Europe ne sera pas si simple. Iei ce sont des peuplades barbares dont les premières, après avoir écrasé la population de l'empire romain, sont bientôt écrasées elles mêmes par d'autres barbares, qui les suivent et précipitent le torrent. Nous voyons l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Espagne successivement envahies par les Huns, les Visigoths, les Ostrogoths, les Alains, les Vandales, les Suèves, les Bourguignons, les Francs et les Lombards; et l'Angleterre successivement occupée par les Anglo-Saxons, les Danois et les Normands. Plusieurs de ces peuples disparurent; les Huns détruits en Europe par Aëtius, général romain, secondé par les Francs et les Ostrogoths; les Alains, par les Visigoths au cinquième siècle; les Vandales, par Bélisaire au sixième; les Ostrogoths, par les Hérules; les Gépides, par les Lombards; les Suèves, par les Visigoths vers la fin du sixième siècle; les Bourguignons, par les Francs; les Visigoths, par les Sarrasins; et les Lombards, par Charlemagne au huitième siècle, tandis que les Francs restèrent maîtres d'une grande partie de la Gaule dont ils cédèrent seulement une contrée aux Normands, mais à titre de bénéfice et sans la détacher du royaume; tandis que les Anglo Saxons, mélangés aux Normands qui les vainquirent sans les détruire, formèrent la nation anglaise, et que les Sarrasins, chassés d'Espagne et refoulés en Afrique et en Asie, y constituèrent la nation musulmane. Il ne faut cependant pas croire que les hordes barbares vaincues furent entièrement anéanties par les vainqueurs; il y eut d'horribles massacres, mais une partie des vaincus se retira en arrière, rétrogadant vers ses climats originaires, tandis que le plus grand nombre se confondit avec les vainqueurs

De là le mélange d'une infinité de nations diverses dans notre Europe; de là la fusion. de plusieurs races (1); de là enfin la diversité de physionomies et le défaut d'un type com. mun, contraste frappant avec l'Asie et l'Afrique, où règne seul un type donné dans chaque grande division ethnographique.

Si nous pouvions suivre jusqu'au bout le fil de ces transmigrations barbares, et remonter jusqu'à l'origine de chaque peuplade, la question mystérieuse des races originelles s'éclaircirait bientôt ; mais nous ne commençons à connaître chaque nation que long-temps après son départ, quand déjà elle est organisée, qu'elle a des mœurs propres, une religion. commune, une législation nationale. Contentons-nous donc de noter l'existence de races différentes au quatrième siècle et leur mélange dans les siècles suivans, peu marqué en Asie, déjà plus frappant en Afrique, mais extrêmement prononcé en Europe.

Nous allons chercher maintenant quel fut, pendant la même période du moyen-âge, chez les nations que nous venons de passer en revue, l'état des mœurs, de la religion et des institutions; puis nous y étudierons les progrès des arts, des lettres et des sciences, de la médecine en particulier, et nous verrons si quelques rapports lient entre elles les diftėrentes périodes de cette dernière aux différentes périodes politiques.

Il faut l'avouer, c'est quelque chose d'affligeant que la barbarie des mœurs du moyen-âge. A commencer par les rois et les princes, et descendant jusqu'au peuple, nous trouvons, pendant la première moitié de cette période, le meurtre et l'assassinat passés en habitude; les rois s'égorgent entre eux ou égorgent leurs parens ou leurs alliés pour s'emparer de leur héritage; les seigneurs s'assassinent et massacrent leurs serfs; les vainqueurs exterminent les vaincus. Partout, innocent ou coupable, le sang coule; les supplices atroces se multiplient, et la justice n'est qu'un vain nom, une formule dérisoire dont se joue le

(1) Voyez l'intéressant article de M. Courtet sur Pinfluence des races humaines, et sur la forme et le développement des sociétés, dans le no de jnin de ce jourual, t. I, pag. 225-237;

puissant, ou une décision du hasard dont on fait honneur à Dieu. Ces seigneurs, véritables bandits, épiant de leurs châteaux-forts les voyageurs sur les grands chemins, les pillent et les rançonnent à merci. Et cependant les croyances religieuses sont grandes à cette époque; le christianisme est devenu la religion de tous ces barbares, de tous les états de l'Europe; les monastères sont multipliés à l'infini, il y en a autant que de palais; les confréries, les ordres religieux sont innomblables; les moines pullulent; les évêques sont tout-puissans, et joignent à une autorité spirituelle, qui va juscu'au despotisme le plus absolu et obtient la soumission la plus aveugle, une puissance temporelle et des richesses inouïes. C'est en vain qu'au septième siècle l'islamisme, devenu la religion de presque toute l'Asie et de l'Afrique, cherche à pénétrer en Europe; il en est repoussé. Bientôt l'évêque de Rome, véritable successeur des Césars, s'arroge sur tous les autres une suprématie jusque-là inconnue. Consulté par Pepin-le-Bref, le pape Zacharie fait un roi du maire du palais, et Charlemagne, comprenant tout le parti qu'il peut tirer de ce représentant de la religion, accroît sa puissance et reçoit la consécration de la sienne partout où il va l'établir par la force des armes. Mais tous les rois ne furent pas des Charlemagne, et les papes ne tardèrent pas à leur faire sentir leur force et leur domination, et quand ils rencontrèrent en eux de la résistance, les traitant en enfans révoltés, ils les excommunièrent, déliant leurs sujets du serment de fidélité envers eux, disposant de leurs royaumes en faveur de tel autre, plus soumis et plus dévoué aux intérêts de l'église.

Mais si les ministres du Dieu des chrétiens se rendirent si souvent indignes de leur mission, ils furent souvent aussi utiles à la cause du progrès. Ils firent comprendre aux peuples, par l'excès même de leur ambition et de leur audace contre les têtes couronnées, qu'il y avait au-dessus de la puissance matérielle et physique une puissance morale encore supérieure à la première; et, faisant quelquefois parler la divinité pour le bien de l'humanité, ils défendirent, en son nom, aux seigneurs de s'égorger entre eux, depuis le mercredi jusqu'au lundi matin, par respect pour ces jours que l'on destinait à célébrer les mystères de la vie et de la mort de Jésus-Christ. (Trève de Dieu, 041.)

Mais en même temps cette autorité devint ombrageuse et intolérante: elle ne put souffrir d'autre croyance, d'autre foi, d'autre culte que ceux de son ég'ise, et elle exigea la condamnation, la punition, la mort de toute secte qui se séparait d'elle. Elle obtint du roi Robert le supplice des Manichéens; les chefs des Manichéens furent brûlés (1023); et le pauvre Robert n'en fut pas moins excommunié pour avoir voulu être roi. Mais c'est vers la fin du onzième siècle que cette puissance des papes commença à s'élever menaçante, inflexible, et visant à la monarchie universelle. Hildebrand, moine, puis pape, sous le nom de Grégoire VII, conçut cette pensée gigantesque, et pour en réaliser l'exécution, il chercha à s'affranchir du contrôle de l'empereur, à affranchir les évêques de toute sujétion aux princes temporels, et composa un collége de cardinaux ayant seul le droit de disposer de la liare; il excommunia des rois et des empereurs, obligea Henri IV d'Allemagne à venir faire amende honorable à la porte de son palais, pieds nus dans la ne'ge, en posture de suppliant; mais il rencontra plus d'une résistance; et, parmi ses successeurs, les deux qui approchèrent le plus de son audace, Innocent III et Boniface VIII, donnèrent au monde de grands exemples de scandale, et préparèrent, par leurs excès, des séparations éclatantes. Cependant les croisades, ces grandes incursions de l'occident chrétien sur l'orient, sectateur de Mahomet, qui remplirent les douzième et treizième iècles, qui firent tant de victimes, dépeuplèrent tant d'états, et qui finirent par céder à la puissance du croissant, ces croisades furent l'œuvre des papes. Nous verrons plus tard qu'elles servirent d'autres intérêts. Et comme si ce n'était pas assez pour ces hommes, appelés les vicaires du Christ, d'avoir armé des chrétiens contre des musulmans, ils armèrent encore des chrétiens contre des chrétiens, des catholiques contre des hérétiques; ils ordonnèrent des croisades contre les Albigeois, et les malheureux Albigeois furent impitoyablement brůlés ou massacrés (1209, 1210, 1224). Après avoir établi l'inquisition dans les états chrétiens pour exterminer l'hérésie, ils prononcent la peine de mort contre tout hérétique; ils font massacrer la secte des pastoureaux (1252) qui s'élevait entre le pape et le clergé; ils font marquer, chasser et quelquefois même brûler les juifs; ils font brûler les templiers; ils font brûler Jean Hus et Jérôme de Prague (1415 1416) pour divergence de croyance sur quelques articles

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de foi. Voilà jusqu'où les porta le fanatisme de la religion et l'orgueil de la domination! L'ambition du pouvoir, les intrigues et la corruption élevèrent à la chaire pontificale des hommes pervers, des scélérats exécrables; la soif des richesses les poussa bientôt à toutes sortes de vices; ils vendirent les prières, ils vendirent l'absolution, ils vendirent les indulgences, enfin ils mettaient le ciel à l'encan, lorsque Luther (1518) vint soulever, défendre et faire triompher, dans une grande partie de l'Europe, la cause du protestantisme. Certes, les souillures de l'Église étaient au comble, mais il serait injuste de lui dénier les services qu'elle rendit d'ailleurs à la société; elle conserva au milieu de ces luttes de la violence contre la violence, au milieu de ce règne du fait et de cet oubli du droit, elle conserva l'idée, l'image d'une loi morale; elle prêcha l'abnégation de soi-même et le dévouement, bien qu'elle donnât elle-même le plus souvent l'exemple du contraire; elle fut long-temps le seul foyer des lettres et des sciences; elle encouragea les arts et les études; elle apprit quelquefois aux peuples, quand ce fut son intérêt, qu'ils n'étaient pas faits pour les rois, mais que les rois étaient faits pour eux; enfin, ce n'est pas sans raison qu'elle put jouir, pendant cette série de siècles, d'une puissance aussi prodigieuse, aussi incontestée.

Pendant cette seconde moitié du moyen âge, depuis le onzième siècle, où la souveraineté de l'Eglise de Rome commença à s'étendre si loin, les mœurs s'améliorèrent aussi ; mais, si elle ne fut pas étrangère à ce perfectionnement, d'autres causes y contribuèrent encore davantage : les affranchissemens des peuples, les nouvelles législations et institutions politiques, et les premiers pas vers la renaissance des arts, de la littérature et des sciences.

La première et la plus puissante cause de l'affranchissement des peuples, ce furent les incursions des barbares dans le vaste empire romain; ces incursions l'affaiblirent jusqu'à le faire crouler, et substituèrent plusieurs maîtres à un seul; dès lors il y eut moins de distance du souverain au sujet. L établissement de la féodalité agit dans le même sens, en multipliant les maîtres dans chaque royaume, d'abord en France, dès le septième siècle, puis en Ecosse et en Angleterre quelques siècles plus tard, en les soumettant à un maître supérieur suzerain. La force, le courage, la valeur dans le combat avaient déjà élevé plus d'un chef sur le pavois; par influence des idées religieuses, ou plutôt du culte, les évêques devinrent des seigneurs, et bientôt les richesses donnèrent aussi du pouvoir. Tout cela, c'était progrès vers l'affranchissement. Qui peut douter encore que l'invention des foires en France (650), où les commerçans, pour se soustraire au pillage et aux vexations des grands possesseurs des cnâteaux, se rendaient par caravanes, ne fut déjà un acte d'indépendance de ce qui n'était ni roi, ni évêque, ni seigneur? Il faut d'autant moins s'étonner de cette conduite, qu'une infinité de villes, dans les Gaules, en Italie, en Allemagne, etc., avaient conservé, à travers toutes les incursions des barbares, leur régime municipal qui, détruit dans un certain nombre, ne subit que bien peu d'altération dans beaucoup d'autres. Plus tard, au onzième siecle, les difficultés que les papes créèren t aux empereurs d'Allemagne, favorisèrent la formation des municipalités en Italie (1050); les villes les plus considérables se déclarerent indépendantes, plusieurs se constituèrent même bientôt en républiques (1106), prenant leur modèle sur les municipes dont nous venons de parler. Vers ce même temps (1095), et jusqu'à la fin du treizième siècle (1267), les six croisades contribuèrent puissamment au même résultat ; elles donnèren t une importance très grande aux villes maritimes qui fournirent les moyens de transport; elles favorisèrent la formation des communes en mettant les princes et les seigneurs pauvres qui voulurent se croiser, dans l'obligation de vendre des priviléges aux villes pour subvenir aux frais de leur équipement; c'es ainsi que Louis-le-Gros, roi de France (1112), puis les rois d'Allemagne et d'Angleterre furent conduits à accorder, ou plutôt à vendre le droit d'affranchissement des communes ils trouvèrent même, dans cette conduite politique, ainsi que dans l'établissement d'une uridiction supérieure, où ils s'efforcèrent d'attirer tous ceux qui avaient à se plaindre de l'injustice ou des vexations des seigneurs, deux moyens de diminuer l'influence rivale des plus puissans d'entre ces derniers.

Comme on le voit, en ceci, comme en toute chose, chacun fut guidé par son întérêt,

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