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au lecteur que, généralement, on attribue à Necker ce discours, bien avant qu'il [eût fait adopter au roi ce principe nouveau,'et il ajoute : « L'opinion était donc préparée pour que le tiers-état obtint un jour une influence égale à celle des deux premiers ordres réunis, et il y aurait de l'injustice à omettre ces antécédens, lorsqu'on est appelé à examiner sur qui doit retomber la responsabilité de la double représentation du tiers et du vote par tête. »

Puis, se rappelant qu'on a également reproché à ce ministre de n'avoir pas donné une loi d'élection qui eût concilié les intérêts nouveaux avec les intérêts anciens, M. Labaume justifie en ces termes le fondateur de la révolution : «Aucune condition d'éligibilité n'ayant été exigée dans les temps antérieurs, il n'était pas possible de recourir à une loi d'élection nouvelle, ni même d'en concevoir l'existence à une époque où l'enthousiasme du patriotisme semblait être l'unique preuve de toutes les vertus civiques. D'ailleurs, pouvait-on exiger la' propriété comme gage de ceux qui, par les dispositions fiscales d'autrefois, avaient toujours répugné à acquérir des biens territoriaux? Il était également difficile de prendre l'impôt pour base du droit de représentation, puisqu'il n'existait alors en France aucune contribution dont le mode fut assez équitatable pour pouvoir la prendre comme un régulateur assuré de la fortune des particuliers. >>

La manière de l'auteur, la nature de son style, la portée de ses réflexions, rappellent ses précédens écrits; on lui doit la première relation de cette déplorable campagne de Russie, dont il fut témoin oculaire. Attaché au cabinet topographique du prince Eugène, il a fait près de lui son éducation militaire et politique; il a vu le développement de cette stratégie prompte, rapide comme le regard de l'aigle, qui assura si long-temps les succès du vainqueur d'Austerlitz, d'léna, de Wagram. A cette école, à celle du vice-roi d'Italie, l'auteur a pu saisir le mécanisme compliqué des ressorts qui font mouvoir la politique des Etats; le silence du cabinet ne formera jamais un historien, comme l'agitation de la place publique, et le mouvement passionné des assemblées délibérantes, comme les leçons du bivouac, le drame de sang du champ de bataille, et la pompe imposante de tant de peuples soumis à nos drapeaux.

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Le général BARDIN,

Membre de la 4o classe de l'INSTITUT HISTORIQUE. 26.

RAPPORT SUR DEUX OUVRAGES DE M. DE RAM,

GRAND VICAIRE DÈ MALINES,

PROFESSEUR DE DROIT CANON ET D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, RECTEUR DE L'UNIVERSITÉ
CATHOLIQUE de belgique ET MEMBRE CORRESPONDANT DE LA 2me CLASSE
DE L'Institut historique.

NOTICE sur saint Servais, premier évêque de Tongres ;

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ORATIO habita die 4 nov. 1834, cum RR. Archiepiscopus Mechliniensis UNIVERSITATEM CATHOLICAM inauguraret.

Messieurs,

Je n'ai pas l'avantage de connaître M. de Ram; mais, après avoir lu les deux ouvrages. dont il a fait hommage à l'Institut historique et sur lesquels vous me demandez un rapport, je suis resté convaincu que c'est à ce sayant ecclésiastique que la Belgique doit l'idée

et la fondation de son université catholique. Ce monument, élevé pour le plus grand déve loppement des sciences sacrées et profanes, jettera une auréole de gloire sur celui qui en a conçu le plan grandiose, et suffira pour illustrer les dignes prélats qui, comprenant toute l'étendue de leur mission divine, se le sont approprié, et le soutiennent de toute leur autorité et de leur zèle ardent et éclairé. L'université catholique de Belgique a été produite d'un seul jet; elle a été enfantée tout d'un coup dans un état de perfection qui doit faire pâlir d'autres universités fondées depuis longues années, et cependant embarrassées encore dans les langes de leur enfance et croupissant tellement dans leur vieille routine, qu'on ne peut prévoir l'époque de leur affranchissement. L'université catholique de Beb gique, sans s'arrêter à des considérations. minutieuses de limites territoriales, a appelé dans son sein les hommes les plus instruits de tous les pays, et les a placés dans ses chaires pour y enseigner chacun la science qu'il a le mieux comprise. Honneur donc à M. de Ram, si je ne me trompe pas dans ma supposition; honneur à l'épiscopat belge qui a su profiter si avantageusement du principe de liberté d'enseignement déposé dans la constitution dernière! Dieu leur accorde force, courage et persévérance pour surmonter les obstacles qu'on cherche à leur susciter!

LA NOTICE SUR SAINT SERVAIS a été publiée en 1829. On y remarque une critique savante et judicieuse. Les Bolandistes, Alban, Butler et Godescard ont porté le flambeau de la vérité dans le travail des anciens agiographes, qui souvent avaient fait preuve de plus de piété que de science, et nous devons beaucoup aux uns et aux autres pour les recherches qu'ils ont été obligés de faire sur les saints du moyen âge. Cependant le travail de ces derniers auteurs n'est pas toujours exempt de quelques inexactitudes. M. de Ram s'est chargé de relever celles qui s'étaient glissées dans la vie du saint évêque de Tongres, et H a rempli sa tâche avec jugement et impartialité. Il nous fait apprécier aussi à leur juste valeur les actes du concile de Rimini.

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La notice est suivie de REMARQUES SUR LE CONCILE de Cologne et sur l'histoire D'ECPHRATAS. Notre savant collègue examine ici deux points: d'abord si les actes de ce concile sont sincères et authentiques, et ensuite si c'est Euphratas, évêque de Cologne, qui a été condamné. Sa conclusion est que l'évêque, chargé d'anathème en 346, doit être un per sonnage tout différent de cet Euphratas, qui, peu de temps après son retour dans son diocèse, mourut de la mort des justes. Quant au concile de Cologne, il pense (que « quelque précaution qu'on prenne, quelque explication que on donne les actes que nous possédons, admis comme authentiques, contiendront toujours des difficultés insurmontables, des contradictions sans fin, et qu'il vaudrait beaucoup mieux de ne les considérer que comme une pièce apocryphe et controuvée. »

ORATIO cum archiepiscopus Mechliniensis universitatem catholicam inauguraret, Ce discours latin, prononcé dans la cathédrale de Malines pour l'inauguration de l'université catholique de Belgique, nous révèle dans M. de Ram un littérateur nourri de la lecture de l'Ecriture sainte et des auteurs du siècle d'Auguste : c'est l'œuvre d'un Cicéron chrétien. En le lisant, on sent couler dans son cœur quelque chose de doux, de suave qu'on ne peut rendre. Ce style fleuri fait goûter les pensées d'une belle ame excitée par le désir de convaincre ses auditeurs de l'utilité et des avantages de l'établissement d'une UNIVERSITÉ basée sur les principes invariables de la RELIGION CATHOLIQUE. « C'est par ce motif, dit notre auteur, que nos pères dans la foi et tant d'illustres pontifes ont fondé un si grand nombre d'universités d'où sont sortis de profonds théologiens, des jurisconsultes érudits, d'habiles médecins, des philosophes chrétiens; telle fut l'université de Louvain, si connue dans les siècles derniers. La religion, en effet, est la rosée qui fertilise le champ des connaissances humaines; c'est, comme le dit excellemment Bacon, l'aromate qui empêche la science de se corrompre. Ceux qui n'ont pas eu la religion pour guide ont fait un rêve de fortune, et, à leur réveil, ils se sont trouvés les mains vides: dormierunt somnum suum et nihil invenerunt... in manibus suis (ps. 65, 6); ils sont tombés dans l'impiété, parce qu'ils se sont écartés du Christ qui seul est la voie, la vérité et la vie (Jean, 14, 6). Occupons-nous donc avec constance et courage, ajoute-t-il, à re

nouer les liens qui unissent naturellement les sciences et la religion; tel a été le noble but que se sont proposés, dans la fondation de cette université, les évêques de Belgique ef l'illustre pontife romain Grégoire XVI, qui ont su apprécier les besoins de notre patrie dans l'époque où nous vivons. »

Notre savant collègue termine son discours par des encouragemens donnés aux professeurs et aux élèves; il implore les lumières du Saint-Esprit pour les uns et pour les autres; il adresse enfin à Dieu et à Marie, comme protectrice de la Belgique et extirpatrice des hérésies, des paroles pleines dè talent et de tendre piété.

Telle est, messieurs, l'analyse décolorée du beau discours latin de M. de Ram, que j'ai la avec la plus douce émotion, car j'en adopte de cœur et d'ame les principes et les ¡sentimens.

La même brochure contient, 1o le Bref apostolique pour l'érection de l'université; 2o la Constitution du souverain pontife pour la collation des grades universitaires; ao les Lettres circulaires, les Décrets des évêques, et 4o les Statuts et Réglemens du nouveau corps enseignant.

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Remarques critiques sur l'Histoire de Saint-Willibrord, archevêque des Frisons, par A.-J. Binterim, traduit de l'allemand.

On ne dira plus: Qui me délivrera des Grecs et des Romains? Ce culte qu'on rendait autrefois aux temps anciens est tout consacré aujourd'hui à ce moyen âge pour lequel le dix-sept et le dix-huitième siècle n'avaient que dédain et mépris. Mais où pourra-t-on trouver des matériaux pour cette époque des annales de l'histoire? Les auteurs conscien cieux sont obligés d'aller les chercher dans les vies des saints, dans les parchemins des anciens monastères et de nos vieilles cathédrales, aussi bien que dans les chroniques du temps et dans quelques mémoires retrouvés dans les tourelles des antiques castels. C'est que l'Église et les grands hommes qu'elle a produits, étaient alors presque tout, et qu'ils ont sauvé la civilisation, les sciences et toutes les institutions utiles, du déluge universel dont l'Europe était menacée à la suite des invasions des peuples barbares.

C'est dans le noble but de rassembler ces précieux débris épars çà et là que la Belgique va faire publier la suite des Acta sanctorum des Bollandistes'; que l'Angleterre fait rechercher et fera imprimer les chartes des monastères qui existaient dans ses anciennes possessions sur le continent, et que l'Allemagne a entrepris un travail pareil. Espérons que ces lambeaux, recueillis et mis en ordre par des mains savantes et judicieuses, serviront à faire connaître ou mieux apprécier des événemens inconnus ou mal jugés jusqu'à nos jours, et que l'histoire générale en retirera une grande utilité.

Des auteurs particuliers se livrent aussi, pour leur compte et par amour pour la science, à des travaux historiques sur la même époque. Aujourd'hui, nous avons à citer M. Binterim qui, dans l'ouvrage que nous annonçons, fait preuve de beaucoup d'érudition et d'une saine critique dans les recherches sur le titre d'archevêque donné à saint Willibrord, et sur les dates de son ordination et de sa mort. Les citations dont il appuie son sentiment nous ont paru des preuves solides et convaincantes. Ce qu'il dit sur le titre d'archevêque au moyen áge appartient à l'histoire générale, et pourra faire éviter de graves erreurs pour des faits plus importans.

L'abbé BOUSQUET,

Membre de la 2o classe de L'INSTITUT HISTORIQUE,

Correspondance.

Lettre de M. Ernest Falconnet, de Lyon, membre de la 2o classe de l'Institut historique.

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J'ai reçu la douzième livraison du journal de l'Institut historique, dans laquelle vous annoncez le Congrès historique européen, convoqué à l'hôtel-de-ville de Paris, pour le 15 novembre 1835. Le programme des questions à débattre offre une rédaction si précise, et en même temps génératrice de solutions si pressantes et si désirées de nos jours, que les séances et les débats de notre Congrès présenteront de hauts et sévères enseignemens. Cela a augmenté le regret que j'éprouve de ne pouvoir profiter de la réunion et de la science des hommes qui s'y rencontreront. Peut-être y aurais-je retrouvé aussi quelques uns de ces méridionaux si ardens et si pleins de verve et de bonheur dans la découverte et l'expression des idées philosophiques, que j'ai eu l'occasion d'apprécier et de connaître au Congrès de Toulouse, en 1834. J'aurais été fier et heureux de renouer avec eux les relations que l'éloignement a relâchées, et de pouvoir écouter encore leurs voix que j'appris alors à estimer et à aimer. L'état de ma santé ne me permet point d'être à Paris à cette époque, et je ne puis que m'associer de loin à la pensée si féconde pour l'avenir, qui vous a inspiré la réunion de toutes les premières intelligences de notre siècle.

En attendant que je puisse me retrouver au milieu de mes collègues de la 2e classe, veuillez me permettre de vous signaler l'existence d'un manuscrit précieux sur l'histoire de France, dont les auteurs, jusqu'ici, me semblent ne pas avoir fait usage.

Il existe, à la bibliothèque d'Aix en Provence, un volume fort bien conservé des Chroniques de France, en vers héroïques, depuis Pharamond jusqu'au roi François Ia, divisées en douze tomes, par Guillaume Crétin et René Macé. Ce volume très remarquable, mais malheureusement dépareillé, me semble être un manuserit royal : il est sur parchemin, écrit avec ce soin religieux et cette vénération de la forme que les religieux du moyen âge apportaient à la transcription des œuvres de leur époque. Cet in-folio est, en outre, orné d'enluminures curieuses et de grandes lettres peintes et historiées sur fond or et azur, représentant des fleurs et des sujets gracieux, tels que la typographie de nos jours essaie d'en reproduire dans ses productions les plus luxueuses. Ce manuscrit finit à la mort de Louis-le-Gros, arrivée en 1180, et ainsi il est le dernier des œuvres de René Macé, comme le prouve un autre manuscrit en trois volumes grand in-4°, conservé à la bibliothèque Mé janes, no 301, qui se termine à la même époque. Je ne vous parle pas de celui-ci, qui est cependant complet, parce que sa conservation n'est pas entière; les feuilles sont souvent maculées, et sa transcription, faite en gothique plein d'abréviations et de petit texte, le rend très difficile à lire. Je reviens à l'autre, qui peut soutenir la comparaison avec ce que nous avons de plus précieux en manuscrit, même avec le mariage de Robin et Marotte, l'une de nos plus anciennes Bergeries, et les heures du roi René, que les bons Provençaux sont fiers de pouvoir montrer aux voyageurs. Les entrailles d'un bibliophile se soulèvent de compassion et de colère de voir ainsi, seul et dépareillé, ce septième et dernier volume des œuvres de nos deux vieux Homères, et j'envierais le bonheur de celui qui pourra retrouver ses six compagnons empilés peut-être dans les archives de quelque grenier. Quoi qu'il en soit, je vous ai décrit l'extérieur, je vous ai fait la portraiture de ce manuscrit avec tout le soin et les détails d'un amoureux, je dois vous dire d'une manière succincte, ce qu'il renferme ; il commence ainsi qu'il suit :

PROLOGUE DU SEPTIEME VOLUMÈ SUR LE RECUEIL SOMMAIRÈ DE LA CRONIQUE FRANÇOISE.

Après avoir rempli mon autre livre

Tant de Capet que Robert, je dois suivre
Par le discours, de mon train coutumier,
Du roi Henry et Phelippe premier

Et de Loys le Gros, si à comprendre

Tant de grands faits ce livre peut s'extendre.

Ce prologue', dont je ne cite que les premiers vers, indique bien ce que renferme le volume. Il est divisé en trente-cinq chapitres, chaque chapitre précédé de cinq vers, qui présentent l'indication résumée de tout ce qu'il contient, assez semblable aux tables de matières versifiées que nos lexicographes modernes ont cloué à la tête de chaque chant de l'Iliade. Voici le sommaire du chapitre premier :

Comme Robert par testament ordonne
Que son aisné succède à la couronne,
Et admoneste enfants et mère en paix
Devoir porter l'ung de l'aultre le faix :

Mais d'homme mort peu de compte l'on donne.

Puis, après avoir exposé le sujet de ce chapitre, le poète continue, en vers de mêmes mêtres, la narration qu'il nous annonce. Les détails historiques sont, en général, d'une scrupuleuse exactitude, et fournissent des renseignemens nouveaux, que je crois avoir été beaucoup trop négligés. Quoique inconnus jusqu'à présent, je les crois exacts, parce qu'ils sont toujours dans le caractère de l'époque, et que souvent ils éclaircissent, d'une manière très simple, les causes de certaines guerres où luttes entre la royauté et les seigneurs, qu'il avait été difficile d'établir jusqu'à ce jour.

Il me reste à vous parler de la poésie de René Macé. Son caractère est assez généralement français, c'est-à-dire spirituel, goguenard, mauvaise langue; il dit souvent des méchancetés; quelquefois, mais plus rarement, il dit des vérités sur les courtisans, sur les femmes, sur la royauté; femmes, courtisans, ou royauté ne peuvent lui en savoir mauvais gré; car il le fait avec une naïveté et un sans façon délicieux: il vous égratigne en faisant patte de velours; et puis, il a observé le cœur humain un peu en sceptique, à la façon du bonhomme Lafontaine. Ainsi, par exemple, le sommaire du vingt-deuxième chapitre, qui contient la très maline histoire des amours de la comtesse d'Anjou et de Philippe, est conçu en ces termes :

Phe lippe, aimant la comtesse d'Anjou,

Tant la pressa, qu'il lui fit faire, iou...
Et l'emmena du pays de Tourraine.
L'homme prudent qui femme a de foy vaine,
Aille où youdra, il ne lui en chault où.

Quelquefois il s'émeut et se souvient qu'il écrit un poëme héroïque, alors il se permet une tirade de vers à effet cela n'est pas fréquent, et il revient si vite au ton patelin et tranquille de son habitude, qu'on dirait qu'il s'en repent et qu'il a honte de cet extrà. Dans le chapitre vingtième, il commence une exposition par les vers suivans :

Au temps passé que le peuple romain
Terre couvrait sous le creux de sa main,
Et appuyant ses talons sur le monde,
Le tournoyait comme une boule ronde...

Plus loin, et dans le même chapitre, il fait une de ces comparaisons si communément usées dans tous les poëmes de Tasso, Ossian, Milton, et les classiques français.

JQURN. DE L'INST. HIST., TOM. 3, 3o LIVR.

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