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« Une clameur géante sortait des choses comme un prélude d'apocalypse jetant l'effroi des fins de monde. Et on y distinguait des milliers de voix : d'en haut, il en venait de sifflantes ou de profondes qui semblaient presque lointaines, à force d'être immenses cela, c'était le vent, la grande âme de ce désordre, la puissance invisible menant tout (1). "

Les couleurs, les agitations, les bruits, le ciel, la mer, les vents, tout est dans ces tableaux d'une touche à la fois familière et puissante et qui, par les expressions imagées, la précision et l'abondance des détails, nous communiquent la sensation de la tempête.

Avec le poétique écrivain, nous revenons sous le ciel de France, aux côtes de Bretagne, à Paimpol, d'où va partir le bateau qui emporte les pêcheurs vers l'Islande. Les objets se précisent, les aspects changent, ainsi que la manière de décrire; mais c'est encore la mer avec son charme irrésistible et les deuils entrevus, la séductrice et la dévoreuse de vies humaines, attirant à elle ceux qu'elle ne doit pas rendre aux rivages où se prolonge l'attente des veuves et des mères :

« Des levées énormes de houle continuaient

(1) Pêcheur d'Islande, p. 87.

d'arriver de l'ouest, régulièrement l'une après l'autre, sans arrêt, sans trêve, renouvelant leur effort inutile, se brisant sur les mêmes rochers, déferlant aux mêmes places pour inonder les mêmes grèves. Et à la longue c'était étrange, cette agitation sourde des eaux avec cette sérénité de l'air et du ciel; c'était comme si le lit des mers, trop rempli, voulait déborder et envahir les plages.

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Cependant la Léopoldine se faisait de plus en plus diminuée, lointaine, perdue. Des courants, sans doute, l'entraînaient, car les brises de cette soirée étaient faibles, et pourtant elle s'éloignait vite. Devenue une petite tache grise, presque ur point, elle allait bientôt atteindre l'extrême bord du cercle des choses visibles et entrer dans ces au delà infinis où l'obscurité commençait à venir (1).

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Les peintures que nous avons reproduites r diffèrent pas seulement par la nature des chose. décrites, mais par le caractère des écrivains. Ce qui domine en Chateaubriand, c'est la grandeur des scènes au milieu desquelles s'élève l'idée religieuse planant sur l'immensité. Dans Lamartine, les ondes tranquilles du golfe de Naples inspirent les vers du chantre harmonieux dont la rêverie recherche le doux murmure des ruisseaux plutôt

(1) P. 312.

que le mugissement des vagues. Victor Hugo célèbre les flots impétueux de la Manche, et ce génie puissant est attiré de préférence par les voix de la tempête et les colères de l'océan. Enfin, Loti, avec les richesses de son pinceau, représente les choses indistinctes et lumineuses des mers d'Islande.

Prosateurs ou poètes, par l'éclat des pensées et le coloris du style, ils nous laissent l'image des spectacles grandioses que nul ne verra d'un œil indifférent, et ils traduisent éloquemment une mysérieuse et sublime poésie : la poésie de la mer.

V

Nous voici parvenus au terme de ces évocations 'ittéraires, dans lesquelles ont passé des figures célèbres, des génies qui ont contribué aux progrès de notre langue, élevé l'âme, charmé l'esprit et enrichi le trésor national. Leurs ombres sont venues distraire nos soirées, en renouvelant des apparitions qui n'effrayaient personne. De pareils revenants sont faits pour plaire aux habitants de toutes les demeures. Si l'on a bien voulu leur prêter quelque attention, ils auront fait oublier

les heures mélancoliques et les tristesses des tem présents.

Il n'y a point à craindre de se reporter en arrière lorsque l'on trouve dans le passé de son pays u Corneille, un Racine, un Molière, et l'on s'attar dera sans regret sur la route où l'on rencontre malicieuse bonhomie de La Fontaine, la grâce sou riante de Mme de Sévigné.

Leurs écrits n'ont pas la stérilité des chose mortes; ce sont des auteurs toujours vivants, e l'on ne peut que gagner dans le commerce de ce rares esprits qui resteront la source des meilleure jouissances. Je voudrais avoir réussi à le prouve et je n'ai pas eu d'autre ambition que de raviver culte de ceux qui ont pris rang parmi nos maîtr et dont les œuvres n'ont pas péri.

A l'âge où l'on apprend, les grands écrivains sont encore que les éducateurs de l'intelligence; sont des amis et des confidents à l'âge où on rel

Si modernes que nous soyons, revenons souve aux livres anciens, à ceux qui ont su fixer le temp parce qu'ils sont le fruit du génie, de la raison du goût. Conquérants pacifiques, ils ont propa notre influence, fait aimer notre patrie, élevé plus durable des monuments à la gloire de l'espr français.

FIN.

TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE.

HAPITRE PREMIER.

Corneille....

HAPITRE II.

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Le sentiment religieux chez Racine..

HAPITRE III. — Les servantes de Molière....

HAPITRE IV. Les victimes de Boileau....

IAPITRE V.
aine..

-

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APITRE VI.

-

Le rôle du renard dans les fables de La Fon-

La bibliothèque de Mme de Sévigné.....
APITRE VII. Trois moralistes: La Rochefoucauld,

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V

1

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- Femmes instruites et femmes pédantes. 157

Perrault et ses contes..

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HAPITRE XI. Le sentiment de la nature aux dix-septième

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ARIS. TYP. DE E. PLON, NOURRIT ET cie, 8 ET 10, RUE GARANCIÈRE. · 3566.

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