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DES

ORAISONS

FUNEBRES,

PRONONCÉ ES par feu JACQUES-
BENIGNE BOSSUET Evêque de
Meaux.

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Nouvelle édition, dans laquelle on a ajouté
un précis dé la vie de l'Auteur.

A LYON,

Chez FAUCHEUX, Imprimeur-Libraire, quai

et maison des Célestins.

M. DCC. LXXX.

AVEC PERMISSION.

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ÉLOGE HISTORIQUE

DE FEU MESSIRE

BENIGNE BOSSUET,
ÉVÊQUE DE MEAUX.

JACQUES

ACQUES-BENIGNE BOSSUET naquit à Dijon le 27 septembre 1627, d'une famille distinguée par ses charges. Il reçut les premières leçons des sciences au collège des Jésuites de la même ville, et s'y distingua toujours par cette vivacité de conception, qui d'ordinaire annonce et produit de grands talens. Il fut destiné de bonne heure à l'église, et sentit bientôt l'importance d'un engagement qui n'est rempli qu'à moitié, et qui même ne l'est point, si les mœurs ne concourent avec le savoir. Les siennes étoient naturellement pures; il les conserva par une vigilance dont la jeunesse ne connoît guère ni l'usage ni le besoin.

A l'âge de seize ans (a), il vint à Paris puiser les hautes sciences dans cette ancienne et célèbre université, d'où sont sortis autant ou plus de grands hommesque de lafameuse école d'Alexandrie, si féconde dans les premiers temps du christianisme; là, se développèrent toutes les grandes dispositions du jeune élève. Son bonheur lui donna pour maître un de ces hommes dont les lèvres sont les dépositaires de la science. C'étoit Nicolas Cornet, grand maître du collége de Navarre; et pour guide dans les routes du salut, le vénérable Vincent de Paule, instituteur des prêtres de la mission. Il puisa dans (a) En 1642,

l'un, et la connoissance et l'amour de l'ancienne doctrine; et il apprit de l'autre la pratique des plus hautes vertus, et l'art difficile de la conduite des âmes.

A peine eut-il reçu le bonnet de docteur (a), qu'on lui offrit les deux plus importantes cures de Paris, que sa réputation seule sollicita pour lui. Mais attaché dès sa plus tendre jeunesse au chapitre de Metz, d'abord par un canonicat, ensuite par les dignités d'archidiacre et de doyen, il crut devoir le fruit de ses études à une église qui sembloit se l'être acquis par ses bienfaits, et qui prenoit tant de plaisir à l'élever. Il sût pu s'y borner à ses devoirs, et se faire, à l'ombre de l'autel, une vie commode et paisible; mais il fallut à son zèle une carrière plus apostolique et plus vaste. Plein des écritures dont il avoit recueilli l'esprit et la divine onction, enrichi par la lecture des pères dont les ouvrages l'avoient mis en possession des plus hautes vérités, il se dévoua tout entier à la fatigue des missions.

Peu de gens connoissent de quelle importance est cette partie du ministère; moins encore savent-ils quels talens elle demande pour y réussir. C'est un peuple grossier qui vit dans les campagnes, et qui presque jamais n'a reçu de sa religion que des idées imparfaites, qu'il est question d'éclairer de la plus pure lumière. Ce sont des cœurs tout penchés vers la terre qu'il s'agit d'élever et d'émouvoir. Or, quelle adresse ne faut-il pas pour toucher et pour montrer le jour à cette sorte d'insensibles et d'aveugles. Le grand triomphe d'éloquence n'est pas toujours d'entraîner ceux qu'une certaine culture a déjà disposés, elle a peut-être plus de gloire lorsqu'elle s'insinue dans des âmes encore brutes, si on le peut dire ainsi, qu'elle y va débrouiller des semences naturelles, qu'une éducation rendit' comme étouffée.

(a) En 1652.

Cet art, l'abbé Bossuet le porta au plus haut point, et ses conversions furent innombrables. Mais ce qui n'appartient qu'aux esprits da premier ordre, il sut de cette aimable et généreuse simplicité passer aux grands et pathétiques mouvemens du sublime. La capitale envia bientôt à la province un tel génie, et le lui enleva. Les chaires principales de Paris retentirent toutes de sa voix et de l'acclamation de ses auditeurs. Les tétes couronnées y accoururent elles-mêmes. Anne et Thérèse d'Autriche ne se rassasioient point de l'entendre, et venoient se nourrir du pain qui étoit préparé pour leurs sujets. Enfin le nouveau Chrysostôme fut appelé à la cour. Et dans quel temps ? Lorsque la paix venoit d'y rappeler des héros aussi connus par leurs lumières que par leurs conquêtes, lorsque la circonstance d'un mariage glorieux y rassembloit la plus illustre portion de la noblesse françoise; lorsque les sciences commençoient à approcher librement du trône, et que la délicatesse, le bon goût y régnoient avec le jeune monarque.

Ce fut donc à cette assemblée, la plus respectable de l'Europe, que M. Bossuet, âgé seule-. ment de trente-quatre ans, porta la parole du salut. Nous ne dirons pas combien il y fut applaudi. Qui est-ce qui l'ignore? Mais nous ne tairons point une circonstance qui vaut seule tous les éloges. Louis XIV charmé de voir tant de lumières unies à tant de vertus et de jeunesse, fit écrire à Metz au père de l'orateur, et le félicita sur le succès édifiant de son fils. Quand un prince est sensible au mérite, et qu'il veut bien lui donner des marques si flatteuses de distinction, il a trouvé tout d'un coup l'heureux secret d'exciter l'émulation dans ses états: le talent qu'il distingue en lui en enfante mille autres. Celui de M. Bossuet avoit trop d'éclat pour ne lui pas mériter des places honorables. Après

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