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signification, en parlant des humiliations et de la | de certains animaux, qui s'en servent pour y placer résignation de Jésus-Christ. leurs aliments et les y conserver quelque temps.

Dites-moi, je vous prie, si son abaissement (de JésusChrist) sur la terre est si redoutable, combien sera terrible

son élévation dans les nuées ?

BALZAC, Socrate chrétien, disc. II.

Le second (caractère des guenons), c'est d'avoir des abajoues, c'est-à-dire des poches au bas des joues, où elles peuvent garder leurs aliments.

L'orang-outang est le seul de tous les singes qui n'ait

Les Juifs charnels n'entendoient ni la grandeur ni l'a- point d'abajoues, c'est-à-dire de poches au bas des joues; baissement du Messie prédit dans leurs prophéties.

PASCAL, Pensées, part. II, art. vin, § 5. Ne croyez pas, chrétiens, qu'il nous faille rechercher bien loin ces trois abaissements du Dieu-homme.

BOSSUET, Sermons. Pour le jour de Noël (1er).

C'est à vous d'adorer votre Sauveur jusque dans ses abaissements et sur sa croix, parce qu'en effet ses abaissements mêmes sont adorables..

BOURDALOUE, Sermons. Sur la Passion.

Le pluriel du mot abaissement a été d'un usage beaucoup plus fréquent au dix-septième siècle qu'aux époques qui l'ont précédé ou suivi; et maintenant il n'est guère employé que dans une acception mystique.

Les exemples suivants, qui se rapportent à quelques-unes des acceptions du mot ABAISSEMENT dont il vient d'être question, témoignent de l'ancienneté quelquefois contestée de ce mot.

Que est blameir lo juste de sa parole ki n'est mie conute, se quidier n'est del abaissement de la force estre trébuche

ment d'error?

(Blåmer le juste de sa parole qui n'est point connue, qu'est-ce sinon croire que l'abaissement de la force est trébuchement d'erreur?)

Livre de Job. Voy. Les quatre Livres des Rois, p. 476. Je n'esgarderai mie (je ne regarderai pas à) vostre abessement ne vostre avillance.

Roman des Sept Sages, p. 29.

Ne voilles (veuilles) nostre abaissement.

BENOÎT, Chron. de Normandie, v. 20584.

On trouve chez ce dernier auteur, v. 18040, un exemple du simple Baissement.

ABAJOUE, s. f. (formé, soit de bas et de joue, soit de bajoue. Voyez ces mots).

Espèce de poche située dans l'épaisseur des joues

toutes les guenons, tous les babouins, et même le magot et le gibbon, ont ces poches, où ils peuvent garder leurs aliments avant de les avaler : l'orang-outang seul a cette partie du dedans de la bouche faite comme l'homme. BUFFON, Histoire naturelle, Nomenclature des singes; l'Orang-Outang.

Buffon, qui se croit obligé d'expliquer ce mot les deux premières fois qu'il l'emploie, indique assez par là qu'il le regarde comme très-peu usité, si ce n'est comme tout à fait nouveau. Aussi ne se

trouve-t-il point dans les dictionnaires antérieurs à la publication de son ouvrage.

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ABANDON OU BANDON, dit encore R. Estienne en 1539.et 1549 dans son Dictionnaire français-latin. On disait avoir, donner bandon, au sens de Pouvoir, permettre.

Et nous tuit nous en amendon
(Et nous tous amendons-nous-en)
Tant com nous en avons bandon :
N'atendons pas jusqu'à la mort.

KUTEBEUF, la Vie sainte Marie l'Égiptianne.

Onques pucele de parage (famille)

N'ot d'amer tel bandon cum gié (comme moi),
Car j'ai de mon père congié
De faire ami et d'estre amée.

Roman de la Rose, v. 5845,

On disait en bandon au sens de Sous la puissance, avoir en son bandon.

Desjà l'Empereur présumoit d'avoir le païs (la France) en 'son bandon, ainsi comme il en avoit la carte.

G. DU BELLAY, Mémoires, liv. VI, année 1536.

La préposition à fut d'abord jointe au mot BANDON par la construction, avant d'être incorporée dans le mot lui-même, comme il est arrivé pour alarme, alerte, primitivement à l'arme, à l'erte. De là ces expressions :

Être à bandon, c'est-à-dire Être sous la puis

sance.

Si t'iert (te sera) Normendie à bandon.
BENOIT, Chronique des ducs de Normandie, v. 34854.

Avoir à son bandon, c'est-à-dire Avoir sous sa puissance, à sa disposition.

Nous avons à nostre doz tout le païs seur et à nostre bandon, et un roy qui... sçaura pourveoir qu'il ne nous advienne d'ailleurs occasion de crainte inopinée.

G. DU BELLAY, Mémoires, liv. VII, année 1536.
Moult a Largece pris et los;
Ele a les sages et les fos (fous)
Outréement (entièrement) à son bandon,
Car ele sait fere biau don.

Roman de la Rose, v. 1145.

Mettre à bandon, c'est-à-dire Exposer, livrer, laisser aller, sacrifier, etc.

Qu'est-ce autre chose fors mettre tout à bandon.... et provoquer le monde.... à commune et publique luxure? ALAIN CHARTIER, l'Espérance.

Tous mes trésors (mon trésor) vous soit à bandon mis.
Garin le Loherain, t. II, p. 90.

Va, si li di qu'il vigne (vienne) à moi,
M'amor li metrai à bandon.

Fabl. et cont. anc., Méon, t. IV, p. 58.

Or est fors mis de cest roiaume
Li bons preudom,

Qui mist cors et vie à bandon.

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Et la jument de poor tranble,

Un saut a fait tot à bandon.

Fabl. et cont. anc., Méon, t. I, p. 98.

Après lo (le fer) coucha sor l'anclume,

Si ferirent tot à bandon

Plus de cent foiz en un randon (instant). Nouv. rec. de Fabl. et cont. anc., Méon, t. I, p. 117.

De cette construction habituelle se forma de bonne heure le mot ABANDON, et, par un pléonasme dont la trace ne tarda pas à disparaître, les locutions adverbiales à abandon, en abandon, par abandon, etc., remplacèrent celle dont on s'était servi auparavant, c'est-à-dire à bandon.

Je demeurerai vostre serve, et mon fils vostre serf à toujours, et mettrons tout le royaume (d'Angleterre) à vostre abandon, et à bon droit.

Si leur mettoit en abandon cités, villes et chasteaux, et leur recommandoit à garder ainsi comme leur héritage.

Et ont les officiers du prince si surmonté toutes gens en Poitou, en Xaintonge, et en la Rochelle, qu'ils prennent tout en abandon.

FROISSART, Chroniques, liv. I, part. 1, c. 1 4 ; part. 11, c. 55, 254.
Tuz les aveirs de sa meisun
Li met li reis en abaundun.

MARIE DE FRANCE, lai d'Eliduc, v. 643.

... Cuer et cors en habandon
Avoit mis en très bien amer.
Fabl. et cont, anc., Méon, t. IV, p. 276.
Désoremais est raison

De mon chant renoveler,
Car pris m'a par abandon
Amours, cui ser sans fauser
(Amour, que je sers sans tromper).

JEAN DE NUEVILE. Anc. poëtes fr. avant 1300,
1. I, p. 179. Mss. à la Bibl. nat.

Portons à leur poure mesuage
De nos biens à grand abandon.

Les Marguerites de la Marguerite, Bergerie.

Laisse les vauités mondaines

En abandon aux âmes vaines.

P. CORNEILLE, l'Imitation, I, 20.

Dans l'exemple suivant se retrouve, mais avec un déterminatif, la plus usitée de ces locutions :

Mius velt (mieux vaut) son cors metre en péril
Et en abandon de morir,

Que plainement Paris guerpir.

WACE, Roman de Brut, v. 10255, cf. v. 13656.

ABANDON s'emploie passivement ou activement, pour exprimer, soit la situation de ce qui est délaissé, soit l'acte de délaisser.

Au premier de ces deux emplois appartiennent les exemples suivants :

Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passion, sans affaires, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide.

PASCAL. Voy. Des Pensées de Pascal, p. 218. Je ne reçois de nouvelles de qui que ce soit, et j'éprouve déjà l'abandon des absents.

Mme DE MAINTENON, Lettres, 12 mai 1675. On se rassembloit par petits pelotons, on se chuchotoit à l'oreille, et je restois seul, sans savoir avec qui parler. J'endurai longtemps ce choquant abandon.

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J.-J. ROUSSEAU, Confessions, part. II, L'abandon, et tout ce qui en a l'air, m'est insupportable. Jouissez du bonheur de vous suffire à vous-même.

Mme du DEFFAND, Lettre du 18 déc. 1776 (à H. Walpole).
J'avance en sûreté quand Dieu me veut conduire,
Et je tombe aussitôt que sa main se retire.....
Par ce triste abandon la suprême sagesse
Fait aux saints quelquefois éprouver leur foiblesse.
L. RACINE, la Gráce, II.

A cet emploi passif du mot ABANDON appartient la locution proverbiale dont il a été question plus haut, à l'abandon, locution si usitée, et qui se construit avec tant de verbes divers.

Combien d'honnestes hommes ont rejeté tout leur cettain à l'abandon, et le font tous les jours, pour chercher le vent de la faveur des roys et de la fortune!

Ce n'est doncques plus par la raison, par le discours et par l'ame, que nous excellons sur les bestes...Il nous faut mettre nostre intelligence, nostre prudence et tout le reste à l'abandon.

MONTAIGNE, Essais, 1, 40; II, 12.

Tout ce que l'épargne, la puissance et la bonne fortune

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Après ces exemples, qui appartiennent presque tous au xvr et au xvII° siècle, il peut paraître singulier que Furetière ait dit de la locution proverbiale à l'abandon : « On s'en sert peu, excepté dans le discours familier; mais elle n'est pas assez noble pour le style élevé. »

On dit encore fréquemment dans l'abandon.

Il est beau de donner la paix à votre maître;
Son égal aujourd'hui, demain dans l'abandon,
Vous vous verrez réduit à demander pardon,

VOLTAIRE, Adélaïde du Guesclin, II, 7. ABANDON, dans cette signification passive, est souvent joint par la préposition de à un autre substantif, lequel exprime la cause du délaissement dont il s'agit.

Il est encore, ce qui revient au même, construit avec les adjectifs possessifs notre, votre, son.

La chute de saint Pierre ... n'arriva pas tant par sa négligence que par l'abandon de Dieu.

L'abandon de Dieu paroît dans les païens; la protection de Dieu paroît dans les Juifs.

PASCAL, Provinciales, III; Pensées, part. II, art. xIII, § 5. L'un et l'autre n'eurent d'éducation que celle qu'on peut recevoir de la nature, dans l'abandon général de toutes choses.

VOLTAIRE, Hist, de Russie sous Pierre le Grand, part. II, c. 3. Un malade dont le mal est incurable, qui peut juger de son état par des exemples fréquents et familiers, qui en est averti... par les larmes de ses amis, par la contenance ou l'abandon des médecins.

y

BUFFON, Hist, nat. L'homme (De la vieillesse et de la mort). À l'abandon de s'est anciennement dit, on l'a vu plus haut, pour Au pouvoir de, à la discrétion de. La veue de ma maison m'estoit effroyable : tout ce qui estoit estoit sans garde, et à l'abandon de qui en avoit envie. MONTAIGNE, Essais, III, 12. J'ay longtemps voyagé, courant toujours fortune, Sur une mer de pleurs, à l'abandon des flots. PH. DESPORTES, Amours de Diane, I, 48. On a encore employé, mais rarement, abandon de dans le sens de Congé, permission.

Il sembloit qu'il eût droit d'en user de la sorte, par l'abandon et par la permission du roi.

SAINT-SIMON, Mémoires, 1711, t. IX, c. 11. ABANDON, avec la même forme de construction, a souvent un sens actif; et son complément exprime alors, non plus la cause, mais bien l'objet du délaissement, quel que soit d'ailleurs cet objet, qu'il s'agisse de personnes ou qu'il s'agisse de choses, soit de l'ordre physique, soit de l'ordre moral.

Et vous promets, sur l'abandon de ma teste, que si vous arrivez là, vous y prendrez terre à vostre volonté.

FROISSART, Chroniques, l. I, part. 1oo, c, 264

lâche abandon d'un cœur corrompu et livré à ses désirs! Mais, ô force à faillir! ô hardiesse pour s'excuser! ô

BOSSUET, Sermons. Sur les fondements de la vengeance divine. C'est alors que Dieu doit à sa justice l'abandon du pécheur. MASSILLON, Sermons. Sur l'Impénitence finale.

La flatterie...., la perfidie, l'abandon de tous ses en

gagements...., forment, je crois, le caractère du plus ces paroles: Rejetant en lui toute votre sollicitude, parce grand nombre des courtisans. qu'il a soin de vous.

MONTESQUIEU, Esprit des Lois, III, 5. ABANDON, ainsi employé, signifie quelquefois Oubli blåmable de soi, de ses intérêts, de ses de

voirs.

Il fut si fort consterné, qu'il se réduisit à un traité qui étoit moins une paix qu'un abandon de ses propres forces. MONTESQUIEU, Grandeur des Romains, c. 5.

En ce dernier sens, ABANDON s'est pris quelquefois d'une manière absolue :

... ́En lui montrant que, par ce qu'il (le P. Letellier) se proposoit, il s'éloignoit de son objet, qui étoit le règne despotique de sa société, de ses dogmes, de ses maximes, et la destruction radicale non-seulement de tout ce qui y étoit contraire, mais de tout ce qui n'y seroit pas soumis jusqu'à l'abandon aveugle.

ressort.

SAINT-SIMON, Mémoires, 1709, t. VII, c. 3.

On tombera dans un esprit de nonchalance, de paresse, d'abandon, qui fera que l'État n'aura plus de force ni de MONTESQUIEU, Esprit des Lois, VIII, 5. D'autres fois ABANDON signifie Désistement, sacrifice.

Et de tous ses trésors l'abandon général.

P. CORNEILLE, Médée, II, 2. Dans ce dernier sens et dans d'autres encore, ABANDON se construit, au moyen de la préposition à, avec un régime indirect.

Il sait que, par cet abandon aux choses licites, il se fait dans tout notre cœur un certain épanchement d'une joie mondaine.

Bossuet, Sermons. Sur l'Impénitence finale.

Une probité exacte, beaucoup d'honneur... rehaussé de tout l'abandon à M. de Cambrai.

SAINT-SIMON, Mémoires, 1711, t. IX, c. 22.

ABANDON, dans le langage mystique, exprime La sainte indifférence d'une âme désintéressée, qui s'abandonne totalement et sans réserve à Dieu.

Cet acte, si c'est un seul acte, est un parfait abandon; je dis, si c'est un seul acte; car, en effet, c'est un amas et un composé des actes de la foi la plus parfaite, de l'espér rance la plus entière et la plus abandonnée, et de l'amour le plus pur et le plus fidèle.

18.

BOSSUET, Instruction sur les états d'oraison, X, Un parfait abandon au souverain vouloir. P. CORNEILLE, l'Imitation, I, 25, Les quiétistes se sont servis du même terme dans un sens analogue, mais auquel ils ont donné une extension condamnée par l'Église.

Voilà jusqu'où l'abandon se doit porter, selon les communes obligations. Il n'y a rien au delà, pour composer un état et une oraison extraordinaire, que l'abandon à être damné, dont nous avons déjà vu un petit essai dans l'indifférence de Molinos et de Malaval, mais dont nous allons voir le plus grand excès dans l'Interprétation du Cantique.

Malaval ne parle pas moins clairement... Il n'y a, dit-il, qu'à pousser l'abandon à l'opération divine jusqu'à ne rien faire, et laisser tout faire à Dieu.

Voilà ce qu'on appelle l'abandon, ou cette renonciation absolue à toutes inclinations particulières, quelque bonnes qu'elles paroissent.

3.

BOSSUET, Instruction sur les états d'oraison, III, 15, 3; V, ABANDON se dit particulièrement, en jurisprudence, d'un acte judiciaire ou conventionnel, par lequel un débiteur délaisse ses biens à ses créanciers.

Il a fait à ses créanciers l'abandon de sa terre. Il a signé l'abandon de tous ses biens.

Dictionnaire de l'Académie.

L'emploi de ce mot, dans la langue du palais, est très-ancien.

choses.

Om fet en Vermandois une forme de letres tele que li emprunteeur dient. . . qu'il rendront toz les couz (coûts)... que li presteeur i auront... par l'abandon de totes lor Le Conseil de Pierre de Fontaines, c. xv, § 17. Sainte-Palaye cite, d'après Laurière (Glossaire du Droit françois) et le Coutumier général (t. I, p. 792),

Ce saint apôtre (saint Pierre), définissant l'abandon, dit l'expression Faire plainte d'abandon, pour Requé

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