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abaisse cette tête auguste devant laquelle s'incline l'uni- | abaissées, bannières déployées, et en bon convenant (ordre) de bataille.

vers!

BOSSUET, Oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche.

Les oiseaux, dit Cicéron, qui ont les jambes longues, ont aussi le cou long à proportion, pour pouvoir abaisser leur bec jusqu'à terre et y prendre leurs aliments.

FENELON, Existence de Dieu, I, 2.

La tête en entier prend, dans les passions, des positions et des mouvements différents; elle est abaissée en avant dans l'humilité, la honte, la tristesse; penchée à côté dans la langueur, la pitié; élevée dans l'arrogance; droite et fixe dans l'opiniâtreté.

Il (le cheval) ne peut relever sa queue comme le lion, mais elle lui sied mieux, quoique abaissée.

BUFFON, Histoire naturelle, l'Homme (de l'âge viril); le Cheval.
Renars le vit, la teste abaisse,

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Si abaissa le pont et ouvrit la porte.

FROISSART, Chroniques, liv. I, part. 1, c. 141, 292.

Ils abaissèrent le mât, et s'abandonnèrent ainsi à la mer.
LE MAISTRE DE SACI, trad. des Actes des apôtres, XXVII, 17.

Il ne s'agirait, pour exécuter la nuit absolument nécessaire au troisième acte, que d'avoir quatre hommes chargés d'éteindre les bougies dans les coulisses, tandis qu'on abaisserait les lampions du devant du théâtre. VOLTAIRE, Lettres. 4 octobre 1748.

Et auquant abeissent lor tref
Por la nef corre plus soef.

(Et quelques-uns abaissent leur mât pour que la nef coure plus doucement.)

WACE, Roman de Brut, v. 11506.

Et li Danois apela le portier:

« Ovrés la porte, et le pont abaissiés. »
Ogier de Danemarche, v. 5862.

Caignet, abaisse un poi le (un peu la) broche.
Li jus de Saint-Nicholai. Théâtre au moyen åge, p. 192.

ABAISSER s'emploie encore au sens propre, en parlant d'un objet replié sur lui-même, dont l'extrémité inférieure descend quand on le déploie ; tels sont des voiles, un voile, un rideau, les paupières, etc.

Jamais étoile, lune, aurore ni soleil,

Ne virent abaisser sa paupière au sommeil.
P. CORNEILLE, Médée, II, 2.

Dans le même ordre d'acceptions, on se sert d'ABAISSER quand il est question de choses dans les

A la façon d'un gendarme, qui a le casque en tête, la quelles il s'opère une diminution de hauteur ou de

visière abaissée.

Satire Menippée, Nouvelles des régions de la lune, c. 3. Il n'occupe point de lieu, il ne tient point de place; il va les épaules serrées, le chapeau abaissé sur ses yeux, pour n'être point vu... il est pauvre.

LA BRUYÈRE, Caractères, c. 6.

volume.

Cis feus fu si grans et si oribles, que nel pot nus (nul ne le put) abaissier ne estaindre.

VILLEHARDOUIN, Conqueste de Constantinoble, XCI. Ramener la voie (la route) à sa première forme, si que nus (nul) ne l'alesse, ne l'aloigne (ne l'élargisse, ne la dé

Enfin, en parlant d'objets de toutes sortes, d'une tourne), ne auce (hausse), ne abesse. lance, d'un pont-levis, d'un mat, etc.

Voilà les François soudainement venus sur eux, lances

Livre de Jostice et de Plet, préf. pag. 1j.

(Noé) envoia un coulon, et il aporta un rain d'olivier

en sou bec, en senefiance que la mer estoit abessiée, et que la terre aparoit.

RAYMOND LULLE, le Livre de l'Enseignement puéril, Des sept Aages du monde; ms. la Vallière no 48, à la Bibl. nationale. Quand ils sentirent la pluye cesser, ils mirent hors des chiens, lesquels estans revenus netz et mouillez, ils jugèrent l'eau n'estre encores guères abbaissée.

MONTAIGNE, Essais, II, 2.

Cependant nous les voyons (les eaux) agitées par une forte puissance, qui, s'opposant à la tranquillité de cet élément, lui imprime un mouvement périodique et réglé, soulève et abaisse alternativement les flots, et fait un balancement de la masse totale des mers en les remuant jusqu'à la plus grande profondeur.

BUFFON, Théorie de la terre, disc. II.

Mais quant est (la lune) prof (proche) de nus,
Dunc apert alt (paraît haut) sun curs;
Et quant est esluignée,

Dunc pert (paraît) estre abassée.

PHILIP. DE THAUN, Livre des Créatures, v. 1102.

De là l'expression très-usitée abaisser la hauteur, prise en un sens hyperbolique et mystique dans l'exemple suivant :

Lève ton bras, lance ta flamme;
Abaisse la hauteur des cieux.

J.-B. ROUSSEAU, Odes, I, 16.

Il s'est dit, par extension, de la chaleur, de la force du vent, etc. :

Environ les dix heures les serrera-on (les vaches) dans les estableries, où séjourneront durant la grande chaleur... laquelle passée, ou, pour le moins, abaissée... les amènera-on au pastis jusques à l'entrée de la nuit.

Ol. de Serre, Théâtre d'agriculture, IV, 7.
Les cruex (cruels) venz qui si ventoient...
Que Nostre-Dame a toz plessiez (tous soumis),
Toz abatuz, toz abessiez.

Nouv. rec. de fabl, et cont. anc., Méon, t. II, p. 74.

Par une extension plus ordinaire, il se dit du bruit, des sons; abaisser la voix, abaisser le ton. Le meilleur récitatif....doit rouler entre de fort petits intervalles, n'élever ni n'abaisser beaucoup la voix.

J.-J. ROUSSEAU, Lettre sur la musique.
Abaisies vostre raison (ton).

THIBAUD ROI DE NAVARRE, Chansons, XL.

Moi, je veux abaisser ce ton impératif;

Il vous sied mal. Je veux vous rendre honnête, affable.
BOURSAULT, les Fables d'Ésope, IV, 4.

ABAISSER, pris au sens propre, ou dans un sens voisin du sens propre, a fourni des locutions aux nomenclatures particulières de diverses sciences, de divers arts et métiers.

Ainsi, en arithmétique, abaisser un chiffre, c'est Le transporter sur une ligue inférieure.

En chirurgie, abaisser la cataracte, c'est Faire descendre le cristallin devenu opaque au fond de l'œil, afin de rendre la vue à un malade affecté de

la cataracte.

Dans le langage de la fauconnerie, abaisser l'oiseau, c'est Retrancher à celui qui a trop d'embonpoint une partie de sa nourriture, pour le rendre plus léger et plus propre à bien voler.

Un cuer de mouton est assez à paistre l'ottour (le faucon) une fois, et le tient en estat.... un cuer de porc engraisse, et, dit-l'en (on), hausse; un cuer de chièvre ou de bouc abaisse, id est amaigrit.

Le Ménagier de Paris, 3e distinction, 2o article, t. II, p. 322. ABAISSER s'emploie au figuré en parlant des choses.

Soit qu'il (Dieu) élève les trônes, soit qu'il les abaisse... il leur apprend (aux rois) leurs devoirs d'une manière souveraine et digne de lui.

BOSSUET, Oraison funèbre de la reine d'Angleterre,

Non, Scapin, il n'y a point d'extrémité où je ne me porte pour empêcher ce mariage-là.- Doucement, inonsieur; nous abaisserons ses fumées d'amour. Il ne la tient pas encore. REGNARD, la Sérénade, sc. 11. Henri VIII avait renversé toutes les barrières; Élisabeth en trouva quelques-unes nouvellement posées, qu'elle abaissa et qu'elle releva avec dextérité.

VOLTAIRE, Essai sur les Mœurs, c. 179.

ABAISSER les yeux est une expression de ce genre, qui signifie Accorder de l'attention, avoir égard, compatir, protéger.

Montons, de grâce, au trône, et de là beaucoup mieux Sur le choix d'un époux nous baisserons les yeux. Vous les abaissez trop.

P. CORNEILLE, D. Sanche d'Aragon, I, 1.

L'autre, toute occupée à discourir des cieux,
Sur un simple mortel daigne abaisser les yeux.
SAINT-ÉVREMONT, le Cercle.

On a dit de même abaisser la tête, au sens où l'on dit encore baisser la tête, pour Se résigner, s'humilier.

Certes, seigneurs, Jean Lyon..... abaisse la tête bien bas; mais il fait tout par sens et par malice.

FROISSART, Chroniques, liv. II, c. 52.

ABAISSER s'emploie encore en parlant des per

sonnes;

Soit au propre ou dans un sens voisin du sens propre :

Là....., soi jus esternanz en terre (se prosternant à terre) et abaissiez à ses piés, disoit ce estre de sa culpe. Dialogues de saint Grégoire, ms. fonds N.-D., 210 bis, fol. 62 vo, Bibl. nat.

Il venoit à une fontainne... Il descendoit por boivre; et quant il estoit abaissiez, si se reponoit (cachait) la fontainne, si qu'il n'an pooit point veoir.

Roman du Saint-Graal, ms. 198, suppl. français, fol. 44 vo, C. 2.
As piés le (du) roi est Turpins abaissiés.

Soit au figuré.

Ogier de Danemarche, v. 9572.

Il signifie alors quelquefois Déprimer, ravaler une personne au-dessous de sa valeur réelle ou apparente, par des actes, par des discours.

S'il se vante (l'homme), je l'abaisse; s'il s'abaisse, je le

vante.

PASCAL, Pensées, part. II, art. 1, § 5.

Ecoutez, esprits moqueurs et libertins, qui prenez plaisir d'abaisser ceux que Dieu élève.

FLÉCHIER, Oraison funèbre de madame la Dauphine. Quand l'homme s'allie dans un rang plus bas, il ne descend point, il élève son épouse; au contraire, en prenant une femme au-dessus de lui, il l'abaisse sans s'élever. J.-J. ROUSSEAU, Émile, V.

Mahom lor signor pas n'abaissent.

Roman de Mahomet, v. 1287.

De quelques grands noms qu'on te nomme,

On t'abaisse : il n'est plus d'assez grands noms pour toi. Mme DESHOULIÈRES, Poésies, Au Roi. 1685.

Pour élever sa gloire, on ne vous verra plus

Déprimer les Césars, abaisser les Titus.

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VOLTAIRE, Épitres, XII.

WACE, Roman de Brut, v. 5814:

Cist (Antechrist) les humles abaisera,

Et les félons essauchera (élèvera).

Li Lucidaires, fol. cr vo, col. 2, ms. 283, in-fol., B. L.
Fr., à l'Arsenal.

Alixandres, qui si fu sire, (si puissant)

Un prince n'est jamais plus grand que lorsque c'est la bonté qui l'abaisse.

MASSILLON, Oraison funèbre de M. le Dauphin.

Dans cette acception ABAISSER, comme aussi abais sement (voyez ce mot), présente le plus ordinaire.

Qui à tant prince moustra s'ire, (montra sa colère) ment l'idée d'humilité, et appartient au langage reli

Por aus (eux) abessier et donter,

Fabl. et cont. anc., Méon, t. III, p. 98.

gieux.

L'humilité de Jésus-Christ l'a abaissé jusqu'à l'anéan

Et por lui croistre et amonter.

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Il prend de plus, assez souvent, le sens de Dé- dans cette locution, abaisser quelqu'un, pour Digrader, d'avilir.

Il avoit appris d'elle (de l'histoire) que la Vertu avoit eslevé cet homme, et que la Fortune ne l'avoit pu abbais

scr.

BALZAC, Aristippe, avant-propos.

Leur conscience les afflige, le poids de leurs péchés les abaisse, et le premier effet de la grâce de Jésus-Christ,

c'est de leur faire sentir combien ils s'en étoient rendus indignes.

FLÉCHIER, Panegyrique de saint François de Paule. Les grands noms abaissent au lieu d'élever ceux qui ne les savent pas soutenir.

LA ROCHEFOUCAULD, Maximes, 94.

Il a une fausse grandeur qui l'abaisse, et qui embarrasse fort ceux qui sont ses amis et qui ne veulent pas le mépriser.

LA BRUYÈRE, Caractères, c. 9.

Et si Rome est encor telle qu'auparavant,
Le trône où je me sieds m'abaisse en m'élevant.
P. CORNEILLE, la Mort de Pompée, IV, 3.

Enfin on l'emploie pour Décourager, abattre.
Hercules, voyant qu'ilz estoyent ainsi abbaissez et humi-
liez, ne faisoit plus compte de les poursuyvre davantage.
AMYOT, traduct. de Plutarque, Vie de Thésée, 7.

ABAISSER se prend dans un sens favorable quand il s'agit d'un acte volontaire par lequel on témoigne de sa condescendance, de sa générosité.

minuer sa taxe, lui imposer une charge moins forte; ct, par une figure plus hardie, il s'est pris, dans un sens très-ancien, pour Affranchir d'un mauvais traitement ou préserver d'une vexation.

Il le supplioit qu'il lui fist faire droit à son oncle (rendre justice par son oncle), et l'abaissast des outrages et des forfais (injustices) qu'il luy faisoit.

Chroniques de Saint-Denys, t. I, fol. 246. (Cité par Sainte-Palaye.)

ABAISSER, pris au figuré, a très-souvent pour régimes, particulièrement dans le style oratoire et poétique, au lieu de noms de personnes, des noms qui désignent d'une manière abstraite les personnes, par leurs passions, leurs sentiments, leur caractère, leur situation.

Ainsi on dit :

ABAISSER l'âme, le cœur, la fierté, l'orgueil, la vanité, le courage, l'audace, etc. :

L'espérance ellievet lo cuer as haltes choses, et la cremors (crainte) l'abaisset contreval.

Livre de Job. Voy. Les quatre Livres des Rois, p. 507. C'est chose qui ordinairement ravale et abaisse le cœur aux hommes, quand ils sentent quelque défectuosité ou quelque tare en ceulx dont ils ont pris naissance.

AMYOT, traduct. de Plutarque, Comment il faut nourrir les enfants, II.

On le voyoit (saint Louis)..... abaisser aux pieds des pauvres.... la majesté royale.

MASSILLON, Sermons. Pour le jour de Saint-Louis.

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LA ROCHEFOUCAuin, Maximes, 198.

Ne velt son reine retailler (son royaume moreeler), Ne sa dinité (dignité) abaissier.

WACE, Roman de Brut, v. 14541.

Et comment as- tu nom? dit Salorez le fier.

Es-tu tant gentix hom que doies cest mestier (le combat)
Tenir sans mesprison, sans mon pris abaissier?

Chanson des Saxons, t. II, p. 171.
Moult est ses nons et ses pris abaissés.
(Son renom et son mérite.)

THIBAUD ROI DE NAVARRE, Chansons, LII.
Il (ils) abaissent des bons les los (mérites).
Roman de la Rose, v. 1048.

Ne trop ne peu parler doit la princesse :

Car trop parler sa gravité abaisse,

Et le trop peu monstre simplicité.

J. MAROT, Doctrinal des princesses et nobles dames;

De trop parler.

Ils verroient par ce coup leur puissance abaissée. RACINE, Britannicus, IV, 4.

Il y a longtemps qu'on ne dit plus, comme on l'a dit autrefois, ABAISSER la faim, ABAISSER la honte. Ne sai se de ces pois en cosse Que je voi à ces pors fouler

Me porroie jà saouler,

Et ma graut famine abessier.

Fabl. et cont, anc., Méon, t. I, p. 375.

Car tex (tel) cuide abessier sa honte,

Ou vengier, qui l'acroist et moute.

Roman de la Rose, v. 7885.

ABAISSER a perdu de même un assez grand nombre de régimes abstraits, devenus, avec le temps, un peu étranges, et dont les exemples suivants donneront une idée:

Maintien les bones coustumes de ton royaume, mauvaises abesse.

et les JOINVILLE, Histoire de Saint Louis.

Or est de mes enfans li contes (le nombre) abaissiés.
Chanson d'Antioche, v. 568.

Cist max (ce mal), se nos ne l'abesson,
Porra encore assez monter.

Roman du Renari, v. 9756.

...Tuit li mire de Salerne

N'abcsscroient cette lime.

(Tous les médecins de Salerne n'adouciraient point la douleur qui me ronge.)

Tote la noise est abaissiée.

Fabl. et cont, anc., Méon, t. I, p. 150, 268.

... N'ont pas la noise abessiée,

Mès eslevée et essauciée.

HERBERS, Dolopathos, p. 186.

On peut inférer des deux derniers exemples, contre l'opinion de Sainte-Palaye, qu'abaisa n'est pas simplement une forme particulière d'apaisa, dans ces vers cités par Borel :

...Ne pot soffrir tel desroy
Pallas, qui la noise abaisa

Tant que li un l'autre baisa.

PHILIPPE DE VITRY, traduction d'Ovide, ms.

Le même emploi hardi d'abaisser se retrouve dans d'autres passages, dont quelques-uns sont fort anciens aussi, mais ont peut-être moins vieilli.

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