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IMPRIMERIE DE HENNUYER ET TURPIN, rue LeMERCIER, 24.

Batignolles,

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PIERRE CHARRON.

NÉ EN 1541.-MORT EN 1603.

il ne

Pierre Charron était l'un des vingt-cinq enfants d'un libraire de la rue des Carmes, à Paris. Il naquit dans cette ville en 1541, et le goût des choses sérieuses qu'il manifesta de bonne heure décida son père à diriger son éducation vers les professions savantes. Après un cours régulier de grec, de latin et de philosophie scolastique, il fut envoyé à l'université d'Orléans, puis à celle de Bourges pour y terminer son droit, et il prit le bonnet de docteur dans cette dernière ville. Pendant cinq ou six ans Charron, reçu avocat au parlement, fréquenta le barreau avec assiduité, mais avec peu de succès. Le détail des affaires et les petites intrigues par lesquelles on pouvait se les procurer convenaient peu à son caractère réfléchi et réservé. Il tourna alors ses vues ailleurs et résolut de se consacrer à la carrière ecclésiastique. Du barreau il passa à la chaire. Sans avoir cette éloquence qui entraîne, les sermons de Charron se firent remarquer par des principes de morale bien déduits. Plusieurs évêques cherchèrent à le fixer dans leur diocèse, entre autres, Arnauld de Pontac, évêque de Bazas, qui, après l'avoir entendu prêcher dans l'église de SaintPaul à Paris, en 1571, l'emmena avec lui dans son évêché, en l'engageant à se faire entendre dans plu- fournit en même temps un bon nombre des résieurs villes de la Guienne et du Languedoc. Les canonicats lui arrivèrent à foison. Il fut successivement chanoine théologal de Bazas, d'Acqs, de Lectoure, d'Agen, de Cahors, chanoine-écolâtre de Bordeaux et chanoine-chantre à Condom.

comme il l'était à une vie facile et douce, pourrait, sans danger pour sa santé, passer aux aus térités prescrites par les réglements des chartreux ni même de tout autre cloître. Charron ne se tint pas pour délié de son vœu par ce refus et s'adressa aux Célestins, desquels il reçut la même réponse. Il lui fallut la décision de trois célèbres théologiens et casuistes pour tranquilliser sa conscience. Ce fut vers cette époque, en 1589, que, revenant d'Angers, où il avait prêché le carême, à Bordeaux, où il aimait à résider, il fit connaissance avec Michel de Montaigne, connaissance qui donna une base plus sûre à ses idées morales. Il y avait déjà neuf ans qu'avait été publiée la première édition des Essais, et l'ouvrage et l'auteur obtenaient une haute place dans la considération publique. Leur liaison paraît avoir été fort intime pendant ces trois dernières années de la vie de Montaigne, puisque le gentilhomme gascon permit par son testament au fils du libraire son ami de porter les armes de sa maison. Plus tard Charron se montra reconnaissant en léguant ses biens au beau-frère de Montaigne. La lecture des Essais de Montaigne fit naître à Charron l'idée de son traité de la Sagesse et lui

La reine Marguerite de Valois le retint pour son prédicateur ordinaire, et Henri IV, son mari, bien qu'il n'eût pas encore repris le catholicisme, ai

mait à assister à ses sermons.

flexions qui devaient lui servir de base. Seulement Charron, esprit froid et systématique, méthodise et classifie, et offre souvent ainsi un point d'appui réel à la philosophie. Dans son troisième livre surtout, la morale devient ce qu'elle doit être, regula vitæ, toujours applicable à toutes les situations de l'homme. Ce point de vue pratique est une puissante recommandation pour l'ouvrage de Charron. La première édition du traité de la Sagesse fut

Malgré ces succès universels, Charron avait pris publiée à Bordeaux en 1601. Quelques propositions

le monde en dégoût et voulut mettre à exécution

soulevèrent contre lui l'indignation des dévots. On

La religion n'est tenue que par moyens hu

un vœu fait sans doute par lui dans les premiers cite entre autres celle-ci :
désappointements de sa carrière d'avocat ; c'était
de se

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mains et est toute bastie de pièces maladives, et enun chartreux qui se trouva être un homme de bon core que l'immortalité de l'ame soit la chose la plus sens, le père Jean-Michel, mort prieur de la Grande- universellement receue, elle est le plus foiblement Chartreuse en Dauphiné. Celui-ci lui fit compren- prouvée, ce qui porte les esprits à douter de beau dre qu'à l'âge de quarante-sept ans, et habitué

MORAL.

coup de choses. »

a

Le jésuite Garasse, dont le nom est devenu synonyme de tout ce qu'il y a de plus grossier dans l'injure, écrivit contre Charron, qu'il appelait le patriarche des esprits forts et qu'il voulait faire. passer pour athée, une réfutation remplie des plus plates et des plus sottes diatribes.

Charron fut vivement affecté de ces cris ridicules d'une coterie. Il revit son traité de la Sagesse, chercha à modifier ce qui avait pu paraître trop hasardé à quelques bons esprits, et composa, sous le titre de Petit traité de la Sagesse, une analyse et une apologie de son premier traité. Il prépara en même temps une nouvelle édition revue de son grand ouvrage; mais il n'eut pas le temps de mettre la dernière main à ce travail. Il fut frappé subitement à Paris d'un coup d'apoplexie sanguine, le 16 mars

1603.

Après sa mort, les cris de Garasse et des siens contre son ouvrage s'élevèrent si haut que le parlement s'opposa à l'impression de la seconde édition. Les feuilles déjà imprimées et la minute de l'auteur furent saisies; mais un ami de Charron, qui en avait sauvé une copie, la fit imprimer et la présenta ensuite en son entier au jugement du chancelier.

Finalement, dit le vieil auteur de la vie de Charron, M. le chancelier et M. le procureur général du roi les feirent voir à deux docteurs de Sorbonne, qui baillèrent par escrit ce qu'ils trouvoient à redire en ces livres, qui ne parloient que de la sagesse humaine traitée moralement et philosophiquement. Le tout fut mis entre les mains de M. le président Jeannin, conseillier d'Estat, personnage des plus judicieux et des plus expérimentés de ce temps, qui, les ayant veus et examinés, dit haut et clair que ces livres n'estoient pour le commun et bas estage du monde, ains qu'il n'appartenoit qu'aux plus forts et relevés d'esprit d'en faire jugement, et qu'ils estoient vraiment livres d'Estat; et, en ayant fait son rapport au conseil privé, la vente d'iceux en fut permise au libraire qui les avoit fait imprimer, et eut entiere delivrance et main levée de toutes les saisies qui avoient esté faites, après

qu'on eust remonstré et justifié que les livres avoient esté corrigés et augmentés par l'auteur depuis la première impression faite à Bordeaux en 1601, et que, par ces additions et corrections, il avoit esclairci et fortifié, et en quelques lieux adouci ses discours sans avoir rien alteré du sens et de la substance, ce qu'il avoit fait pour fermer la bouche aux malicieux et contenter les simples, et après qu'il les avoit fait voir par aucuns de ses meilleurs amis, gens clairvoyans et nullement pedans, qui en estoient bien ediffiés et satisfaits.»

Le public, qui préférait un peu moins d'édification et un peu plus de satisfaction, rechercha avec plus d'avidité la première édition qui contenait la pensée de l'auteur tout entière. Aussi ce fut celle qui fut le plus souvent réimprimée.

Les meilleures éditions sont celles de Bastien, 1 vol. in-8, Paris, 1783; celles de Fantin en 4 vol. in-12, Dijon, 1801, et celle de M. Amaury Duval en 2 vol. in-8. M. A. Duval a reporté sur son édition les variantes des autres éditions et donné la traduction des passages latins cités par Charron. Cette dernière édition de M. Amaury Duval, homme honorable et studieux, est faite avec beaucoup de soin. Nous avons profité particulièrement de ses utiles

travaux.

Outre son grand ouvrage de la Sagesse et le petit abrégé publié sous le titre de Traité de la Sagesse, Charron avait publié en 1594, à Cahors, sans nom d'auteur, un Traité des trois vérités, réimprimé en 1598 à Bruxelles, sous le nom de Benoît Vaillant, et la même année à Bordeaux, sous son vrai nom, format in-8. C'est une apologie de la religion catholique contre les hérétiques et en particulier contre le Traité de l'Eglise du célèbre Duplessis-Mornay.

On a aussi de Charron un recueil de seize discours chrétiens sur la Divinité, la Création, la Rédemption, l'Eucharistie. Ils ont été imprimés pour la première fois à Bordeaux en 1600, puis à Paris en 1604. On en trouve les meilleures parties à la suite de l'apologie du livre de la Sagesse, dans l'édition de M. Amaury Duval.

BLAISE PASCAL.

NÉ LE 19 JUIN 1623. - MORT LE 19 AQUT 1662.

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Dubois, ami de l'auteur, pour rendre compte au public du plan général de ce grand ouvrage dont les Pensées n'offrent que les lambeaux; mais ces lambeaux sont de Pascal.

Madame Périer, sœur du grand Pascal, a écrit quelques pages pleines d'âme sur la vie si pure de son frère. Qui pourrait aujourd'hui se placer dans un point de vue aussi bien approprié à un tel sujet? Je n'ai donc pas cru pouvoir me dispenser de don- Mon frère, dit madame Périer, naquit à Cler-ner cette biographie fraternelle, que je ferai suivre du discours préliminaire sur les Pensées, écrit par

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mont le 19 juin de l'année 1623. Mon père s'appelait Etienne Pascal, président en la cour des aides,

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