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qualifié pour être chef de bandits, que pour être Pape, qui fit brûler le pieux Savonorala pour avoir prêché contre lui. Je trouvai aussi dans ce couvent deux évêques italiens, qui, avec une sim-' plicité toute apostolique, me prêchèrent l'amour de Christ et de son Evangile; deux Irlandais, MM. Taylor et O'Brien, me dirent qu'il y avait de bons chrétiens parmi les quakers, les méthodistes,' et plusieurs autres sectes en Angleterre. L'un d'eux me dit un jour, & la promenade, que toutes nos œuvres ne sont rien, et que toute notre science n'est rien, que les mérites de Christ ont seuls une valeur réelle; et l'autre ajouta que la philosophie d'Aristote avait introduit un mauvais esprit dans la doctrine de l'Eglise catholique. Je trouvai aussi dans ce lieu un nègre mahométan, âgé de vingt ans, et qui avait été baptisé par le cardinal Litta. La méditation et la prière l'absorbaient tout entier, et lui faisaient en quelque sorte oublier tout le reste. Mais ma joie fut de courte durée; car, dans le mois de janvier, tous les élèves furent présentés au Pape, et le même jour nous allâmes habiter le bâtiment de la Propagande, dans la rue appelée Piazza di Spagna. Le Pape nous reçut avec › une paternelle bonté, et nous donna sa bénédiction. Comme nous sortions de chez lui, un membre de son clergé nous dit : « Vous « êtes la véritable milice du Pape; » à quoi un autre prélat répliqua Soldats, non pas du Pape, mais de l'Eglise de Christ. » Cette réplique me causa une grande joie (p. 38).

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Dans la Propagande, Wolff eut pour maître un ecclésiastique nommé Dominici, avec lequel il entra bientôt en con

troverse.

« Une autre fois il dit devant tous ses élèves que Jansénius méritait d'être brûlé, parce que ses doctrines étaient complètement hérétiques. Je m'écriai: « L'Eglise n'a pas le droit de brûler un « homme.» «Comment prouvez-vous cette assertion ?» me répliqua-t-il. Je répondis: « L'Ecriture dit tu ne tueras point. »« Mais « le berger a le droit de tuer le loup qui vient dévorer le trou« peau. » — « Un homme n'est pas un loup. »« Dix-sept Papes · cependant ont fait brûler des hérétiques. »-« Et bien,» répon« dis-je enfin, « en cela dix-sept Papes ont péché. » —Après cette conversation, j'écrivis au cardinal Litta, pour l'informer que je ne pouvais pas admettre les principes enseignés dans la Propagande , et lui déclarai que ce que les protestans en Allemagne m'avaient

dit de l'Église de Rome était vrai. Le cardinal vint me voir le lendemain, et s'entretint avec moi pendant près de trois heures. « J'ai reçu votre lettre, » me dit-il, « et je ne puis nier que le rec«teur n'ait dit des sottises et des absurdités; mais vous en dites au« tant dans la lettre que vous m'avez adressée! Vous n'admettez « pas la doctrine: extra ecclesiam nulla est salus (hors de l'Eglise « pas de salut)! mais cette doctrine est de foi ( à fide), quiconque « ne croit pas la vérité, est condamné!»-« Je le pense comme « vous, » lui répondis-je, « mais je connais beaucoup de bons chré« tiens parmi les protestans. »—« C'est pour cela,» ajouta le car«<dinal, « que les anciens théologiens distinguent entre les heretici • formales, et les heretici materiales; mais c'est une distinction • qu'il ne nous appartient pas de faire; ce n'est pas à nous à deman« der à Dieu pourquoi il sauve un homme plutôt qu'un autre, « comme nous ne comprenons pas pourquoi Christ fit beaucoup « de miracles dans quelques villes, et point du tout dans d'autres. << Nous ne savons pas pourquoi Dieu ordonna à saint Paul de prê«< cher l'Evangile dans certains pays et pas dans d'autres. Tout << cela sont des mystères pour nous. Le recteur vous a dit vrai, lorsqu'il vous a enseigné qu'il n'est que proximum ad fidem, et « non a fide de croire que Christ est mort pour tous les hommes; «< car l'Eglise n'a pas encore décidé cette question. » «Mais, ». «< repris-je, « les saintes Ecritures l'ont décidée. » -« Vous n'êtes « pas me répondit-il, « juge des saintes Ecritures. C'est là <«< la grande erreur des protestans; ils croient que chacun peut comprendre les Ecritures; mais il nous faut prêter l'oreille aux << Papes. Il est vrai que la conduite morale d'Alexandre VI fut très<< blâmable; nous ne nions pas les faits; mais ses bulles sont très<< belles, et conformes à la vérité. N'oubliez pas que vous n'êtes pas docteur, mais seulement disciple. Faites donc atten«<tion à ce qui vous est enseigné, et ne vous mettez pas à dis<< cuter, comme si vous vouliez prendre la place de vos maîtres. « Adieu, comptez sur mon amitié. » -Les larmes me vinrent aux yeux en l'entendant parler ainsi, et je le quittai en lui baisant la main (p. 41).

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M. Wolff rencontra dans la Propagande un évêque chaldéen qui, seize ans auparavant, était venu à Rome pour se justifier de l'accusation d'avoir été consacré par un évêque qui s'était séparé de l'Église de Rome.

« J'étais un jour de bonne humeur, et je rials tout haut, lorsque le pauvre évêque chaldéen se mit à pleurer, et me dit : «< Yous << riez maintenant; mais bientôt vous tomberez entre les griffes des ◄ cardinaux, et alors vous verserez des larmes de sang. »— —J'écrivis à M. Bunssen une lettre, dans laquelle, après l'avoir instruit de ce qui m'était arrivé, j'ajoutais: « J'irai dans l'Orient pour y • prêcher l'Evangile de Christ; mais je serai constamment l'enneami de la tyrannie anti-chrétienne de l'Eglise de Rome. Je prêche«rai la pure doctrine de Christ, sans la corrompre en y mêlant le « » papisme. Cette lettre, et quelques autres tombèrent entre les mains de l'inquisition, qui ouvrait aussi celles que m'écrivaient mes amis d'Allemagne et d'Angleterre. Je courais de grands dangers. Mes amis, à Rome, me recommandèrent au prince de Bavière, qui se trouvait alors dans cette ville, et qui écrivit au roi son père, et me promit de me protéger. Mais le jour même où ce prince quitta Rome, le cardinal Litta me fit demander, et me dit : « Nous « connaissons la correspondance que vous continuez à entretenir malgré mes avertissemens réitérés; nous connaissons par vos << propres lettres vos sentimens et votre manière de voir. Vous «< êtes en opposition avec le Pape, et la prolongation de votre séjour dans la Propagande pourrait le rendre dangereux pour la a foi de vos collègues ; vous leur inculqueriez vos sentimens cor<< rompus. Vous allez donc, par l'ordre exprès du Saint-Père, demeurer prisonnier jusqu'à ce que vous quittiez Rome pour « retourner à Vienne. » — Je restai là-dessus trois heures prisonnier dans la maison d'un avocat de l'inquisition, où je fus gardé à vue par un espèce de nain, sans qu'il me fût permis de voir aucun de mes amis, jusqu'à ce que, vers minuit, une voiture vint me prendre. Un soldat déguisé m'accompagna jusqu'à Bologne, d'où j'écrivis au cardinal Litta pour me plaindre d'avoir été condamné sans avoir été entendu et examiné ( p. 43 ). »

M. Wolff entra ensuite à Vienne dans un couvent de Ligoriens, où il demeura sept mois. De là, à la recommandation de quelques chrétiens anglais, il se rendit à Londres, et en 1821 il commença sa mission en Palestine.

M. Wolff, continue le Christian Guardian, se montre constamment défenseur zélé et plein d'énergie de l'Évangile de Christ, rempli de tact et de talens, mais manquant à

un haut degré de prudence humaine. Toute son histoire prouve combien la loyauté, l'intégrité, la charité et le courage sont puissans pour tirer un homme des plus grandes difficultés, imposer silence à ses ennemis, et gagner à sa cause ses adversaires les plus déterminés. Ses mémoires montrent aussi le déplorable état de dégradation où sont plongés les Juifs, et sont ainsi un puissant stimulant pour nous encourager à persévérer dans nos efforts pour leur conversion, et à prier ardemment le Seigneur de bénir ces efforts, etc.

Entrevue d'un missionnaire de l'Eglise romaine, et d'un ministre du saint Evangile, extraite d'une lettre de ce dernier à un ami.

La mission qu'on prêchait depuis plus de cinq semaines dans notre ville venait d'être terminée par une dernière procession, et j'étais dans mon cabinet de travail, lorsqu'un jeune homme que je ne connais point, vint me dire que le missionnaire qui avait été prédicateur à l'Église paroissiale, désirait me faire une visite, et savoir, si je l'avais pour agréable, l'heure et le lieu où il pourrait me trouver.-Ici, très-volontiers, répondis-je, à deux heures et demie.—Il vint à point nommé, et me dit très-poliment : « On m'a dit beaucoup de bien de vous, monsieur, et j'ai fort désiré de faire votre connaissance avant mon départ, qui est fixé à demain. Je serais venu plus tôt vous voir, si je n'avais pas été très-occupé, comme vous le pensez bien. »Vous êtes bien prévenant, monsieur, je suis très-sensible à l'honneur que vous me faites. « On m'a dit pourriez apparemment me procurer quelques ouvrages de controverse; j'en suis grand amateur. » J'avais, monsieur, l'Abrégé des Controverses, par Drelincourt, mais en cet instant je n'en ai pas un exemplaire sous la main; autrement il serait à votre service.-« Je ne cherche pas cet ouvrage, mais plutôt un autre du même auteur, intitulé: Entretien entre un missionnaire et un ministre. »Monsieur, il n'est point en ma possession.—« Mais n'avez-vous pas quelque autre chose ?». -Nous avons à Paris une Société protestante, composée de

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que vous

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personnes éclairées et pieuses, qui nous fournit des Traités religieux. Je n'en ai pas une collection complète, mais je vais vous en montrer quelques-uns, en vous priant d'accepter ceux qui vous feront plaisir.- « Ah! voyons.»-En les mettant sur la table, j'ajoutai, vons verrez, monsieur, que les éditeurs n'ont point eu l'intention d'agiter la controverse, mais le désir d'édifier quiconque entre les mains de qui ils tomberont. Le fonds de ces petits écrits est tout puisé dans la Parole de Dieu. Mais c'est de la controverse que j'aurais aimé y trouver. » -Les éditeurs de ces traités se sont contentés d'y indiquer la voie du salut, et sont persuadés que dans le paradis il n'y aura plus de dispute ni de controverse.« Moi j'aime la controverse, parce que je cherche la vérité. Je me ferais protestant demain, si je pouvais être convaincu que la vérité est parmi vous. Je suis persuadé que Dieu bénit ceux qui travaillent à s'instruire. » -Puisque vous pensez si bien, monsieur, je me fais un plaisir de vous dire, que vous ne trouverez nulle part une source aussi pure de la vérité que l'EcritureSainte. Voici un passage (Prov., I, 23 ) où la divine sapience promet expressément de donner de son esprit en abondance à ceux qui le réclament, et de leur faire connaître ses paroles. J'ai plus de confiance en ce divin secours que dans la sagesse de mes semblables ou dans la mienne propre, pour obtenir une salutaire intelligence des saintes lettres, parce qu'il est écrit: Confie-toi de tout ton cœur en l'Éternel, et ne t'appuic point sur ta prudence ( Prov. III, 5). Et pour me garantir des aberrations, soit des auteurs savans qu'il est bon que je consulte, soit de ma raison individuelle, dont je tâche de me bien servir, mais qui n'est point infaillible, je fais souvent du cœur à Dieu la prière du psalmiste: Affermis mes pas sur ta Parole, et que l'iniquité n'ait aucune prise sur moi (Ps. CXIX, 135). -Vous serez peut-être étonné, monsieur, de ce que je vais vous dire quoique catholique et missionnaire, j'ai regretté plus d'une fois de n'être pas né protestant. » —Gela se peut bien, monsieur. Pour moi, au contraire, j'ai souvent apprécié la grâce que Dieu m'a faite, d'avoir été appelé dès mes jeunes ans, par le bonheur de ma naissance, à connaître les

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