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forment un trésor spirituel où chacun, selon son mérite, peut s'enrichir sans soins, sans peines, sans fatigues. »

En voyant imprimer de pareilles, choses de nos jours, dans deux des villes les plus éclairées de la France, qui ne reconnaîtrait le besoin d'une controverse populaire toujours plus active. Il suffit de parcourir le catalogue du libraire Rusand, des magasins duquel le livre du Père Chais est sorti, et la liste des publications de la Société catholique des bons Livres, pour se convaincre combien les efforts des amis des ténèbres sont puissans et soutenus; ils inondent le pays de volumes empreints de l'esprit de catholicisme le plus étroit; on les rencontre partout, dans les campagnes comme dans les villes; les partisans des doctrines qu'ils contiennent les répandent avec un zèle digne d'une meilleure cause, et il est beaucoup d'écoles où on les donne en prix, afin d'agir de cette manière sur la jeunesse, et de la gagner de bonne heure aux opinions qu'on voudrait voir dominer en France. Répondons à ces efforts par des efforts contraires ; non contens d'exposer la vérité, attaquons l'erreur; prenons-nous corps à corps avec le catholicisme, et montrons à ceux qui le professent qu'il est opposé à l'Évangile du Seigneur. Nous sommes encore bien pauvres en livres de controverse propres à être mis entre les mains du peuple, si nous exceptons le Père Clément, dont nous sommes réjouis et nullement étonnés d'apprendre qu'une seconde édition se prépare, le Bon Père ou le Chrétien protestant, la Correspondance de deux Dames du dix-septième siècle sur le protestantisme, la Correspondance entre le Père la Chaise et Jacob Spon, l'un des écrits de controverse les plus piquans et les plus spirituels, la Lettre de Pierre Bayssière à ses enfans, qui vient d'être traduite tout entière dans The Spirit of the Pylgrims, excellent journal religieux publié à Boston, en Amérique, l'Abrégé des Controverses de Drelincourt, réimprimé sur la 21° édition, les Notices sur les conversions des curés Henhæfer, Lindl et Cadiot, et d'une partie de l'Eglise catholique de Gallneukirchen, et les Lettres remarquables de MM. Pyt et Audebez, nous n'avons rien ou presque rien à opposer à ce torrent qui déborde sur

les provinces. Ce n'est que par une controverse persévérante et hardie que l'on peut triompher de l'erreur. La Réformation nous a appris ce que la vérité a de force contre la superstition et les préjugés, et nous ne voyons pas pourquoi elle n'opérerait pas de nos jours, par la grâce de Dieu, des mouvemens religieux aussi importans qu'au temps de Luther et de Calvin. Les abus sont aujourd'hui bien moins crians qu'alors, pourrait-on nous répondre, et le joug imposé par le clergé est bien moins lourd qu'il y a trois siècles. Nous en convenons; mais nous pensons cependant qu'il faudrait se garder de juger, sous ce rapport, de l'état des campagnes par celui des grandes villes, et dans les grandes villes mêmes, que ne met-on pas en œuvre pour ressusciter le catholicisme du seizième siècle ! que n'a-t-on pas fait, en 1826, pour accrediter le jubilé! que ne fait-on pas encore tous les jours pour remettre à la mode les indulgences, cette cause première de la Réformation ! La liste de celles que peuvent gagner les confrères du scapulaire ne remplit pas moins de onze pages dans l'ouvrage du Père Chais que nous avons déjà cité. Les indulgences sont de deux sortes, les unes plénières, qui comprennent la rémission de toute la peine due au péché ; les autres particulières, qui n'entraînent la rémission de cette peine que pour un temps déterminé. On les obtient, soit en visitant à certains jours une église de Carmes, soit en assistant à l'enterrement de quelque fidèle, soit en récitant l'office de la Vierge, soit en disant sept Pater et sept Ave, soit en s'abstenant de manger de la viande le mercredi, soit à d'autres conditions du même genre. Qu'on ne nous accuse pas de sourire de ces choses; nous éprouvons, au contraire, la plus vive tristesse en voyant les prétendus vicaires de Jésus-Christ, dont l'un, Paul V, a poussé l'audace jusqu'à accepter le titre de Vice-Dieu, consacrer par leurs bulles ces absurdes impiétés, qui sont cause que de pauvres ignorans n'attachent que peu de prix au sacrifice de la Croix, seul moyen de salut qui ait été offert aux hommes. La confiance en de vaines pratiques a tant d'empire sur certaines gens, que nous avons rencontré à Notre-Dame-des-Hermites, en Suisse, des pélerins français venus, non pour leur compte, mais pour

compte et par procuration de compatriotes plus riches qui désiraient jouir de cette manière des avantages du pélerinage, sans en avoir les inconvéniens.

Tels sont les fruits du catholicisme partout où il domine et où il peut se montrer sous son vrai jour; religion de l'imagination et des sens, c'est à eux seuls qu'il s'adresse, en France comme en Espagne, en Irlande comme en Italie, quoique M. de Joux appelle ce dernier pays la terre classique du christianisme. Les nombreux pétards qu'on entend dans les rues de Naples, la veille de Noël, et le feu d'artifice qu'on tire annuellement à Rome sur la terrasse du château SaintAnge à l'occcasion de la fête de saint Pierre et saint Paul, lui auraient-ils semblé justifier ce titre? Pour nous, il nous semble qu'en réfléchissant à cette manière de manifester la joie religieuse, on peut comprendre ce que doit être une religion dont de tels hommages ne sont pas jugés indignes. Ah! puisse cet échafaudage de déceptions s'écrouler sous son propre poids, en sorte que tous aperçoivent l'édifice simple et majestueux qu'il cache aux regards! C'est à révéler son existence aux catholiques qui travaillent péniblement à leur salut à l'aide des pratiques extérieures, que le petit ouvrage que › nous annonçons est destiné; nous souhaitons qu'il atteigne son but.

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Quelques traits de la vie du Rév. Joseph Wolff.

M. WOLFF, bien connu de nos lecteurs comme un des plus, zélés missionnaires qui travaillent de nos jours à la conversion. des Juifs (1), naquit en Bavière, en 1796. Son père était rabbin, et l'éleva strictement dans les principes du Judaïsme. Dès l'âge de huit ans, il fut conduit à bien penser de Jésus-Christ,

(1) Voyez Archives 1825, 8 année.

1828.-11° année.

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quoique ses parens lui eussent enseigné à le considérer comme un homme peu digne d'estime. Il eut à peine atteint sa treizième année, qu'il déclara sa résolution d'embrasser la foi chrétienne, et qu'il fut forcé en conséquence de fuir la maison de son oncle chez lequel il demeurait alors. Sa vie fut dèslors errante et difficile, jusqu'à ce que, après plusieurs incidens, il arriva à Rome, en 1816, avec une recommandation du nonce du Pape à Vienne. Il fut présenté à Pie VII, qui le reçut avec la tendresse d'un père, et le fit admettre dans le Seminario Romano, en attendant le complet rétablissement de la Propagande; il y entra le 5 septembre 1816, âgé de vingt ans.

Les détails qui suivent, tirés du Christian Guardian, sont extraits de mémoires publiés par Wolff lui-même (1). On y trouve les principes de l'Église de Rome mis en pratique, et à cet égard surtout ils nous paraissent présenter un véritable intérêt.

Après les exercices spirituels ordinaires, écrit-il au mois de novembre de la même année, les leçons commencèrent, et le professeurde théologie scholastique nous dictait un cours de tractatu gratiæ. Parmi quelques réflexions préliminaires se trouvait la suivante: «< Le " sujet de la grâce étant difficile, je vous exhorte dès l'entrée à ne pas « trop vous en occuper, mais à prendre simplement pour règle de « votre foi l'infaillible autorité du Pape et des conciles; nous ne • devons croire saint Augustin sur ce point qu'autant que ses opi« nions sont d'accord avec les bulles des Papes; car Pie V a condamné « tous ceux qui affirmeraient que, lorsqu'il s'agit de la doctrine de « la grâce, l'autorité de saint Augustin est égale à celle du Pape. Après que la leçon fut finie, je dis au professeur, en présence de tous les autres prêtres : « Vous parlez de l'autorité du Pape de telle « manière, que je suppose que vous croyez, et que vous com« mandez aux autres de croire qu'il est infaillible. » « A Rome, répondit-il, on croit à l'infaillibilité du Pape, mais en France on n'y croit pas.» «Les catholiques, en Allemagne, n'y croient pas « non plus ! » lui dis-je. Alors tous les prêtres qui étaient là s'éle<< vèrent contre moi, et dirent : « Si vous voulez qu'on vous per<< mette de rester à Rome, il faut que vous y croyiez. Homme

(1) 2 volumes in-8°, en anglais.

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« méchant et Impie! ne croyez-vous pas à l'infaillibilité du Pape Pó • Non, je n'y crois pas,» rcpris-je d'un ton fâché; et les ayant quitté, je me rendis auprès du cardinal Litta, et lui dis que je venais d'avoir une dispute sur l'infaillibilité du Pape, et que je n'y croyais pas. Le cardinal me répondit avec beaucoup de bonté et de douceur: « Ne discutez pas là-dessus avant d'avoir terminé yos études. Vous croirez à l'infaillibilité du Pape quand vous «< connaîtrez les raisons sur lesquelles elle est fondée. » Pendant long-temps j'obéis à l'injonction du cardinal; mais les ayant un jour entendu appeler le Pape Dieu, et ayant entendu les premiers savans de Rome me soutenir qu'il méritait ce titre, parce qu'il a puissance, non seulement sur la terre, mais aussi sur le purgatoire et dans le ciel, et parce que tous les péchés que le Pape pardonne sur la terre sont pardonnés dans le ciel, et que s'ils l'appelaient Dieu sur la terre, c'était à raison du pouvoir qu'il a de sanctifier et de béatifier, ces raisonnemens me firent souvenir et me donnèrent l'intelligence des paroles de Paul: Qui est assis comme Dieu dans le temple de Dieu, voulant se faire passer pour Dieu (2 Thes. II, 4.); je ne pus m'empêcher de protester contre cette idolâtrie, et je m'écriai: « Le Pape est un homme • comme moi; le Pape a été tiré comme moi de la poussière de la << terre (p. 28). »

Ces incidens engagèrent M. Wolff à négliger l'étude de la théologie scholastique, et à consacrer tout son temps à celle de l'Écriture-Sainte. En décembre 1818, le cardinal Litta le fit recevoir au nombre des élèves de la Propagande, dans l'institution missionnaire appelée Monte Cittorio.

«<< En entrant dans ce couvent, je revêtis le costume des élèves de la Propagande. Il se compose d'un long vêtement noir, serré autour du corps avec une ceinture rouge, et ayant cinq boutons rouges, qui doivent représenter les cinq plaies de Jésus-Christ. La couleur rouge est le symbole du danger auquel le missionnaire est sans cesse exposé de perdre la vie. Je trouvai parmi les moines de ce couvent une piété vraie et silencieuse, dégagée de tout esprit de controverse; leur lecture habituelle était, non Segneri, mais l'Imitation de Jésus-Christ, les saintes Ecritures et l'Histoire de l'Eglise. Cette Histoire parlait cependant avec une grande liberté de la tyrannie d'Alexandre VI, monstre mieux

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