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Le 15 août, un nouveau et plus violent crachement de sang vint réveiller toutes les craintes; Clémentine fut obligée de se mettre au lit et condamnée à un silence presque complet; mais ses yeux exprimaient ce que ses lèvres ne pouvaient dire. Elle redoutait l'approche du crachement de sang; celte frayeur est la seule qui l'ait trouvée faible; mais c'était une terreur physique, et non une crainte morale. Cependant cet état douloureux se prolongea; elle portait sur son visage l'empreinte de la souffrance, mais en même temps celle d'une inexprimable patience. Sans cesse ses mains étaient jointes, ses regards fixés vers le ciel.« Dieu a toujours été avec moi, ditelle à une amie qui la revoyait après quelques jours d'absence; « il m'a tenu par la main; ma nature se révoltait, s'impatientait; mais Dieu était toujours là pour ranimer mon courage. » « Priez pour moi, dit-elle à une autre amie, je ne puis plus prier. » Et l'accent, l'expression qui accompagnaient ce peu de mots étaient réellement une prière.

Quand l'invasion du mal fut complète, quand tous autour d'elle ne doutèrent plus de l'inévitable issue de cette pénible lutte, elle sembla retrouver dans ses souffrances mêmes un nouveau degré d'énergie; elle ne fut plus accessible à aucune crainte. « Il faut se résigner, » disait-elle à M. D***, qui ne s'éloignait pas de ce lit de douleur; « ne murmurez pas; sans doute cela me ferait de la peine de quitter tant de personnes que j'aime; mais, si Dieu le voulait, je suis prête. Ces mots si Dieu le veut; comme il plaira à Dieu, revenaient sans cesse dans ses discours; ils étaient sa réponse à tout, et chez elle ce n'étaient pas de vaines paroles, mais l'expression d'une confiance complète et d'un abandon sans réserve à la volonté du Seigneur.-Admirable par la patience avec laquelle elle supportait tous ses maux, elle était sans cesse occupée à se défendre contre cette admiration qu'elle inspirait. « C'est Dieu qui me soutient, disait-elle, je le sens en moi; dès qu'il m'abandonne, je m'en aperçois aussitôt. Puis, s'adressant à sa sœur, comme pour en appeler à son témoignage Tu sais bien que de moi-même je n'ai jamais eu de

résignation. »—« Si Dieu vous accorde cette patience, lui disait une amic, c'est que vous l'avez méritée. » — « Ah! reprit elle vivement, ne parlons pas de mérite. »

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Au milieu des plus cruelles souffrances, de touchantes paroles d'affection s'échappaient de son cœur. « Mon Dieu ! j'aimerais mieux mourir tout de suite, » disait-elle à sa sœur pendant une crise violente; mais voyant que sa sœur pleurait, «< oh! non, reprit-elle, comme ce que je viens de dire est égoïste!» Elle ne repoussait aucun des moyens douloureux employés par les médecins ; son père admirait sa soumission; «< c'est que je veux guérir, répondait-elle; je suis si heureuse avec vous! Tous ses liens lui devenaient plus chers et plus doux. « Mon bon père, disait-elle dans l'effusion de sa tendresse, est pour moi une bénédiction du ciel. » Pendant sa longue agonie, il lui demanda si elle l'aimait. « Oh! oui, s'écria-t-elle avec un accent inexprimable, de tout mon cœur et de toute mon âme. »

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Elle remit à M. D*** une imitation de Jésus-Christ, où elle avait marqué les pensées qui lui plaisaient le plus, et avait écrit de sa main tremblante quelques paroles de tendre et chrétienne affection.

Elle le fit un jour approcher de son lit : « Mettez là votre tête, » lui dit-elle; et, y posant la main : « Seigneur, bénisseznous tous les deux; Seigneur, sauvez-moi pour que je vous aime davantage; ou, si vous en avez autrement décidé, que votre volonté soit faite. »

Les dernières heures (28 septembre) que cet ange passa sur. la terre furent plus remarquables encore que les jours qui les avaient précédés. La nuit s'était passée dans le délire; il durait encore; mais elle avait des intervalles de présence d'esprit, et toujours la présence du cœur. L'idée de sa fin prochaine ne semblait pas l'occuper; mais elle était dominée d'une manière plus marquée que jamais par un sentiment de résignation, de confiance et de charité. N'essayons pas de comprendre pourquoi Dieu couvrait pour elle d'un voile épais cette éternité glorieuse qui bientôt allait être son partage. Sans

doute, si Clémentine eût connu son état, elle aurait exprimé avec plus de force encore les sentimens renfermés dans son âme. Tout son espoir était en Christ, en sa miséricorde, en son sang versé pour nous sur la Croix; c'était la force de ce Sauveur tout-puissant qui s'accomplissait dans sa faiblesse.

Ses pensées, encore retenues sur la terre, s'élançaient sans cesse vers la céleste patrie qu'elle allait retrouver. « Vous savez bien, » disait-elle à une amie peu d'heures avant d'expirer, « vous savez bien que vous êtes ma sœur en Dieu...... pour l'éternité........ c'est là qu'est la vie......... il n'y a de vie que là !» Dans son délire, elle voulait se lever; elle croyait que son désir était rempli et qu'elle était dans le jardin; elle semblait transportée de joie : « Comme le soleil est beau ! » disait-elle, « j'aime tant le soleil !...... Voyez-vous le ciel ! il est bien bleu !.... que l'air me fait de bien et mille autres expressions de bonheur et de joie, pendant que tous ceux qui l'entouraient dévoraient leurs sanglots. Elle s'aperçut que M. D*** avait pleuré : « Qu'avez-vous?» lui dit-elle. — « Je suis affligé de vous voir malade !»-« Eh bien ! à la bonne heure..... mais puisque Dieu le veut !........ »

Cependant son agitation était grande, et les dernières heures se passèrent dans une douloureuse agonie; elle ne retrouva l'usage de la parole qu'une demi-heure avant sa fin; elle appela ses parens, ses amis; mais elle ne put que prononcer leurs noms et recevoir leurs embrassemens auxquels un serrement de main répondait encore. Dieu planait sur cette scène de douleur; bientot il termina le cruel combat. Clémentine reprit quelque calme; un dernier soupir s'exhala, et un sourire d'une sérénité inexprimable se répandit sur cette belle enveloppe que l'âme venait de quitter.

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LE BỌN CHOIX, nouvelle écossaise; par l'auteur du PÈRE CLÉMENT et d'ANNA Ross. 1828. A Paris, chez HENRY SERVIER, rue de l'Oratoire, n° 6. 1 vol. in-18, imprimé sur beau papier.-Prix: 1 fr. 25 cent.

DEUX Ouvrages de l'auteur du Bon Choix (The Decision) sont déjà connus en France. Nous avons successivement annoncé la traduction du Père Clément et celle d'Anna Ross. Ces deux compositions montrent une grande flexibilité de talent. L'une présente d'une manière attrayante les controverses qui existent entre l'Église romaine et l'Église protestante; l'autre est un livre destiné aux enfans, et l'un des plus propres, selon nous, à leur faire aimer les vérités de la religion. Nous savons le Père Clément a exercé sur plusieurs personnes une inque fluence réelle, et qu'il en est deux entre autres qu'on avait réussi à détourner de la religion évangélique, dont elles n'avaient jamais bien connu les doctrines, et que cette lecture a persuadées d'embrasser de nouveau et de confesser ouvertement la foi qu'elles avaient quittée. Un auteur dont les écrits produisent de tels effets doit avoir un vrai mérite. Nos lecteurs regarderont donc comme une bonne nouvelle l'annonce de la traduction d'un autre de ses ouvrages.

Le but du Bon Choix est de montrer que, pour que la religion puisse être quelque chose pour nous, elle doit être tout pour nous. Qu'il ne suffit pas d'une profession extérieure, mais que cette profession doit être le résultat d'une conviction intérieure. Qu'on n'est pas religieux, parce que l'on connaît les doctrines. dont se compose le christianisme; mais qu'on l'est seulement, alors que ces doctrines, accueillies par notre esprit, senties par notre cœur, exercent une influence continuelle sur notre conduite et notre vie. Ces idées sont présentées dans un cadre intéressant et bien disposé. Les événemens dont se compose

cette nouvelle sont peu nombreux, et ne sont amenés que pour faciliter le développement des idées. Celles-ci, ellesmêmes, sont graduées avec beaucoup d'art, et cependant avec simplicité dans des conversations dont le naturel n'est pas le moindre mérite. Nous recommandons ce livre avec une entière confiance à nos lecteurs. Il aura pour plusieurs l'avantage de leur montrer de quelle manière ils peuvent utiliser leur position dans leur famille pour répandre autour d'eux la connaissance de la vérité, et comment on peut attaquer les différens caractères par des côtés différens. Ce devoir est malheureusement trop négligé. Beaucoup de personnes qui s'associent avec zèle à des entreprises religieuses dont les résultats sont utiles, mais ne se manifestent pas dans leur voisinage immédiat, oublient qu'il est à leurs côtés et dans leur cercle domestique des âmes immortelles qui ont besoin de connaître le Sauveur, mort aussi pour elles sur la croix, et qui périront dans leur ignorance, si les voies du salut ne leur sont enseignées. Puisse ce petit livre diriger l'attention des chrétiens sur ce grave sujet !

VARIÉTÉS ET CORRESPONDANCE.

Le Comité de la Société des Missions évangéliques de Paris, à MM. les Rédacteurs des Archives du Christianisme.

MESSIEURS,

Paris, 26 décembre 1827.

VOTRE Recueil étant lu par un grand nombre de promoteurs des Missions évangéliques, et accueillant volontiers ce qui peut servir cette belle et sainte cause, nous avons recours à vous pour porter, à la connaissance de ceux d'entre les amis de notre Société qui n'ont pas occasion de voir son Journal (1),

(1) Le Journal des Missions évangéliques paraît tous les trimestres, par livraisons de six feuilles, chez H. Servier, rue de l'Oratoire, no 6. Le prix est de 6 fr., franc de port, pour la France, pour quatre livraisons

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