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églises comme une chose agréable à Dieu, puisque l'on peut être fort honnête homme sans aller au sermon. Dans l'Histoire universelle de Becker, un des ouvrages historiques les plus répandus, l'Ancien-Testament était tourné en ridicule et Jésus-Christ était représenté comme un enthousiaste qui avait formé, avec Jean-Baptiste, le plan d'une théocratie terrestre, et qui, ayant ensuite reconnu que l'exécution de ce projet était impossible, voulut se tirer d'affaire en ne représentant plus ses desseins que comme se rapportant à un royaume spirituel. Il y avait probablement peu de familles à Berlin où ce livre ne servit pas de base aux leçons d'histoire qu'on donnait à la jeunesse. L'enseignement religieux s'était maintenu avec peine dans un petit nombre d'écoles; les dernières traces du culte domestique s'étaient depuis long-temps perdues, et les visites pastorales dans les familles étaient extrêmement rares, là où elles n'avaient pas entièrement cessé.

L'incrédulité et l'irréligion étaient ainsi parvenues à leur comble, lorsqu'on vit se développer, au commencement de ce siècle, les germes d'un meilleur avenir. Des hommes doués d'une imagination plus vive et de plus de chaleur de sentiment ne purent supporter plus long-temps ce système qui consistait à tout nier, à tout renverser, sans jamais rien édifier à la place. La philosophie et la poésie furent les premières à secouer le joug, et à s'affranchir des limites qu'un esprit froid, raisonneur et asservi au mécanisme de l'entendement, leur avait imposées. Tandis que l'école de Schelling cherchait à étendre aux croyances religieuses la portée et les droits de la faculté de connaître, dont Kant avait borné l'action et la compétence aux faits de l'expérience et aux principes de la morale, Schleiermacher, dont les méditations avaient pris une direction semblable, entreprit de revendiquer, pour la religion, dans le champ où s'exercent nos facultés, un domaine particulier, distinct de celui que s'assigne ordinairement la philosophie. La contemplation de Dieu, le sentiment de la dépendance absolue où nous sommes de lui, et non une connaissance produite par des raisonnemens, voilà quels étaient pour lui les caractères de la religion. Il considérait les religions de tous les pays et de tous les temps comme des manifestations diverses de

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cette tendance, toujours la même, de la nature humaine. Son école se consacra d'abord à la critique des beaux-arts; ses disciples, pleins d'une sorte d'extase, vivaient dans une autre atmosphère que le commun des hommes, et semblaient regarder avec compassion ceux qui se contentaient des lois morales pour leur servir de principe d'action. Quelques-uns d'eux, hommes de beaucoup d'esprit, les frères A. W. et F.Schlegel, entre autres, publièrent, sous le titre d'Athénaeum, un journal destiné à répandre leurs opinions. Plusieurs partisans de cette école embrassèrent dans la suite la religion catholique, ce qui s'explique suffisamment par ce que nous en avons dit; les plus connus, sont : Frédéric Schlegel, Zacharie Werner et Louis Tiech. Ce dernier a fait paraître, il y a environ un an, le premier volume d'un roman intitulé, (der Aufruhr in den Cevennen) la sédition dans les Cévennes, où il cherche à représenter, sous le point de vue religieux admis par son école, et avec des allusions au temps actuel, les guerres de religion en France, sous Louis XIV.

Ces nouvelles idées n'exercèrent pas tout de suite une grande influence sur l'Eglise ; cependant, peu à peu, les prédicateurs qui les adoptèrent, et qui savaient émouvoir en s'adressant à l'imagination, obtinrent une certaine vogue et réussirent à ramener la foule dans les temples où ils prêchaient. L'un d'entre eux, Hanstein, mort depuis sept ans seulement, fut le premier qui, quoique sa prédication ne fût rien moins que chrétienne, attira dans son Eglise un nombreux auditoire.

Tandis que cette espèce de réaction contre le rationalisme, réaction qui ne prenait pourtant pas encore sa source dans le vrai christianisme, commençait à influer à Berlin, sur les classes élevées, de grandes bénédictions accompagnaient le ministère paisible et actif de Jaenicke, pasteur de la petite Eglise bohémienne de cette ville. Ses prédications attiraient un grand nombre de vrais chrétiens qui, se rencontrant souvent dans le même lieu, furent conduits à former entre eux des relations plus intimes; et la fondation de l'Institut des Missions de Berlin par Jaenicke, en 1800, eut pour conséquence des communications actives et vivantes avec l'Eglise chrétienne des pays voisins, et même des pays éloignés. Les

gens du monde étaient souvent rebutés par la forme quelque fois trop familière de ses sermons; mais son Eglise devint une précieuse école de foi pour le peuple, et souvent pour des hommes élevés au-dessus du peuple. Jaenicke était presque seul à rendre " témoignage au Seigneur; le petit nombre de pasteurs qui partageaient ses convictions, étaient enlevés par la mort, et leurs successeurs ne leur ressemblaient pas; il n'en persévéra pas moins d'agir et de parler avec une grande fidélité, s'attachant surtout à annoncer avec une inébranlable constance Jésus-Christ crucifié et ressuscité, aux âmes confiées à ses soins. Son ministère, quoique ne s'exerçant que dans une sphère étroite, a été en grande bénédiction pour Berlin, surtout en ce que, lorsque plus tard l'état religieux de la ville vint à changer, il s'y trouva tout formé un petit troupeau de chrétiens fidèles et éprouvés, auxquels purent se joindre à mesure les nouveaux convertis. La petite Eglise des Frères Moraves, qui, ici comme partout ailleurs, s'était préservée de la contagion de l'incrédulité, mais dont l'influence n'était à cette époque que fort restreinte à Berlin, devint un second point de ralliement au moment du réveil religieux.

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Cette lettre n'est qu'une introduction aux choses que je me propose de vous faire connaître, et que je ne tarderai vous communiquer, dans l'espoir qu'elles pourront avoir de l'intérêt pour vos lecteurs.

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LA SAINTE BIBLE avec des notes, des réflexions pratiques et de nombreux parallèles, par feu THOMAS SCOTT; traduite de l'anglais sur la cinquième édition, première livraison.

EVANGILE SELON SAINT MATTHIEU, 33 feuilles in-4°; Paris, chez H. SERVIER, rue de l'Oratoire, n° 6; TREUTTEL ET WURTZ, rue de Bourbon, no 17.

Nous reviendrons incessamment sur cette importante publication, si long-temps retardée, et dont nous bénissons Dieu

de pouvoir enfin annoncer la mise en vente à nos lecteurs. Elle remplit une lacune immense qui a existé jusqu'à ce jour dans nos bibliothèques religieuses, et sera, nous n'en doutons pas, appréciée, comme elle le mérite, par tous les amis de l'Evangile. Le prix de cette première livraison est fixé comme suit: Papier carré, semblable à celui du prospectus, 5 fr. pour les souscripteurs, 7 fr. pour les non souscripteurs; papier grand raisin satiné, 10 fr. Un très-petit nombre d'exemplaires ont été tirés sur papier vélin satiné, et se vendent 14 fr.-La souscription devait à la rigueur être fermée le jour de la mise en vente; mais nous sommes autorisés à annoncer que, vu les retards extraordinaires qui ont pu faire penser à un grand nombre de personnes que l'entreprise était abandonnée, la souscription à cette première livraison restera ouverte jusqu'au 1er août. Passé ce terme, le prix en sera irrévocablement porté de 5 à 7 fr.-Pour recevoir cette livraison franc de port par la poste, il faut ajouter 1 fr. 75 cent. aux prix indiqués ci-dessus.

SERMON, etc., sur Jean, XV, 14, 15, par R. CUVIER, pasteur de l'Eglise de Nancy. Se vend au profit de l'institution pour les enfans pauvres, établie au Neuhof, près de Strasbourg. Nancy, chez l'AUTEUR; Strasbourg, chez les libraires, les Pasteurs de l'Eglise française, et M. KRAFFT, supérieur du séminaire de Saint-Thomas. Paris, au bureau des Archives du Christianisme. 25 pages in-12. Prix : 40 cent.

Nous recevons ce sermon au moment où la dernière feuille de cette livraison est sous presse, et nous nous empressons de contribuer, selon notre pouvoir, à la bonne œuvre de M. le pasteur Cuvier, et de nous rendre à son désir en engageant nos lecteurs à y prendre part aussi. Nous l'avons déjà dit, l'institution de Neuhof est une des plus dignes d'intéresser la charité chrétienne; sans cette circonstance, nous aurions bien quelques remarques critiques à faire sur le fond même du sermon que nous avons sous les yeux; mais nous nous en abstenons, parce qu'il s'agit d'une œuvre de charité.

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE.

NOTICE SUR M. LE BARON A. DE STAËL.

DONNER des regrets et des larmes à ceux que nous avons aimés et que la mort nous a ravis, payer à leurs vertus un juste tribut d'éloges, ce n'est pas seulement se conformer à un usage, c'est aussi accomplir un devoir que la religion ellemême nous prescrit.

Il est vrai que la religion enseignée par Celui qui a dit : Toute puissance m'est donnée dans le ciel et sur la terre, et qui, néanmoins, pleura au tombeau de Lazare, nous élève au-dessus des afflictions de cette courte vie et au-dessus de l'opinion du monde; mais son but n'est pas d'anéantir la sensibilité dont le Créateur nous a doués; et si elle nous rend indépendans des vains applaudissemens des hommes, ce n'est pas en rétrécissant la mesure de notre excellence morale, c'est en la réglant et en lui imprimant un caractère plus sublime. Le Saint-Esprit lui-même a daigné consacrer, par un honorable souvenir, les sentimens auxquels les disciples de JésusChrist ne craignirent pas de s'abandonner lors des premières funérailles dont il soit parlé dans l'histoire de l'Eglise chrétienne : «Quelques hommes craignant Dieu emportèrent Etienne pour l'ensevelir, et menèrent un grand deuil sur lui. » Cette religion, qui épure et fortifie les attachemens du cœur, peut aussi rendre plus poignantes les angoisses de la séparation; car plus alors l'affection chrétienne a de pureté et d'élévation, plus la douleur est profonde; douleur toutefois que viennent sanctifier et adoucir les espérances que nous inspire l'Evangile, et la consolante perspective qu'il nous présente. Nous n'hésiterons donc pas, en consacrant ces pages à la mémoire de l'excellent ami que nous avons perdu, à donner un libre cours à nos regrets et à nous rendre les interprètes de l'affliction sincère et générale qu'une mort si inattendue a excitée, non seulement 1828. -11° année.

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