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Le feras-tu bondir comme la sauterelle ?
Sous lui la poudre vole et le sol étincelle :
Orgueilleux de sa force, il fond sur le guerrier;
Il méprise la peur, il insulte à l'acier.
Entend-il près de lui siffler le trait rapide,
Voit-il briller le glaive ou le dard homicide,
Il agite dans l'air ses naseaux frémissans;

Il se couvre d'écume, il s'enflamme, il bouillonne ;
Terrible, il bat la terre, et du pied la sillonne.
A-t-il de la trompette entendu les accens,

Allons, dit-il; soudain comme un trait il s'élance;
Intrépide, il affronte et la flamme et la lance.
Il dévore l'espace, et, bravant le trépas,
S'enivre du tumulte et du bruit des combats.

Vois le jeune épervier, quand essayant ses ailes,
Du midi, qui l'attire, il cherche les climats.
Est-ce toi qui, propice à ses premiers ébats,
Lui prêtes le secours de ses plumes nouvelles ?
Ouvres-tu dans les airs à l'aigle audacieux

La route qu'il poursuit jusqu'aux voûtes des cieux ?
Sur la cime des monts plane son aile altière ;
Le plus vil vermisseau rampant dans la poussière,
Invisible pour l'homme, est visible à ses yeux;
Ses aiglons, comme lui repus de chair sanglante,
Etanchent dans le sang la soif qui les tourmente.

Interdit, glacé de stupeur,

Le voilà réduit au silence

Le mortel dont l'orgueil outrageait ma puissance:
De mes augustes lois que l'imprudent censeur
Parle à son tour et me réponde.

Moi, parler! répond Job. Que pourrais-je, Seigneur,
Opposer au monarque, au créateur du monde ?
Que ma langue plutôt s'attache à mon palais;

Accablé, repentant, j'adore, et je me tais.

Que nos lecteurs se donnent la peine de comparer ce morceau avec la traduction des mêmes chapitres, dans nos meil

Jeures versions en prose; et, après avoir été charmés par cette poésie, ils seront étonnés comme nous de la fidélité de cette traduction, et de la multitude d'expressions et d'images transportées littéralement de l'original dans notre langue. De temps en temps M. Levavasseur s'écarte du sens de la Vulgate, qu'il a prise pour type, mais qu'il ne suit pas servilement; il justifie ces déviations dans des notes très-intéressantes rejetées à la fin du volume, et il s'y appuie de l'autorité des savans et des théologiens qui, avant lui, se sont occupés spécialement du livre de Job, tels que Michaëlis, Lowth, Schultens, Rosenmüller, Bridel, les auteurs de la Bible de Vence, etc. Nous avons remarqué avec plaisir, quoique sans surprise, l'impartialité avec laquelle M. Levavasseur a cherché des lumières auprès de ceux qui l'ont précédé dans la carrière, sans distinction de communion. - Un mot encore. Il est évident qu'en parlant de la fidélité de cette traduction, nous n'entendons pas que M. Levavasseur se soit astreint à rendre chaque mot du livre de Job; mais nous affirmons qu'il rend presque constamment et avec un rare bonheur la pensée de l'auteur, et qu'il réunit, comme il le dit lui-même dans sa préface, l'exactitude des idées et des sentimens à une certaine independance d'expression, de mouvemens et de tours; indépendance dont nul ne contestera la nécessité. Il lui est donc arrivé quelquefois d'ajouter au texte, de développer un sens qui n'était qu'indiqué, de lier par des transitions certaines idées, etc., etc. Il n'a fait, du reste, en cela que suivre l'exemple des traducteurs en prose les plus fidèles et les plus consciencieux, qui ont tous fait au texte certaines additions indiquées dans nos Bibles en caractères italiques. —Ajoutons enfin que M. Levavasseur se présente à nous dans cet ouvrage, non seulement comme un poète d'un mérite très-rare, mais encore comme un chrétien qui n'a pas médité nos Livres saints saus en ressentir la divine influence sur son propre cœur. On sent partout l'homme personnellement convaincu des sublimes vérités qu'il a travaillé à revêtir d'un langage aussi digne d'elles qu'il pouvait être donné à un mortel de le trouver.-Désirant, comme nous le faisons, que cet excellent ou

vrage se répande, et présente à un grand nombre de lecteurs une lecture aussi pleine de charmes que d'utilité et d'édification, nous suggérerons à l'auteur l'idée d'en retrancher dans une prochaine édition le texte de la Vulgate, qui grossit et renchérit le volume assez inutilement à notre avis.-On nous

assure que M. Levavasseur s'occupe à traduire en vers encore un autre livre de la Bible; nous ne pouvons que l'encourager dans cette belle et utile carrière, et faire des vœux pour qu'il la puisse parcourir dans la plus grande étendue possible. Nous devrions peut-être, avant de terminer, faire la part de la critique ; mais à quoi bon, lorsque les beautés abondent, perdre notre temps à relever, par- ci par-là, une expression, un sens, etc., sujet à contestation? L'espace nous manque pour parler des poésies qui se trouvent à la fin du volume, et d'une excellente préface dans laquelle l'auteur examine diverses opinions qui ont été émises sur le livre de Job, et rappelle quelques questions auxquelles ce livre a donné lieu.

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-Assemblées générales du mois d'avril, à Paris. - Nos lecteurs ont déjà appris, par la couverture de nos dernières livraisons, que l'assemblée générale de la Société biblique protestante de Paris est fixée au mercredi 23 avril prochain; la Société des Traités et celle des Missions évangéliques se réuniront dans la même semaine; la première la veille, la dernière le surlendemain; la Société de Prévoyance, le dimanche 27. Nous désirons vivement qu'un grand nombre de pasteurs et de chrétiens des départemens puissent se rendre à Paris à cette époque. Ils sentiront comme nous combien peut être importante pour nos Eglises cette occasion annuelle de réunions et de communications fraternelles. Nous voudrions que cette époque de l'année pût devenir en même temps celle de la réunion d'une espèce de synode bénévole, où pourraient

se traiter beaucoup de matières d'un intérêt général pour l'avancement du règne de Dieu parmi nous.

CIRCULAIRE de M. LE BARON CUVIER aux Présidens de Consistoires des Eglises protestantes de France.

Le Journal du Commerce, du vendredi 29 février dernier, el d'autres journaux font mention d'une circulaire adressée par M. le baron Cuvier aux présidens de Consistoires des Eglises protestantes de France. Nous n'aurions pas cru devoir parler les premiers de cette pièce confidentielle, dont nous connaissions cependant l'existence. Mais, puisque cette existence est rendue publique, nous pensons remplir un devoir en insérant textuellement cette lettre dans notre recueil avec les réflexions qu'elle nous suggère, soit pour éviter que l'ignorance du texte même de cette circulaire, une fois son existence révélée, n'augmente l'agitation qu'elle peut exciter, et que nous savons qu'elle a déjà excitée dans nos Eglises; soit parce que, lorsqu'il s'agit d'une affaire qui nous concerne si directement, c'est à nous, protestans, à nous en occuper.

Nous nous sommes sincèrement félicités, et nous nous félicitons encore vivement de la nomination de M. Cuvier aux fonctions importantes et honorables que la justice et l'impartialité du Roi lui ont confiées; personne n'est plus convaincu que nous de la parfaite pureté de ses intentions, personne n'est plus loin que nous de vouloir embarrasser son début dans sa nouvelle carrière par d'importunes publications, ni plus disposé à le seconder, au contraire, si, dans notre petitesse, l'occasion s'en présentait à nous. Mais convaincus, comme nous le sommes, que cette circulaire pourrait avoir les effets les plus déplorables dans nos Eglises, effets entièrement indépendans des intentions de son auteur; convaincus, d'un autre côté, que la publicité seule peut détourner ces dangers, et calmer l'agitation que nous avons prévue et qui s'est déjà manifestée, M. le baron Cuvier ne sera-t-il pas le premier, dans sa justice et dans son zèle éclairé pour le bien et pour la paix de nos Eglises, à nous pardonner si nous employons, selon notre 1828.-11 année.

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conviction, le seul moyen à notre portée d'empêcher que cette paix ne soit troublée, par une mesure prise, sans aucun doute, dans le but le plus louable, mais qui, peut-être, n'a pas été suffisamment mûrie, et dont les conséquences n'ont peut-être pas été assez calculées ?—Voici d'abord le texte de la circulaire :

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« Les nouvelles fonctions dont je viens d'être honoré par le Roi exigent que je prenne une connaissance plus particulière de l'état de nos Eglises, ainsi que du personnel des pasteurs qui leur sont préposés. Ce dernier objet surtout me paraît de la plus hauté importance pour me mettre en état, dans l'occasion, de faire en connaissance de cause les propositions convenables a l'autorité supérieure.

« Je vous prie donc de vouloir bien, le plus tôt possible', m'adresser un état des pasteurs de votre Eglise consistoriale, et même des proposans qui l'habitent, comprenant: 1° leurs nom, prénoms, âge et lieu de naissance; 2° l'Université française ou étrangère, ou la Faculté où ils ont fait leurs études; 3o le grade qu'ils ont obtenu dans les lettres ou dans la théologie; 4° l'époque et le lieu où ils ont été promus au saint ministère; 5° s'ils sont mariés, et combien ils ont d'enfans; 6° pour ceux qui sont pasteurs, les emplois qu'ils ont exercés, et leur temps de service.

« A cet état, dont vous pourrez demander les élémens à chaque intéressé, je désirerais que vous voulussiez bien joindre vos notes confidentielles (1) sur la conduite et les talens de

(1) C'est nous qui soulignons dans cette circulaire ce qui nous y frappe davantage. (Réd.)

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