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LES E TONIQUES DU CATALAN

Le catalan possède deux e : l'e obertà (e) et l'e tancada (é). Ils répondent, en général, aux deux e du latin vulgaire; ce n'est qu'exceptionnellement, sous l'influence d'un i suivant, que ceuxci passent à i en catalan (pectu >peitu> pit; sepia > sipia) ; en revanche, ai roman passe à e en se monophtonguant (factu> faitu > fet). Les sources des e toniques catalans sont donc : ee ouvert du latin vulgaire (répondant à l'e bref du latin classique), ee fermé du lat. vulg. (répondant aux deux voyelles latines e long et i bref) et la diphtongue romane ai (dont l'i provient de c, g, etc., latins).

Dans la série des voyelles postérieures arrondies, on a analoguement deux o, l'o oberta (ò) et l'o tancada ou fosca (ó), répondant à ọ (= ŏ), ç (= ō, ú) et au du latin populaire. Les rapports entre o, ó et o, o, au sont : o > ó, o̟ > ó, au > ò. On attendrait ẹ > è et ẹ > é dans la série palatale; mais l'examen des mots d'origine populaire possédant e tonique, montre qu'il faut admettre comme développements spontanés d'e et d'e: e é et ẹ > è. La diphtongue romane ai ne donne non plus é, mais é.

Voici, en effet, les exemples les plus importants d'è et d'é catalans, que nous classons d'après les phonèmes suivant la voyelle tonique.

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[v (pron. ¿1) et u proviennent de b, v, ƒ (?) : on a v entre

1. Fricative bilabiale b intervocalique du cast. Cp. d, g intervocaliques. v labio-dental est dialectal (Camp, Majorque).

deux voyelles et u à la finale (pour u provenant d'autres phob (pron. aussi ) provient de p; devenu

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nèmes V. 3 et 6).
final, b provenant de p est redevenu p.

à p en catalan.]

>

pp (bb) latin s'est réduit

e> è: cippu > cèp; cepa ceba, recipit > rèp (écrit reb); glebȧ > glèvă, sebu > sèu, bibit > bèu, debet > dèu. Mais : gibbu gép; nive > néu (d'accord avec le cast. nieve).

ę > é : levät > lléva, breve > bréu, leve > lléu. Cp. tréves (de * trewàs) et estrép ( a-franç. estrieu).

m

fimu > fém timet > tém.

ẹ > è: term. verbales -ēmu[s], -imu[s]> -èm (ex : debemus > devem, bibimus > bevèm), remu > rèm. Mais (d'accord avec le castillan fiemo, l'a-franç. fiens), ę >ę: cremăt > créma, ex + premit > esprém.

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[d provient de t; devenu final, d provenant de t est redevenu t. tt, pt latins se sont réduits à ten catalan.]

ẹ > è: vittà > vètă, nit[i]du > nèt, -mittit > -mėt, suff. -ittu, -itta (it. -etto) > -èt, -èta (ex. : brassèt, manėta); seta > sèda, creta > grèda, moneta > moneda, suff. -ēta > -èdă (ex. : pinèda, fagèda,roureda), blitu> blèt, siti > sèt, * parete > parèt, * frig' du > frèt. Mais rete > rét.

e>é: *neptunet, inceptat > encéta. Mais septe> set. [Devant t provenant du groupe ct, devenu it :]

ei è strictu > estrèt, d'rectu> dret, benedictu > Benet. ai > é: factu>fét, tractu > trét, * lacte > llét.

n

[n intervocalique devenu final s'est effacé en catalan: nous pla

çons ici les mots terminés par è et par é devenus finals par la suppression d'un n. —nd s'est réduit à n en catalan.]

e> è: pœna > pěna, vena > véna, catena > cadèna, trina > tréna, *alenat > alèna, minat > měna, nominat > noměna, fœnú > fè, plenu > plè, serenu > serẻ, suff. -ēnu, -ēna > -è, -én, -èna (ex: setè, vintèna); vendit > ven.

> é: bene > bé, tenet > té, venit > vé, genus > géns; intendit > entén, incendit > encén, merendat > beréna. Mais ex + mendat esmena.

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[Devant 1, l'e a toujours un son ouvert :]

tẹlä > tělá, vẹlu > vèl, pilu > pèl, fidẹle > fèl, *stẹlu > estèl ; mais aussi : gelu >gèl, cælu > cèl, mẹl > mèl, fel > fèl.

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Le s provenant de s (ou ns) est sonore entre deux voyelles et sourd à la finale. ss, rs latins se sont réduits à s, écrit ss entre deux voyelles. Le groupe roman ci est devenu ç qui a fini par se confondre avec s sourd (quelques écrivains emploient encore la lettre ç, mais l'orthographe la plus usuelle a remplacé ç par ss ou s). Le groupe ti devient ç ou (= dz ); +c devant e, i, et d donnent aussi z; cez a été complètement effacé après l'étape h (= fricative vélaire); mais, à la finale, h a passé à u; +ts de tis a passé aussi à u '.]

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ẹ > è : vicia > vèssa, *capittia > cabèssa, frictiat > frèssa, -missu-mès, spissu > espès, suff. -issa > -èssa (ex.: mestrèssa, metgèssa); mensa > mėsa, defensa > devèsa, pensu > pès, *prensu

1. C'est pendant l'étape que les voyelles médiales posttoniques et prétoniques sont tombées : la chute de la voyelle précédente arrête le développement de z en h; ainsi nous avons salice > salze, * quatturdeci > catorze, ilicina > alzina, medicina > metzina.

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> près, extensu > estès, tres > très, res > rès, suff. -ēnse > -ès, -ésa (ex : cortès, francès), suff. -ïtia1 >-èsa (ex. : saviesa, bestièsa). Mais d'rectiat > dréssa; mense > més, pensat > pésa, densat désa.

ę > é : versat > véssa, *pettia > pessa, pressa> pressä, -versu > -vés (ex.: través, devés).

ai > é : baseu > baisu > bés, magis > mais➤ més.

[Une qui s'est trouvé devant la fricative vélaire h2, est toujours ouvert :]

hærede hereu, credit > creu, videt > véu, term. verba es -ētis, -itis > -èu (ex. : debetis > devèu, bibitis > bevéu); mais aussi dece dèu, pede > peu, pretiu > prèu, frętu 3 >frèu, sedet séu 4.

[Nous trouvons la chute complète de d à la finale dans :] fi[de]> fè, merce[de] > mercè, qui[d]> qué et -de[dit] > -dé (perde).

1. Pendant l'étape 7, il a dû se produire une hésitation entre z et s sonore, d'où alosa, enclusa, desembre (à côté de deembre), menyspresar, conresar, plasent (à côté de menysprear, conrear, plaent), -itia > -èsa (à côté de -èa, aujourd'hui dialectal Valencia); et reina (de resīna), fuada, roegar (dialectaux, à côté de fusada, rosegar). Meyer-Lübke donne comme régulière la chute de s intervocalique avant l'accent; mais nous avons mesura, masell, bes-, des......... 2. Cp. e devant 7, qui est aussi un phonème gutturalisé.

3. Dans des conditions mal définies, un d secondaire continue à se développer comme d primaire : patella > paella, spata > espaza (d'où espaa et espasa), cubitu > covezu > couze > colze. Meyer-Lübke donne même comme régulier t±> h (paella, grair, pair); mais nous avons non seulement poder, mudar, cridar, rodó, sedas, etc., où l'on pourrait voir l'influence de pot, muda, crida, roda, seda, etc., mais aussi cadena, madur, bodell, cadira, madeixa, vedell, codony, sadoll, edat, cadell, etc.

4. > è dans vèu, creu, deus; mais puteu > póu (influencé par poal, poar ?); nuce et nodu offrent o, y nou, nu (d'un plus ancien nuu). Cp. le cast. nuez, nudo.

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ẹ > è: cera > cèra, pira > pèra, vera > vèra, sincerusencèr, term. verbale -ère-èr (ex. haver, saber). Mais severu Sever.

ẹ >é : fera > féra, *muliere > mullér.

ai>é: area > aira >éra, suff. -ariu, -aria>-ér, -era (ex.: argentér, cendrér, noguér, noguéra).

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[Les gutturales c et g dans les groupes ct, cs (x), c'l et gn sont devenues i, d'où it, is, il, in; la consonne romane į (provenant d'une ou d'un i en hiatus ou d'un g devenu palatal) dans les groupes ssi (ou stį), -lį et ni, a été attirée par la voyelle tonique, d'où de nouveau įs, il, in; les groupes ri et si ont analoguement passé à ir, is sonore. Dans tous ces cas, où la voyelle tonique s'est trouvée en contact du phonème į, on constate le passage d'e à i (et, parallèlement, celui d'o à u), mais non celui d'a à é. Nous avons, en effet, factu > fét, area > éra, baseu > bės, metaxa > mádéixa, mais * battac❜lu > batall, ba[l] neu bany. C'est que l'l et l'n des groupes il et in ayant été palatalisés, ils ont absorbé l'į après que celui-ci avait exercé son action sur (et sur o), mais avant qu'ai n'eût subi aucun changement. Par contre, dans le groupe is sourd où l's a été aussi palatalisé, l'i persistait encore aussi bien que devant t, r et s sonore, lorsqu'a

1. final s'est généralement effacé dans la prononciation du catalan moderne on prononce sencè, havè, etc. (Barcelone et une grande partie du domaine catalan). Il se conserve dans quelques monosyllabes: mar, car, llar, (a)cer, cor, or, mor, llur, à côté de cla, flo, plo, po, du, plè (pour plaè) et les infinitifs fé, sé, di, du (écrits clar, flor, etc.) Il se maintient aussi dans un grand nombre de mots savants.

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