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Chimène a dit : Va combattre le maure,
De ce combat surtout reviens vainqueur,
Oui, je croirai que Rodrigue m'adore,
S'il fait céder son amour à l'honneur.

Donnez, donnez et mon casque et ma lance,
Je prouverai que Rodrigue a du cœur.
Dans les combats signalant sa vaillance,
Son cri sera pour sa dame et l'honneur.

Maure vanté par ta galanterie,

De tes accens mon noble chant vainqueur,
D'Espagne un jour deviendra la folie,
Car il peindra l'amour avec l'honneur.

Dans les vallons de notre Andalousie,

Les vieux chrétiens rediront ma valeur,

Il préféra, diront-ils, à la vie

Son Dieu, son Roi, sa Chimène et l'honneur.

Comme «< ce qui ne vaut pas la peine d'être dit, on le chante », on chanta << ces vers », et deux fois plutôt qu'une ce n'était que justice. Des deux musiciens qui se mirent en frais, l'un était le célèbre Garat1, l'autre P. D'alvimare 2. Les premières mesures de ce dernier portent << Fieramente Maestoso »>, indication en rapport avec le soustitre adopté: «< Chant héroïque. » Où l'héroïsme allait-il s'égarer, et qui se serait avisé de le chercher dans ces cinq strophes? Habent sua fata versiculi: un peu plus tard, la fortune de Partant pour la Syrie fut plus éclatante, mais était-elle plus méritée ?

J. CHASTENAY.

1. Les adieux du Cid. Paroles de M. de Chateaubriand, Musique de Garat. Membre du Conservatoire de Musique de France. A Paris, chez Miles Erard. Rue du Mail, no 21, s.d. 4 pp. in-fol., la dernière en blanc.

2. Le Cid. Chant Héroïque avec Accompagnt de Piano ou Harpe. Paroles de Mr. de ************* Musique de P. D'alvimare. A Paris, Au bureau de l'Agence Dramatique, Rue St Marc Feydeau, No 14, s. d. 4 pp. in-fol., la dernière en blanc.

3. On abusait du mot; témoin cette autre pièce :

LE CID ET CHIMÈNE

ROMANCE HÉROÏQUE

Musique et Accompagnement de Piano par BEAUVARLET-CHARPEntier.

Le Cid, après son Hyménée,
Pour les combats veut repartir :
Sa Chimène en est consternée,
Mais n'ose pas le retenir.
Elle garde un profond silence,
Fixe sur lui des yeux en pleurs,
Et sa voix plaintive commence
Ce chant d'amour et de douleurs.

Ah! qu'une chaîne glorieuse
Nous prépare de cruels maux;
La villageoise est plus heureuse,
Son époux n'est point un héros :
Si pour aller au labourage
Cet époux la quitte au matin,

Au moins le soir après l'ouvrage,

Il revient dormir sur son sein.

Paisiblement elle sommeille

Sans voir en songe des combats ;
Si quelque chose la réveille,

C'est l'enfant qu'elle a dans ses bras.
Elle lui donne sa mamelle,

Le baise et s'endort doucement :
L'univers se borne pour elle,

A son époux, à son enfant.

Sur le pommeau de son épée,
Le Cid appuyé tristement,
A ses accens l'âme frappée,
Dit à Chimène en soupirant :

Va, rassure-toi, ma Chimène,

Nos deux cœurs ont même désir ;
Peu d'instans finiront ta peine,

Je vais voir, vaincre et revenir.

(in: Quatre Romances Avec Accompagnement de Piano Forté Composées & dédiées à Son Altesse Royale Madame La Duchesse de Berry par BeauvarletCharpentier Md de Musique Breveté de S. A. R. A Paris, Chez l'Auteur, Boulevard Poissonnière, no 27. s.d.).

Je ne sais de qui sont les paroles (dans ce recueil, cette pièce, ainsi qu'une << Chansonnette en style Marotique », A celle que l'on aimera toujours, sont anonymes, tandis que L'espoir du troubadour et Elle était là! ont pour auteur Alphonse Vulpian), mais il n'est pas téméraire d'affirmer qu'elles ne sont pas de M. de Chateaubriand; le poète des Adieux du Cid était assurément incapable de s'élever à une pareille médiocrité.

DESSINS INEDITS

DE

GOYA

I-20

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