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peu); devant le groupe n'r (gèndre); devant r entravé excepté r+ labiale (hivern); devant rr (tèrra). Par contre, un g précédent semble arrêter le passage d'e à è; nous avons gép à côté de cèp; gingébre à côté de pèbre. Les groupes ng palatal et ngu troubleraient aussi le développement régulier d'une antérieur: nous avons diumenge, vénja, llengua. Nous avons enfin é devant i : réi, lléi.

Dans les autres cas exceptionnels où l'on trouve è répondant à e et é répondant à e, il s'agit presque toujours d'un échange de phonèmes dû à des actions analogiques 1. C'est surtout dans le verbe que l'on remarque des échanges entre è et é. Les deux voyelles et e s'étant confondues dans les syllabes atones, il existe deux catégories de verbes à e radical: des verbes présentant une fermé aux formes faibles et une ouvert aux formes fortes, et des verbes possédant un e fermé dans toutes leurs formes 2: menar, batejar, senyar, secar, plegar, semblar, comensar, cercar appartiennent à la première catégorie (menar, ind. pres.

sans tâcher d'établir les lois réglant la répartition des deux voyelles é et è. Cp., dans le Grundriss de Gröber : « Das vulgärlat. betonte e aus ē, œ, i kann in der heutigen Sprache durch g (offen) dargestellt werden... Das betonte vulgärlat. (ě, æ) ist sehr oft zu ẹ (geschlossen) geworden... haben jedoch cel cælum, mel mel, vell vetulus, hivern hibernus. >> (Notons que le représentant cat. de vetulus n'est pas vell mais vell).

1. Sont difficiles à expliquer : rét (à côté de sèt <siti), sèt < septe (à côté de nét < neptu), éll (à côté d'aquèll), néu, fém érm; deixeble, espéra, tém, pèca, paraissent être mi-savants; ménta (à côté de trènta) aurait souffert l'influence des nombreux mots présentant le groupe ment; llenya doit peut-être son é à la double influence de ll et de ny.

2. L'e atone étant devenu q, les verbes de la première catégorie présentent actuellement l'alternance a-è au lieu de l'ancienne alternance e-è et ceux de la seconde catégorie, qui n'avaient pas d'alternance, présentent l'alternance g-ẻ. Une troisième catégorie de verbes ayant a aux formes faibles, est formée par ceux dont l'a provient d'a, comme pagar, ind. prés. paga (pron. pagȧ, páge); d'où probablement: arrancar-arrènca d'après trancar-trènca; llansar-llènsa assimilé aux verbes en -ensar (pron. ansd) -ènsa etc.

mèna); llevar, cremar, vessar, segar, alegrar appartiennent à la seconde (llevar, ind. prés. lléva). Or il a pu facilement se produire des échanges entre les deux catégories sous des influences diverses esmenar (ind. prés. phonétique esména) a été assimilé aux verbes en -menar, ind. prés. -mèna; dressar, aux verbes en -essar, ind. prés. -éssa; le nom véda (le seul nom en eta> ėda) a été assimilé aux nombreux noms en -eda', et véda aurait décidé le passage du verbe vedar à la première catégorie. Tous les verbes en -esar ont réformé leurs formes fortes sur le modèle des

formes faibles desar, désa; pesar, pésa (malgré pés, régulier). On aurait analoguement dans le nom : ginébre d'après son synonyme ginebreda (plus usité) et ginebró; més (à côté de més dialectal) d'après mesada, etc. Leur fonction de prépositions (mots atones) expliquerait éntre, sénse.

Comment doit-on expliquer les changements >eet >é? Peutêtre faut-il voir dans é une réduction d'une ancienne diphtongue eie se serait réfracté en ei (cp. le français, le rhétique); puis il se serait produit une dissimilation entre les deux éléments de la diphtongue, ei serait devenu ei; et finalement, ei aurait été réduit à é. L'ancienne diphtongaison de la voyelle e en catalan expliquerait aussi l'e majorquin il serait l'effet d'une dissimila lation plus forte, ei se serait avancé jusqu'à ei avant la perte de l'élément palatal 2. Notons que c'est seulement dans les mots où l'e provient d'e que le dialecte majorquin présente e à la place d'e catalan; dans les mots tels que cèl, prèu, tèndre, tèrra, le majorquin prononce aussi é.

1. Cp. guarèt (war[v]actu) assimilé aux diminutifs en èt; Seve(r), polléra (pullitru) assimilés aux noms en é(r), éra, etc.

2. On admet que le degré e a été autrefois commun à tout le domaine catalan. C'est l'opinion exprimée par MM. A. M.-F. et J. S. dans le Grundriss : << Man meint, dass dieses e in ganz Catalonien ehemals einen den gemischten deutschen und französischen Vokalen in schön und peu ähnlichen Laut gehabt hat. Jedenfalls ist dieser Vokallaut noch auf den Balearen vorhanden, wo man dou debet, pöna pœna, pôra pira, und nicht dẹu, pena, bera, wie in

On constate, à des époques diverses, l'influence d'un i suivant sure ou ses dérivés. A une époque très ancienne, un i final, avant de disparaître, a changé e en i; ce changement a été aussi produit par un i en hiatus : fęcī> fiu, -ęsti > -ist, vint ;sepia sipia, ciri, vidre. Par contre, la consonne secondaire i ne semble avoir exercé aucune influence, soit qu'elle ait été absorbée par la consonne palatalisée suivante, soit qu'elle se soit produite pendant l'étape ei et qu'elle se soit par conséquent fusionnée avec l'i subjonctif de la diphtongue. A une époque plus récente un i vocalique secondaire aurait exercé une action assimilante sur un é antérieur : réi, llei. C'est peut-être à l'influence d'un i secondaire que l'on doit l'e fermé de quelques mots en eix (pron. ech): quand un s désinenciel (l's du pluriel, l's de la deuxième personne) vient se mettre en contact d'un x palatal, x + s devient is; nous avons peix = pech au singulier, peis au pluriel, serveix pluriel, serveix servech à la troisième personne, serveis à la deuxième 1; or un e se développerait en é devant x=ch (aussi bien que devant ll, ny, j, it) mais il redeviendrait é aux pluriels et aux deuxièmes personnes sous l'influence assimilante de la voyelle i; ainsi aurait-on -èch au singulier et à la troisième personne, -éis (rimant avec réis) au pluriel et à la deuxième personne; et il se serait produit dans chaque cas une unification entre les voyelles de -èch et de -éis: on aurait peix d'après péis (sous l'influence des autres monosyllabes en éix, de ais), mais aqueix (maintenu par le féminin aqueixa et par aquèst

=

Catalonien, vernimmt » (Notons que la vocal neutra tonica du majorquin est tout autre que les voyelles franç. et all. eu, eû, ö, öh, qui sont des voyelles postérieures arrondies; ce qui a été déjà noté par M. B. Schädel Mundartliches aus Mallorca). L'e conservé à Majorque, aurait passé ailleurs à è en se confondant avec è issu d'e; toutefois on a > é dans les parlers occidentaux.

1. Cp. la réfraction de -ttch (écrit ig) en -itts devant s; bòttch, pl. bỏitts. A Barcelone les anciennes formes en -is ont été remplacées par des formes en -os et en -es peixos, creixes. On dit analoguement bojos, fuges, mais aussi encore boitts (écrit boigs). Les postverbaux en ettch (eig) conservent l'è des verbes correspondants: batèja, batèttch.

aquéll); créix d'après creis (sous l'influence des formes faibles, qui ont eix, et peut-être de néix) à côté de floreix, serveix, etc. de florir servir, etc. (verbes qui n'ont pas de formes contenant eix atone). Nous voyons, finalement, se produire de nouveau, à une époque plus récente encore, la combinaison e tonique + i à la suite d'un déplacement d'accent: voyelle atone + i tonique > voyelle tonique+i atone (cp. cuína > cúina). C'est à ce recul d'accent que l'on doit les imparfaits forts et les formes majorquines deim, deis, etc. Cette nouvelle combinaison ei est, en général, prononcée éi: crèia (d'un plus ancien creia), séia veia ont adopté la voyelle de creure, sèure veure et des autres formes fortes; on a eu ensuite réia, deia et même feia quèia (pour jaia, caía). Cp. vèina (vagína), benèit, mais réina d'après réi.

Quant au passage d'e à é, il serait lié à l'allongement d'è primitif. En s'allongeant e perd son homogénéité: e, d'où je avec tous ses développements (ie cast., ie et ię franç., ia roumain, etc.); mais aussi, par réduction, e oue=é. En catalan la réduction normale serait en é; mais l, h, rr et r + consonne auraient donné le dessus à l'élément le plus ouvert; par contre, on aurait ie et finalement i devant la consonne palatale į.

Nous trouvons dans les mots savants è et e répondant à e du latin classique. Les noms empruntés possédant un e tonique, sont prononcés par règle générale avec une ouvert : on prononce, par exemple, avec une ouvert tous les mots terminés par -edi, -egi, -emi, -eni, -enci... -ectic, -edic, -efic, -enic, -eptic... -edit, -enit, -erit... tous les mots savants terminés par -eu, -ea, -ens, -ers... les mots eco, zero, vertex, epoca, emfasi, extasi... Mais, sous l'influence de certaines terminaisons populaires, on prononce e fermé dans un grand nombre de noms d'introduction savante. L'absence de mots populaires en ent, par exemple, décide l'adoption d'e pour les mots savants en ent: evident, adjacent. On a analoguement -est d'après ferést, bigést; austér, austéra, d'après les nombreux noms en -ér, -era; dea d'après Déu ; céntre d'après véntre...(cp. parmi les mots empruntés à d'autres langues, cafè, tè, cheminée fr. >

xumeneia, xemeneia; mais quinquet fr. > quinqué assimilé aux noms en ér), pessebre etc.).

On constate dans les verbes empruntés une tendance à introduire e fermé dans les formes fortes; ainsi nous avons eleva, celébra, agréga, -léga, régna, condémna, -écta, -épta, -éra,-érva, -éssa, -esta, etc. eléva, reléva auraient été favorisés par lléva et ses composés ; -éssa, par les verbes populaires en-éssa; régna, par rei, etc. Par contre, l'absence dans la langue de mots présentant é devant I maintient l'é dans les verbes en -elar; on a anhèla, revèla etc., d'après gèla etc. On a analoguement -éa, -èrna, -èrsa, -èsta, -ènsa. Nous trouvons aussi l'e fermé introduit dans des noms apparentés avec des verbes comme la condemna avec condemnar, ind. prés. condemna. Le groupe -cépt-, que nous trouvons dans les verbes acceptar, receptar, etc., nous le retrouvons dans les noms recepta, concepte, etc. (à côté d'inepte). Nous trouvons analoguement dans le nom les groupes -péct-, -féct-, -jéct- des verbes en -pectar, -fectar, -jectar: respecte prospecte. etc., mais insecte, dialècte directe, collecta. Nous avons cessa verbal et -cés nominal -féssa et -fés, -gréssa et -grés, -préssa et -prés, mais interès d'où interèssa.

Notons qu'il y a un petit nombre de mots savants où la prononciation de l'e n'est pas encore fixée; ainsi l'on prononce communément teorema, mais aussi teoréma; suprém et suprém... On constate des hésitations analogues même parmi les mots d'origine populaire, mais elles ne sont pas fréquentes.

P. FABRA.

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