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çois d'une terminaison étrangère, et croient que venir de bon lieu c'est venir de loin.

10. Le besoin d'argent a réconcilié la noblesse avec la roture, et a fait évanouir la preuve des quatre quartiers.

11. A combien d'enfants seroit utile la loi qui décideroit que c'est le ventre qui anoblit! mais à combien d'autres seroit-elle contraire !

12. Il y a peu de familles dans le monde qui ne touchent aux plus grands princes par une extrémité, et par l'autre au simple peuple.

13. Il n'y a rien à perdre à être noble : franchises, immunités, exemptions, priviléges; que manque-t-il à ceux qui ont un titre? Croyez-vous que ce soit pour la noblesse que des solitaires1 se sont faits nobles? Ils ne sont pas si vains : c'est pour le profit qu'ils en reçoivent. Cela ne leur sied-il pas mieux que d'entrer dans les gabelles? je ne dis pas à chacun en particulier, leurs vœux s'y opposent, je dis même à la communauté.

14. Je le déclare nettement, afin que l'on s'y

Maison religieuse, secrétaire du Roi. (Note de La Bruyère.) Plusieurs maisons religieuses, pour jouir des priviléges et franchises attachés à la noblesse, avaient acheté des charges de secrétaire du Roi. Le couvent des Célestins en particulier, était pourvu d'un office de secrétaire du Roi, don de la munificence royale concédé, au quatorzième siècle, par lettres patentes de 1358 et de 1368.

prépare et que personne un jour n'en soit surpris: s'il arrive jamais que quelque grand me trouve digne de ses soins, si je fais enfin une belle fortune, il y a un Geoffroy de La Bruyère que toutes les chroniques rangent au nombre des plus grands seigneurs de France qui suivirent GODEFROY DE BOUILLON à la conquête de la Terre sainte : voilà alors de qui je descends en ligne directe.

15. Si la noblesse est vertu, elle se perd par tout ce qui n'est pas vertueux ; et si elle n'est pas vertu, c'est peu de chose.

16. Il y a des choses qui, ramenées à leurs principes et à leur première institution, sont étonnantes et incompréhensibles. Qui peut concevoir en effet que certains abbés à qui il ne manque rien de l'ajustement, de la mollesse et de la vanité des sexes et des conditions, qui entrent auprès des femmes en concurrence avec le marquis et le financier, el qui l'emportent sur tous les deux, qu'eux-mêmes soient originairement, et dans l'étymologie de leur nom, les pères et les chefs de saints moines et d'humbles solitaires, et qu'ils en devroient être l'exemple? Quelle force, quel empire, quelle tyrannie de l'usage! Et sans parler de plus grands désordres, ne doit-on pas craindre de voir un jour un simple abbé en velours gris et à ramages comme une éminence, ou avec des mouches et du rouge comme une femme?

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etés des Dieux, la Vénus, le Ganyes nudités du Carrache aient été inces de l'Église, et qui se disent pôtres, le palais Farnèse en est la

choses le sont moins hors de leur ances mettent la perfection, et la séances. Ainsi l'on n'entend point hapelle, ni dans un sermon des on ne voit point d'images profanes! , un Christ, par exemple, et le dans le même sanctuaire, ni à des ées à l'Église le train et l'équi

C.

e donc ce que je pense de ce qu'on onde un beau salut, la décoration les places retenues et payées, des comme au théâtre, les entrevues fréquents, le murmure et les caues, quelqu'un monté sur une triamilièrement, sèchement, et sans rassembler le peuple, l'amuser, n orchestre, le dirai-je? et des t depuis longtemps se fassent en

te de La Bruyère).

it en vers francois par L. L***. (Note

tendre? Est-ce à moi à m'écrier que le zèle de la maison du Seigneur me consume, et à tirer le voile léger qui couvre les mystères, témoins d'une telle indécence? Quoi! parce qu'on ne danse pas encore aux T. T.1, me forcera-t-on d'appeler tout ce spectacle office d'église?

20. L'on ne voit point faire de vœux ni de pèlerinages pour obtenir d'un saint d'avoir l'esprit plus doux, l'ame plus reconnoissante; d'être plus équitable, et moins malfaisant; d'être guéri de la vanité, de l'inquiétude et de la mauvaise raillerie.

21. Quelle idée plus bizarre que de se représenter une foule de chrétiens de l'un et de l'autre sexe, qui se rassemblent à certains jours dans une salle, pour y applaudir une troupe d'excommuniés, qui ne le sont que par le plaisir qu'ils leur donnent, et qui est déja payé d'avance? Il me semble qu'il faudroit ou fermer les théâtres, ou prononcer moins sévèrement sur l'état des comédiens.

22. Dans ces jours qu'on appelle saints, le moine confesse, pendant que le curé tonne en chaire contre le moine et ses adhérents telle femme pieuse sort de l'autel, qui entend au prône qu'elle vient de

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I Allusion aux Saluts des Pères Théatins, composés par Paolo Lorenzani, ci-dessus nommé page 215, et qui rentré en Italie devint maître de chapelle du pape Innocent XII.

me faire plaisir; je le remercie de sa complaisance, et ne veux, non plus que lui, visiter sa tannerie, qu'il appelle bibliothèque.

Quelques-uns, par une intempérance de savoir, et par ne pouvoir se résoudre à renoncer à aucune sorte de connoissance, les embrassent toutes et n'en possèdent aucune. Ils aiment mieux savoir beaucoup que de savoir bien, et être foibles et superficiels dans diverses sciences, que d'être sûrs et profonds dans une seule : ils trouvent en toutes rencontres celui qui est leur maître et qui les redresse : ils sont les dupes de leur vaine curiosité, et ne peuvent au plus, par de longs et pénibles efforts, que se tirer d'une ignorance crasse.

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D'autres ont la clef des sciences, où ils n'entrent jamais ils passent leur vie à déchiffrer les langues orientales et les langues du Nord, celles des deux Indes, celles des deux pôles, et celle qui se parle dans la lune. Les idiomes les plus inutiles avec les caractères les plus bizarres et les plus magiques sont précisément ce qui réveille leur passion et qui excite leur travail. Ils plaignent ceux qui se bornent ingénument à savoir leur langue, ou tout au plus la grecque et la latine. Ces gens lisent toutes les histoires et ignorent l'histoire : ils parcourent tous les livres, et ne profitent d'aucun : c'est en eux une stérilité de faits et de principes qui ne peut être plus grande, mais à la vérité la meilleure récolte et la

LA BRUYÈRE. II.

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