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Oraif. funèb. de M.

de Turène. Exorde.

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tre nous, & nous répondons par des prières. « Quoiqu'il y ait dans ces paroles de la fimplicité, de la naïveté, & qu'elles ne s'éloignent en rien du langage ordinaire; cependant elles contiènent une fort belle Figure qu'on apèle antithèse, c'est-à-dire, oppofition: maudir eft opofé à benir, perfécuter à foufrir, blafphèmes à prières.

Il n'y a rien de plus comun que d'adref fer la parole à ceux à qui l'on parle, & de leur faire des reproches quand on n'est pas content de leur conduite. * O Nation incrédule & méchante ! s'écrie Jesus-Chrift jufques à quand ferai-je avec vous ! jusques à quand aurai-je à vous foufrir! C'est une Figure très-fimple qu'on apèle apostrophe.

M. Flêchier au comencement de fon Oraison funèbre de M. de Turène, voulant donner une idée générale des exploits de fon Héros, dit" conduites d'armées

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fiéges de places, prifes de villes, passa»ges de rivières, attaques hardies, re» traites honorables, campemens bien or» donnés, combats foutenus, batailles gagnées, énemis vaincus par la force

O generátio incrédula & pervérfa, quo ufque ero yobifcum : Quo ufque pátiar vos. Matt. c. 17. v. 16.

"

diffipés par l'adreffe, laffés par une fage " & noble patience: Où peut-on trouver "tant & de fi puiffans exemples, que les actions d'un home, &c. «

dans

Il me femble qu'il n'y a rien dans ces paroles qui s'éloigne du langage militaire le plus fimple; c'eft là cependant une Figure qu'on apèle congeries, amas, affemblage. M. Flêchier la termine en cet exemple, par une autre Figure qu'on apèle interrogation, qui eft encore une façon de parler fort triviale dans le langage ordi

naire.

V. Sc. 34

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Dans l'Andriène de Térence, Simon fe croyant trompé par fon fils, lui dit, Quid Andr. ac ais omnium... Que dis-tu le plus... vous voyez que la propofition n'eft point entière, mais le fens: fait voir que ce père vouloit dire à fon fils, Que dis-tu le plus méchant de tous les homes? Ces façons de parler dans lesquelles il eft évident qu'il faut fupléer des mots, pour achever d'exprimer une penfée que la vivacité de la paffion fe contente de faire entendre, font fort ordinaires dans le langage des homes. On apèle cette figure Ellipfe, c'est-à-direz omiffion

Il y a, à la vérité, quelques Figures qui

ne font ufitées que dans le style fublime telle eft la profapopée, qui confifte à faire parler un mort, une perfonne abfente, ou Oraif. fu- même les chofes inanimées. Ce tombeau nébredeM. » s'ouvriroit,ces offemens fe rejoindroient

de Mon

taufier.

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» pour me dire: Pourquoi viens-tu men" tir pour moi, qui ne mentis jamais pour perfonne? Laiffe moi repofer dans » le fein de la vérité, & ne viens pas troubler ma paix, par la flaterie que j'ai haie. « C'est ainsi que M. Flêchier prévient fes auditeurs, & les affure par cette prosopopée, que la flaterie n'aura point part dans l'éloge qu'il va faire de M. le Duc de Montaufier.

de

Hors un petit nombre de figures femblables, réfervées pour le ftyle élevé, les autres fe trouvent tous les jours dans le ftyle le plus fimple, & dans le langage le plus comun.

Qu'eft-ce donc que les Figures? Ce mot fe prend ici lui-même dans un fens figuré. C'est une métaphore. Figure dans le fens propre, eft la forme extérieure d'un corps. Tous les corps font étendus; mais outre cette propriété générale d'être étendus, ils ont encore chacun leur figure & leur forme particulière, qui fait que cha

que corps paroît à nos yeux diférent d'un autre corps: il en eft de même des expreffians figurées; elles font d'abord conoitre ce qu'on penfe; elles ont d'abord cette propriété générale qui convient à toutes les phrafes & à tous les affemblages de mots, & qui confifte à fignifier quelque chofe, en vertu de la conftruction grammaticale; mais de plus les expreffions figurées ont encore une modification particulière qui leur eft propre, & c'eft en vertu de cette modification particulière, que l'on fait une efpèce à part de chaque forte de figure..

L'antithèfe, par exemple, eft diftinguée des autres manières de parler, en ce que dans cet affemblage de mots qui forment l'antithèfe, les mots font opofés les uns aux autres; ainfi quand on rencontre des exemples de ces fortes d'opofitions de mots, on les rapporte à l'antithèse.

L'apoftrophe eft diférente des autres énonciations, parce que ce n'est que dans l'apostrophe qu'on adreffe tout d'un coup la parole à quelque perfone préfente, où abfente, &c.

Ce n'est que dans la profopopée que f'on fait parler les morts, les abfens, ou

Caract. Des ouvrag, de l'efprit.

les êtres inanimés: il en eft de même des autres figures, elles ont chacune leur caractère particulier, qui les diftingue des autres affemblages de mots, qui font un fens dans le langage ordinaire des homes, Les Grammairiens & les Rhéteurs ayant fait des obfervations. fur les diférentes manières de parler, ils ont fait des claffes particulières de ces diférentes manieres, afin de mettre plus d'ordre & d'arangement dans leurs réfléxions. Les manières de parler dans lefquelles ils n'ont re marqué d'autre propriété que celle de faire conoitre ce qu'on penfe, font apelées fimplement phrafes, expreffions, périodes ; mais celles qui expriment non feulement des penfées, mais encore des penfées énoncées d'une manière particulière qui leur donne un caractère propre, celles-là, disje, font apelées figures, parce qu'elles paroiffent, pour ainfi dire, fous une forme particulière, & avec ce caractère propre qui les diftingue les unes des autres, & de tout ce qui n'eft que phrafe ou exprefGion.

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M. de la Bruyère dit qu'il y a de cer»taines chofes dont la médiocrité eft in» fuportable la poéfie, la mufique, la

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