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Propináre, boire à la fanté de quelqu'un, eft un mot purement grec, qui veut dire à la lettre, boire le premier. Quand les anciens vouloient exciter quelqu'un à boire, & faire à peu près à fon égard ce que nous apelons boire à la fanté; ils prenoient une coupe pleine de vin, ils en buvoient un peu les premiers, & enfuite ils préfentoient la coupe à celui qu'ils vouloient exciter à boire. * Cet ufage s'eft confervé en Flandre, en Holande, & dans le Nord:. on fait l'eflai, c'est-à-dire, qu'avant que de vous préfenter le vafe, on en boit un peu, pour vous marquer que vous pouvez en boire fans rien craindre. De là, par extenfion, par imitation, on s'eft fervi de. propinare pour livrer quelqu'un, le trahir pour faire plaisir à un autre, le livrer, le doner come on done la coupe à boire après avoir fait l'effai. Je vous le livre, dit Térence, en fe fervant par extenfion du mot Ter. Eun. propíno, moquez vous de lui tant qu'il vous

Act.v. fcè

ne dern.

* Hic Regína gravem gemmis auróque propófcit,
Implevitque mero páteram.

& in menfa láticum libávit honórem,

Primáque libáto fummo tenus áttigit ore:

Tum Bítiæ dedit incrépitans ; ille ímpiger haufit
Spumantem páteram, & pleno fe próluit auto. Æn. I. 7 3.2.

plaira, hunc vobis deridéndum propínoNous avons vu dans la cinquième partie de cette Grammaire, que la prépofition fupléoit aux raports qu'on ne fauroit marquer par les terminaifons des mots; qu'elle marquoit un raport général ou une circonftance générale, qui étoit enfuite déterminée par le mot qui fuit la prépo

fition.

Or, ces raports ou circonftances générales font prefque infinies, & le nombre des prépofitions eft extrêmement borné ; mais pour fupléer à celles qui manquent, on done divers ufages à la même prépofition.

Chaque prépofition a fa première fignification, elle a fa deftination principale, fon premier fens propre ; & enfuite par extenfion, par imitation, par abus, en un mot par catachrèfe, on la fait fervir à marquer d'autres raports qui ont quelque analogie avec la deftination principale de la prépofition, & qui font fuffifament indiqués par le fens du mot qui eft lié à cette prépofition; par exemple:

La prépofition in eft une prépofition de lieu, c'est-à-dire, , que fon premier ufage est de marquer la circonstance générale

d'être dans un lieu · Céfar fut tué dans le fénat, entrer dans une maison, ferrer dans une caffette.

Enfuite on confidère par métaphore les diférentes fituations de l'efprit & du corps, les diférens états de la fortune, en un mot les diférentes manières d'être, come autant de lieux où l'home peut fe trouver; & alors on dit par extenfion, être dans la joie, dans la crainte, dans le deßein, dans la bone ou dans la mauvaise fortune, dans une parfaite fanté, dans le défordre, dans l'épée, dans la robe, dans le doute, &c.

On fe fert auffi de cette prépofition pour marquer le tems: c'eft encore par ex tension, par imitation, on confidère le tems come un lieu, nolo me in témpore hoc vídeat fenex, c'est le dernier vers du qua trième acte de l'Andriène de Térence. Ubi & ibi font des adverbes de lieu; on les fait fervir auffi par imitation pour mar. Virg. Æn. quer le tems, hac ubi dicta, après que ces 1. v. 85. mots furent dits, après ces paroles. And. Act. Non tu ibi natum? (objurgafti) n'alâtes1. fc. 1. v. vous pas fur le champ gronder votre fils? ne lui dites-vous rien alors?

Térence,

122.

On

peut faire de pareilles obfervations fur les autres prépofitions, & fur un grand nombre d'autres mots.

*Feuille

» La préposition après, dit M. l'Abé de Dangeau, * marque premièrement pof- volante fur »tériorité de lieu entre des perfones ou la prépofi» des choses: marcher après quelqu'un; le tion après. » valet court après fan maître; les Confeillers "font affis après les Préfidens.

Enfuite, confidérant les honeurs, les richeffes, &c. come des êtres réels, on a dit par imitation, courir après les honeurs, foupirer après fa liberté.

Après, marque auffi poftériorité de : tems, par une espèce d'extenfion de la » quantité de lieu à celle du tems. Pierre eft arrivé après Jaques. Quand un home... » marche après un autre, il arive ordi»nairement plus tard, après demain, après » dîné, &c.

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» Ce Tableau est fait d'après le Titien. Co payfage eft fait d'après nature: ces façons » de parler ont raport à la poftériorité de tems. Le Titien avoit fait le tableau » avant que le peintre le copiât; la nature avoit formé le paysage avant que le pein »tre le repréfentât.

C'eft ainfi que les prépofitions latines à & fub marquent auffi le tems, come je l'ai fait voir en parlant des prépofitions.

22 Il me femble, dit M. l'Abé de Dan

» geau, qu'il feroit fort utile de faire voir » coment on eft venu à doner tous ces » divers usages à un même mot; ce qui » eft comun à la plupart des langues.

Le mot d'heures pa, n'a fignifié d'abord que le tems; enfuite par extenfion il a fignifié les quatre faifons de l'année. LorfIliad.L.V. qu'Homère dit que depuis le comencement Trad. pag. des tems les heures veillent à la garde du haut Olympe, & que le foin des portes du ciel leur Rem. p. eft confié, Madame Dacier remarque qu'Homère apèle les heures ce que nous apelons les faifons.

224.

278.

Herod.L.2.

Hérodote dit que les Grecs ont pris des Babyloniens l'ufage de divifer le jour en Pline, L. douze parties. Les Romains prirent enfuite cet ufage des Grecs, il ne fut introduit chez les Romains qu'après la première guerre punique: ce fut vers ce tems

7. c. 60.

que par une autre extenfion l'on dona le nom d'heures aux douze parties du jour, & aux douze parties de la nuit, celles-ci étoient divifées en quatre veilles, dont chacune comprenoit trois heures.

Dans le langage de l'Eglife, les jours. de la femaine qui fuivent le dimanche, font apelés féries par extension.

Il y avoit parmi les anciens des fêtes &

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