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nos mystères: & vous, Prêtres de Jéfus Chrift, prenez le glaive de la parole, »& coupez fagement jufqu'aux racines » de l'erreur, que la naiffance & l'éduca» tion avoient fait croître dans fon ame. » Mais par combien de liens étoit-il re

>>tenu?

Outre l'Apoftrophe, figure de penfée, qui fe trouve dans ces paroles, les Tropes en font le principal ornement: Tombez voiles, couvrez, prenez le glaive, coupez jufqu'aux racines, croître, liens, retenu ; toutes ces expreffions font autant de tropes qui forment des images, dont l'imagination eft agréablement ocupée.

4. Les Tropes rendent le difcours plus noble: les idées comunes auxquelles nous fomës acoutumés, n'excitent point en nous ce fentiment d'admiration & de furprise, qui élève l'ame: en ces ocafions on a recours aux idées acceffoires, qui prêtent, pour ainfi dire, des habits plus nobles à ces idées comunes. Tous les homes meurent également; voilà une pensée comune: Horace a dit:

Pállida mors, æquo pulfat pede páuperum tabernas Liv. i. Regumque turres.

od. 4:

Malherb.

VI.

On fait la paraphrase simple & naturèlè que Malherbe a fait de ces vers.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles,
On a beau la prier;

La cruèle qu'elle eft fe bouche les oreilles
Et nous laiffe crier:

Le pauvre en fa cabane, où le chaume le couvre,
Eft fujet à fes loix,

Et la garde qui veillé aux barières du Louvre,
N'en défend pás nos Rois.

Au lieu de dire que c'est un Phénicien, qui a inventé les caractères de l'écriture ce qui feroit une expreffion trop fimple pour la Poëfie; Brébeuf a dit:

Pharfale, C'eft de lui que nous vient cet art ingénieux, Lib. III. De peindre la parole & de parler aux yeux, Et par les traits divers de figures tracées,

Doner de la couleur & du corps aux pensées. *

5. Les tropes font d'un grand ufage pour déguifer des idées dures, défagréables, triftes, ou contraires à la modeftie

Phoenices primi, famæ fi créditur, aufi
Manfúram, rúdibus, vocem fignáre, figuris.
Lib. 111. v. 220.

Lucan:

on en trouvera des exemples dans l'arti cle de l'euphémifme, & dans celui de la périphrafe.

Manière

d'entei

gner & d'é

belles let

6. Enfin les tropes enrichiffent une langue en multipliant l'ufage d'un même mot, ils donent à un mot une fignification nouvèle, foit parce qu'on l'unit avec d'autres mots, auxquels fouvent il ne fe peut joindre dans le fens propre, soit parce qu'on s'en fert par extenfion & par reffemblance, pour fupléer aux termes qui manquent dans la langue. Mais il ne faut pas croire avec quelques Savans, que les tropes n'aient d'abord été inventés que par néceffité, à cause du défaut tudier les & de la difette des mots propres, & qu'ils tres, par aient contribué depuis à la beauté & à l'orne- M. Rollin, ment du difcours, de même à peu près que les tom. 11. p. vêtemens ont été employés dans le comence- de Oratoment pour couvrir le corps & le défendre con- re, n. 155tre le froid, & enfuite ont fervi à l'embéliraliter & à l'orner. Je ne crois pas qu'il y ait un Voff. inft. affez grand nombre de mots qui fupléent orat. L. IV. à ceux qui manquent, pour pouvoir dire que tel ait été le premier & le principal ufage des tropes. D'ailleurs ce n'eft ce n'est point là, ce me femble, la marche, pour ainfi dire, de la nature, l'imagination a trop

de

246.& Cic.

XXXVIII.

C.VI. R. 14.

part dans le langage & dans la conduite des homes, pour avoir été précédée en ce point par la néceffité. Si nous difons d'un home qui marche avec trop de lenteur, qu'il va plus lentement qu'une tortue, d'un autre, qu'il va plus vite que le vent, d'un paffioné, qu'il fe laiffe emporter au torrent de fes paffions, &c. c'eit que la vivacité avec laquelle nous reffentons ce que nous voulons exprimer, excite en nous ces images, nous en fomes ocupés les premiers, & nous nous en fervons enfuite pour mètre en quelque forte devant les yeux des autres ce que nous voulons leur faire entendre. Les homes n'ont point confulté, s'ils avoient ou s'ils n'avoient pas des termes propres pour exprimer ces idées, ni fi l'expreffion figurée feroit plus agréable que l'expreffion propre, ils ont fuivi les mouvemens de leur imagination, & ce que leur infpiroit le defir de faire fentir vivement aux autres ce qu'ils fentoient eux-mêmes vivement. Les Rhéteurs ont enfuite remarqué que telle expreffion étoit plus noble, telle autre plus énergique, celle-là plus agréable, celle-ci moins dure; en un mot, ils ont fait leurs obfervations fur le langage des homes.

Je

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lin, Tome

II. p. 246.

Je prendrai la liberté à ce fujet, de m'arêter un moment fur une remarque de peu d'importance: c'eft que pour faire voir que l'on fubftitue quelquefois des termes fi- M. Rolgurés à la place des mots propres qui manquent, ce qui eft très-véritable, Cicéron, Quintilien & M. Rollin, qui penfe & qui parle come ces grands homes, difent que c'est par emprunt & par métaphore qu'on a apelé gemma le bourgeon de la vigne: parce, difent-ils, qu'il n'y avoit point de mot propre pour l'exprimer. Mais fi nous en croyons les Etymologiftes, gemma eft le mot propre pour fignifier le bourgeon de la vigne, & ç'a été enfuite par figure que les Latins ont doné ce nom aux perles & aux pierres précieuses. En éfet, c'est toujours le plus comun & le plus conu qui eft le propre, & qui fe prête enfuite au fens figuré. Les laboureurs du pays Latin conoiffoient les bourgeons des vignes & des arbres, & leur avoient doné un nom avant que d'avoir vu des perles & des pierres précieufes mais come on dona enfuite par figure & par imitation ce même nom aux perles & aux pierres précieufes, & qu'aparemment Cicéron, Quintilien & Verbi translátio institúta eft inópiæ caufà, frequentata C

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