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JE

ERRAT A.

E ne crois pas qu'il y ait.de fautes typographiques dans cet ouvrage par l'attention des Imprimeurs, ou s'il y en a elles ne font pas bien confidérables. Cependant, come il n'y a point encore en France de manière uniforme d'orthographier, je ne doute pas que chacun, felon fes préjugés, ne trouve ici un grand nombre de fautes.

Mais, 1. mon cher Lecteur, avez-vous jamais médité fur l'Orthographe? Si vous n'avez point fait de réflexions férieufes fur cette partie de la Grammaire, fi vous n'avez qu'une orthographe de hazard & d'habitude, permettezmoi de vous prier de ne point vous arêter à la manière dont ce livre eft orthographié, vous vous y acoutumerez insensiblement.

2. Etes-vous partifan de ce qu'on apèle anciène orthographe? Prenez donc la peine de mettre des lettres doubles qui ne fe prononcent point, dans tous les mots que vous trouverez écrits fans ces doubles lettres. Ainfi, quoique felon vos principes il faille avoir égard à l'étymologie en écrivant, & que tous nos anciens auteurs, tels que Villehardouin, plus proches des fources que nous, écriviffent home, de homo, perfone de perfona, honeur de honor, doner de donare, naturèle de naturalis, &c. cependant ajoutez une m à home, & doublez les autres confones, malgré l'étymologie & la prononciation', & donez le nom de novateurs à ceux qui fuivent l'anciène pratique.

Ils vous diront peut-être que les lettres font des fignes, que tout figne doit fignifier quelque chofe, qu'ainfi une lettre double qui ne marque ni l'étymologie, ni la prononciation d'un mot, eft un figne qui ne fignifie rien, n'importe ajoutez-les toujours, fatisfaites vos yeux, je ne veux rien qui vous bleffe; & pourvu que vous vous doniez la peine d'entrer dans le fens de mes paroles, vous pouvez faire tout ce qu'il vous plaira des fignes qui fervent à l'exprimer.

Vous me direz peut-être que je me fuis écarté de l'ufage préfent: mais je vous fuplie d'observer, 1. Que je

n'ai aucune manière d'écrire qui me foit particulière, & qui ne foit autorisée par l'exemple de plufieurs auteurs de réputation.

2. Le P. Bufier prétend même que le grand nombre des Auteurs fuit aujourd'hui la nouvèle orthographe, c'est-àdire qu'on ne fuit plus exactement l'anciene. J'ai trouvé la nouvèle orthographe, dit-il, (Gramm. Franç. pag. 388.) dans plus des deux tiers des Livres qui s'impriment depuis dix ans. Le P. Bufier nome les Auteurs de ces livres. Le P. Sanadon ajoute que depuis la fuputation du P. Bufier le nombre des partifans de la nouvèle orthographe s'eft beaucoup augmenté s'augmente encore tous les jours. (Poësies d'Horace. Préface, page xvII.) Ainfi, mon cher Lecteur, je conviens que je m'éloigne de votre ufage; mais selon le P. Bufier & le P. Sănádon, je me conforme à l'ufage le plus fuivi.

3. Etes-vous partifan de la nouvèle orthographe ? Vous trouverez ici à réformer.

Le parti de l'anciène orthographe & celui de la nouvèle fe fubdivifent en bien des branches: de quelque côté que vous foyez, retranchez ou ajoutez toutes les lettres qu'il vous plaira, & ne me condânez qu'après que vous aurez vu mes raifons dans mon Traité de l'Orthographe.

DES

DES TROPES

OU

DES DIFERENS SENS

Dans lefquels on peut prendre un même mot dans une même langue.

PREMIERE PARTIE.
Des Tropes en général.

ARTICLE PREMIER.
Idées générales des Figures.

VANT que de parler des Tropes en particulier, je dois dire un mot des figures en général; puifque les Tropes ne font qu'une espèce de figures. On dit comunément que les figures font des manières de parler éloignées de celles qui

A

font naturèles & ordinaires : que ce font de certains tours & de certaines façons de s'exprimer, qui s'éloignent en quelque chofe de la ma nière comune & fimple de parler: ce qui ne veut dire autre chofe, finon que les Figures font des manières de parler éloignées de celles qui ne font pas figurées, & qu'en un mot les Figures font des Figures, & ne font pas ce qui n'eft pas Figures.

D'ailleurs, bien loin que les Figures foient des manières de parfer éloignées de celles qui font naturèles & ordinaires, il n'y a rien de fi naturel, de fi ordinaire, & de fi comun que les Figures dans le langaElog. de la ge des homes. M. de Bretteville après avoir Chaire & dit que les Figures ne font autre chose que de reau. L. III. certains tours d'expression & de pensée dont on ne fe fert point comunément, ajoute « qu'il n'y » a rien de fi aifé & de fi naturel. J'ai pris » fouvent plaifir, dit-il, à entendre des

du Bar

ch. 1.

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payfans s'entretenir avec des Figures de » difcours fi variées, fi vives, fi éloignées » du vulgaire, que j'avois honte d'avoir fi long-tems étudié l'éloquence, voyanten » eux une certaine Rhétorique de nature beaucoup plus perfuafive, & plus élo» quente que toutes nos Rhétoriques ar"tificièles. "

"

En éfet, je fuis perfuadé qu'il fe fait plus de Figures un jour de marché à la Halle, qu'il ne s'en fait en plufieurs jours d'affemblées académiques. Ainfi; bien loin que les Figures s'éloignent dù !angage ordinaire des homes; ce feroient au contraire les façons de parler fans Figures qui s'en éloigneroient, s'il étoit poffible de faire un difcours où il n'y eût que des expreffions non figurées. Ce font encore les façons de parler recherchées, les Figu res déplacées, & tirées de loin, qui s'écărtent de la manière comune & fimple de parler; come les parures afectées s'éloignent de la manière de s'habiller, qui est en ufage parmi les honêtes gens.

Les Apôtres étoient perfécutés, & ils foufroient patienment les perfécutions. Qu'y a-t-il de plus naturel & de moins éloigné du langage ordinaire, que la peinture que fait S. Paul de cette fituation & de cette conduite des Apôtres ? *» On nous maudit, & nous beniffons: on nous perfécute, & nous foufrons la perfécu. » tion: on prononce des blafphèmes con

Maledicimur, & benedicimus: perfecutionem párimur, & fuftinémus: blafphemámur, & obfecrámus. 1. Cor. c. 4. v. 12:

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