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et qui lui veulent souvent faire un crime affreux d'une élégance poétique. Il est bien aise aussi de faire savoir dans cette édition que le nom de Scutari[a], l'heureux Scutari, ne veut dire que Scutari; bien que quelques uns Paient voulu attribuer à un des plus fameux poëtes de notre siècle, dont lauteur estime le mérite et honore la vertu.

J'ai charge encore d'avertir ceux qui voudront faire des satires contre les satires, de ne se point cacher. Je leur réponds que l'auteur ne les citera point devant d'autre tribunal que celui des muses: parceque, si ce sont des injures grossières, les beurrières lui en feront raison; et si c'est une raillerie délicate, il n'est pas assez ignorant dans les lois pour ne pas savoir qu'il doit porter la peine du talion. Qu'ils écrivent donc librement: comme ils contribueront sans doute à rendre l'auteur plus illustre, ils feront le profit du libraire; et cela me regarde. Quelque intérêt pourtant que j'y trouve, je leur conseille d'attendre quelque temps, et de laisser mûrir leur mauvaise humeur. On ne fait rien qui vaille dans la colère. Vous avez beau vomir des injures sales et odieuses: cela marque la bassesse de votre ame, sans rabaisser la gloire de

[a] Cet éloge ironique de Scudéri, qui termine l'alinéa, n'existe que dans l'édition de 1667. On ne le retrouve plus dans celle de 1668, et nul éditeur jusqu'à ce jour ne paroît en avoir eu connoissance.

celui que vous attaquez; et le lecteur qui est de sang froid [a] n'épouse point les sottes passions d'un rimeur emporté. Il y auroit aussi plusieurs choses à dire touchant le reproche qu'on fait à l'auteur d'avoir pris ses pensées dans Juvenal [6] et dans Horace [c]; mais, tout bien considéré, il trouve l'objection si honorable pour lui, qu'il croiroit se faire tort d'y répondre.

[a] Dans les éditions données par Despréaux on trouve, « et le lecteur qui est de sens froid. »

[b] Voyez à l'égard de ce poëte le Discours sur la satire.

[c] Horace, né à Vénuse vers l'an 66 avant l'ère vulgaire, mort à l'âge de cinquante-sept ans. Badin, raisonnable, tendre, sublime, il chante tour-à-tour les plaisirs, la sagesse, les passions, la gloire; et, toujours judicieux, il conforme son ton aux lois du goût, qu'il étoit si digne de proclamer.

PRÉFACE

De l'édition de 1674, in-4°.

AU LECTEUR.

J'avois médité une assez longue préface, où, suivant la coutume reçue parmi les écrivains de ce temps, j'espérois rendre un compte fort exact de mes ouvrages, et justifier les libertés que j'y ai prises; mais depuis j'ai fait réflexion que ces sortes d'avant-propos ne servoient ordinairement qu'à mettre en jour la vanité de l'auteur, et, au lieu d'excuser ses fautes, fournissoient souvent de nouvelles armes contre lui. D'ailleurs je ne crois point mes ouvrages assez bons pour mériter des éloges, ni assez criminels pour avoir besoin d'apologie. Je ne me louerai donc ici, ni ne me justifierai de rien. Le lecteur saura seulement que je lui donne une édition de mes satires plus correcte que les précédentes, deux épîtres nouvelles [a], l'Art poétique

[a] Ges deux épîtres sont la seconde et la troisième: Despréaux avoit, dans ses œuvres, en 1672, publié la première et la quatrième. Il est à présumer que la première parut séparément en 1669; la quatrième fut d'abord imprimée ainsi en 1672.

en vers, et quatre chants du Lutrin [a]. J'y ai ajouté aussi la traduction du Traité que le rhéteur Longin a composé du sublime ou du merveilleux dans le discours. J'ai fait originairement cette traduction pour m'instruire, plutôt que dans le dessein de la donner au public; mais j'ai cru qu'on ne seroit pas fâché de la voir ici à la suite de la Poétique, avec laquelle ce traité a quelque rapport, et où j'ai même inséré plusieurs préceptes qui en sont tirés. J'avois dessein d'y joindre aussi quelques dialogues en prose que j'ai composés; mais des considérations particulières m'en ont empêché. J'espère en donner quelque jour un volume à part [6]. Voilà tout ce que j'ai à dire au lecteur. Encore ne sais-je si je ne lui en ai point déja trop dit, et si, en ce peu de paroles, je ne suis point tombé dans le défaut que je voulois éviter.

[a] Les deux derniers chants de ce poëme parurent dans l'édition de 1683,

[b] On a seulement les deux dialogues insérés dans le troisième volume de cette édition, pages 40 et 101.

PRÉFACE

De l'édition de 1675, in-12 [a].

AU LECTEUR.

Je m'imagine que le public me fait la justice de croire que je n'aurois pas beaucoup de peine à répondre aux livres qu'on a publiés contre moi; mais j'ai naturellement une espèce d'aversion pour ces longues apologies qui se font en faveur de bagatelles aussi bagatelles que sont mes ouvrages. Et d'ailleurs ayant attaqué, comme j'ai fait, de gaieté de cœur, plusieurs écrivains célèbres, je serois bien injuste, si je trouvois mauvais qu'on m'attaquât à mon tour. Ajoutez que si les objections qu'on me fait sont bonnes, il est raisonnable qu'elles passent pour telles; et si elles sont mauvaises, il se trouvera assez de lecteurs sensés pour redresser les pe

[a] Presque tous les éditeurs prétendent, sur la foi de Saint-Mare, que Brossette a commis une méprise, en disant que cette préface appartenoit à une édition de 1675, qu'ils paroissent ne pas connoître. Ils se trompent euxmêmes : cette dernière édition, dont nous avons parlé dans notre notice bibliographique, est effectivement précédée de la préface ci-dessus.

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