Et, foulant le parfum [a] de ses plantes fleuries, Mais moi, grace au destin, qui n'ai ni feu ni lieu (1), * de saupiquet ou de farce. Quoi qu'il en soit, cette diversité d'opinions sur le mot de Cocagne sert du moins à faire voir que l'on n'en sait pas la véritable origine. Ménage n'en a rien dit. (Brossette.) Voici ce qu'on lit à la suite de cette note, dans les œuvres de Boileau, Paris, Th. Desoer, 1821, tome I, page 254: « Un fa« bliau du douzième siècle, recueilli par Le Grand d'Aussy, inti« tulé De Cocagne, fait la description de ce pays imaginaire, et le <«< montre tel qu'il est décrit ci-dessus. Il est certain, d'après cela, << que l'origine de ce nom remonte plus haut que ne le présument « les étymologistes précités. » [a] Fouler le parfum des plantes. Cette expression, d'une élégance neuve et hardie, n'a rien que de naturel et de vrai; elle annonce l'écrivain déja consommé dans les secrets de son art. (1) Quand l'auteur composa cette satire, il étoit logé dans la cour du Palais, chez son frère aîné, Jérôme Boileau. Sa chambre étoit au-dessus du grenier, dans une espèce de guérite, au cinquième étage. Gilles Boileau, leur frère, logeoit aussi dans la même maison, et quand il en sortit on donna sa chambre à notre auteur. Cette chambre étoit pratiquée à côté d'un grenier au quatrième étage; et M. Despréaux, s'applaudissant de son logement, disoit plaisamment : « Je suis descendu au grenier. " Au reste, l'auteur vouloit mettre au nombre des incommodités de Paris la grande affluence de peuple, qui fait que l'on y est toujours extrêmement serré, et il auroit terminé sa description par ce vers: Cherchons une autre ville où nous puissions tenir; ou bien : Et cherchons une ville où l'on puisse tenir. Mais il ne voulut pas employer ce vers à cause de l'équivoque qui s'y rencontre, tenir dans une ville signifiant aussi se défendre contre les ennemis qui l'assiègent. ( Brossette. ) Je me loge où je puis, et comme il plaît à Dieu [a]. [a] Les critiques que l'on a faites de cette pièce portent sur le peu d'importance du sujet. Vingt-cinq ans après les remarques de M. de Muralt, Voltaire disoit au roi de Prusse : Que m'importe en effet...... Que Boileau, répandant plus de sel que de grace, Qu'il peigne de Paris les tristes embarras, Ou décrive en beaux vers un fort mauvais repas? Il faut d'autres objets à votre intelligence.. De l'esprit qui vous meut vous recherchez l'essence, etc. (La Loi naturelle, poëme, exorde, 1751.) Nous répondons ailleurs à ce qui regarde Quinault et le Tasse. Quant aux sujets traités dans les troisième et sixième satires, il est certain qu'ils tirent leur intérêt du mérite de l'exécution; mais ce mérite, porté à un degré supérieur dans les arts d'imitation, n'est-il pas d'un grand prix à toutes les époques? ne l'étoit-il pas sur-tout en 1660? La sixième satire de Despréaux est celle contre laquelle Marmontel s'élève particulièrement. Il « s'amuse, dit-il, à peindre les « rues de Paris! c'étoit l'intérieur, et l'intérieur moral, qu'il falloit peindre; la dureté des pères qui immolent leurs enfants à des « vues d'ambition, de fortune, et de vanité; l'avidité des enfants, impatients de succéder et de se réjouir sur le tombeau des pères; « leur mépris dénaturé pour des parents qui ont eu la folie de les " placer au-dessus d'eux; la fureur universelle de sortir de son état « où l'on seroit heureux, pour aller être ridicule et malheureux « dans une classe plus élevée; la dissipation d'une mère, que sa « fille importuneroit, et qui, n'ayant que de mauvais exemples à lui « donner, fait encore bien de l'éloigner d'elle, en attendant que, rappelée dans le monde pour y prendre un mari qu'elle ne connoît « pas, elle y vienne imiter sa mère qu'elle ne va que trop connoître ; « l'insolence d'un jeune homme enrichi par les rapines de son père, << et qui l'en punit en dissipant son bien, et en rougissant de son « nom; l'émulation de deux époux à qui renchérira, par ses folles " « sur les dépenses et par sa conduite insensée, sur les travers, égarements, sur les vices honteux de l'autre; en un mot, la corruption, la dépravation des mœurs de tous les états où l'oisiveté règne, où le désœuvrement, l'ennui, l'inquiétude, le dégoût de « soi-même et de tous ses devoirs, la soif ardente des plaisirs, « le besoin d'être remué par des jouissances nouvelles, les fan<< taisies, le jeu vorace, le luxe ruineux causent de si tristes ra«vages, sans compter tous les sanctuaires fermés aux yeux de la satire, et où le vice repose en paix. Voilà ce que l'intérieur de « Paris présente au poëte satirique; et ce tableau, à peu de chose « près, étoit le même du temps de Boileau. » (Éléments de littérature, article satire. ) " Marmontel oublie que le satirique, dès son premier essai, s'efforce d'atteindre au but qu'il lui reproche de perdre de vue. S'il a détaché de sa première pièce la description des embarras de Paris, c'est par un motif de goût, comme nous l'avons fait voir [a]. Il n'y a pas plus de justice à prétendre que Despréaux attaque seulement des auteurs. C'est oublier encore que la quatrième satire est l'esquisse de nos folies, que la cinquième est une sortie au moins courageuse contre les abus de la noblesse, que la huitième est le tableau de nos vices, que la dixième est une galerie où les travers et les égarements du sexe sont exposés à la censure, que dans la onzième on apprend à discerner le faux honneur du véritable, qu'enfin la dernière a pour objet les méprises de l'esprit humain, et leurs funestes résultats. Voyez la satire première, page 95, note b. [a] Voyez la page 156 de ce volume, note a. SATIRE VII[a]. Muse, changeons de style, et quittons la satire; Un éloge ennuyeux, un froid panégyrique, [a] Cette satire fut composée immédiatement après la première et la sixième, à la fin de l'année 1663, suivant Brossette. Le poëte s'entretient avec sa muse, pour savoir s'il doit persister dans le genre satirique, dont il envisage les dangers; son génie l'entraînant, il obéit à sa vocation. Horace délibère sur le même sujet avec son ami Trébatius, liv. II, sat. Ire. (1) Trait d'autant plus heureux qu'il jaillit de la plume même d'un satirique. (Le Brun. ) [b] Ecce nocet vati musa jocosa suo. (Martial, liv. II, épig. XXII.) De ses propres rieurs se fait des ennemis [a]. Et cherchons un héros, parmi cet univers, Je ne puis pour louer rencontrer une rime [d]; [a] Au lieu de ces vers qui peignent le cœur humain, on lit ceuxei dans le recueil de P. Du Marteau : Mais un auteur plaisant qui court par tout le monde, Qui contrôle les mœurs, qui nous mord et nous gronde, Dans sa critique ardeur qui se croit tout permis, Des lecteurs en tous lieux se fait des ennemis. Cette leçon ne mériteroit pas d'être recueillie, si elle n'attestoit le soin avec lequel l'auteur se corrigeoit. [b] Quùm sibi quisque timet, quanquam est intactus, et odit. (Horace, liv. II, sat. I, vers 23.) [c] Saint-Marc et Le Brun trouvent que cette expression est triviale. On ne pourroit pas l'employer sérieusement; mais un ton de plaisanterie l'admet et la fait très bien passer. (1) Digne se rapporte à héros, et se construit nécessairement avec univers. C'est ce que l'on appelle une construction louche. ( Essais philologiques, tome V, page 390.) * Cette phrase ne présente aucune obscurité. Les observations de Saint-Marc ne sont pas en général plus fondées que celle-là. [d] Trébatius dit également à Horace: Si tantus amor scribendi te rapit, aude Cæsaris invicti res dicere... |