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on découvritoit sûrement dans toutes la même propriété, toujours relative au plus ou au moins de principes favonneux qu'elles con

tiennent.

Enfin, je place ici les creffons, les plantes à fleurs en croix, à grande ou à petite filiques. Parmi toutes les plantes qui compofent cette nombreufe famille; il n'en exifte peut-être pas une feule en Europe, qui ne foit anti-fcorbutique. Toutes font compofées de principes falins, volatils, âcres, unis à un alkali atténué par une huile. C'est pourquoi, fi on les emploie fraîches, elles réfolvent les humeurs épaiffies & ftagnantes, & guériffent le fcorbut. Elles augmentent le cours des urines, auffi les preferit-on dans les hydropifies; & comme puiffamment diurétiques, contre le fable & la pierre. Elles foulagent les paroxifmes goutteux, chaffent les vents, les fatuofités; enfin, elles diffipent les obstructions

des vifceres.

Je crois avoir rapporté affez d'exemples pour prouver combien le caractere botanique fert à nous faire connoître les vertus des plantes. Je ne voudrois cependant pas donner trop d'étendue à cette idée, de peur qu'on imaginât que la connoiffance de ces caracteres fuffit. Il y a certai nes bornes qu'on ne doit jamais franchir. Le figne caractéristique des plantes, indique en général leurs vertus; mais comme ces vertus font tantôt plus foibles & tantôt plus exaltées, fuivant la différence de leurs parties, on ne parviendra jamais que par l'expérience à avoir des idées précifes fur le degré de leur activité. Quoique toutes les plantes qui ornent la furface de notre globe, ne foient pas féparément chacune néceffaire à la Médecine, leur connoiffance fera toujours d'une trèsgrande utilité; le caractere botanique indiquera au moins, au premier coup d'œil, une plante malfaifante ou falutaire, & quel eft le principe de fes vertus.

DESCRIPTION D'UNE CONYZE, Dont la femence a été envoyée des Ifles de France & de Bourbon, au Jardin Royal des Plantes de Paris.

Nous déterminerons cette plante par cette phrase botanique : Conyza arborefcens caule multiplici foliis lanceolatis acute dentatis, floribus in tribus capitibus accumine congeftis ; & pour dénomination triviale; Conyza vifcofa. Voyez Pl. II.

FLEUR. Le calice A, divifé en cinq parties, compofé de dix folioles à peu près égales en grandeur, & de cinq beaucoup plus petites, toutes difpofées en maniere d'écailles B. C. D. E. repréfentent les autres caracteres indiqués par le Chevalier Von Linné.

FEUILLES, font placées alternativement fur les tiges, marquées d'une forte nervure dans leur longueur; elles font ovales, lancéclées, dentées en maniere de fcie, les dentelures aiguës tournées vers la pointe.

RACINES fibreufes.

PORT, des tiges très-nombreuses, menues, droites, s'élevent des racines à-peu-près à la hauteur d'un pied & demi; elles fe divifent en plufieurs rameaux; chaque tige fe partage à fon fommet en trois parties, dont une eft feule & féparée, & les deux autres fur le même fupport. Les fleurs de couleur dorée, naiffent au fommet de ces divifions, prefque difpofées en corymbe; chacune a fon pédicule particulier. Les tiges & les feuilles font gluantes & vifqueufes.

REGNE ANIM A L.

Obfervations fur l'Animal qui porte le mufc, & fur fes rapports avec les autres Animaux. (1)

le

L' 'ODEUR forte & pénétrante du mufc eft trop fenfible, pour que ce parfum n'ait pas été remarqué en même-tems que l'animal qui porte; auffi leur a-t-on donné à tous les deux le même nom de mufc. Cet animal fe trouve dans les Royaumes de Boutan & de Tunquin, à la Chine, & dans la Tartarie Chinoife, & même dans quelques partiesde la Tartarie Mofcovite. Je crois que de tems immémorial il a été recherché par les habitans de ces contrées, parce que fa chair eft trèsbonne à manger; & que fon parfum a toujours dû faire un objet de commerce. Mais on ne fait pas en quel tems le mufc a commencé à être connu en Europe, & même dans la partie Occidentale de l'Afic. Il ne paroît pas que les Grecs ni les Romains ayent eu connoiffance de ce parfum, puifqu'Ariftote ni Pline n'en ont fait aucune mention dans leurs écrits. Les Auteurs Arabes font les premiers qui en ayent parlé. Sérapion donna une defcription du porte-mufc dans le huitieme fiécle.

(1) Ces obfervations ont été lues le 14 Novembre 1772, à la Séance publique de la rentrée de l'Académie Royale des Sciences de Paris, par M. d'Aubenton, un de fes Membres, & Démonftrateur du Cabinet d'Hiftoire Naturelle. On y reconnoitra la touche de ce grand Naruralifte, & l'œil perçant de l'Obfervateur qui faifir avec force les points de réunion ou d'éloignement d'un individu à un autre.

Depuis ce tems déja fort éloigné, un grand nombre d'Auteurs ont décrit cet animal, on l'a comparé pendant plus de dix fiécles au chevreuil, au bouc, au cerf, au chamois, à la gazelle, au chevrotain, fans pouvoir déterminer fon genre & affigner fa vraie place parmi les autres quadrapédes..

Nous ferions encore dans la même incertitude, & il y a toute apparence que de long-tems on n'auroit pu éclaircir ce point intéreffant de l'Hiftoire Naturelle, fi M. le Duc de la Vrilliere n'avoit eu la bonté de nous faire voir le porte-mufc vivant. Jamais on n'en avoit amené en France. C'est un préfent qui méritoit par fa rareté d'être envoyé du fond de l'Afie, & d'être offert à un Miniftre qui favorife toutes les fciences, & l'Hiftoire Naturelle en particulier, autant par fa propre inclination que par fon zèle pour l'utilité publique.

J'ai vu au mois de Juillet le porte-mufc (1) dans un Parc de M. le Duc de la Vrilliere à Verfailles. L'odeur du mufc qui fe répandoit de tems en tems fuivant la direction du vent autour de l'enceinte où étoit le porte-mufc, auroit pu me fervir de guide pour trouver cet animal. Dès que je l'apperçus, je reconnus dans fa figure & dans fes attitudes beaucoup de reffemblance avec le chevreuil, la gazelle & le chevrotain. Aucun animal de ce genre n'a plus de légereté, de foupleffe & de vivacité dans les mouvemens que le porte-mufc. Il reffemble encore aux animaux ruminans, en ce qu'il a les pieds fourchus & qu'il manque de dents incifives à la mâchoire fupérieure. Mais on ne peut le comparer qu'au chevrotain pour les deux défenfes ou longues dents canines qui tiennent à la mâchoire du deffus & fortent d'un pouce & demi au dehors des lévres.

La fubftance de ces dents eft une forte d'yvoire comme celle des défenfes du babirouffa & de plufieurs autres espèces d'animaux, mais les défenfes du porte-mufc ont une forme très-particuliere; elles reffemblent à de petits couteaux courbes placés au deffous de la gueule, & dirigés obliquement du haut en bas, & de devant en arriere, leur bord poftérieur eft tranchant. Quelques Auteurs ont comparé ces dents aux défenfes du fanglier pour l'ufage que le porte-mufc en peut faire; leur fituation a fait aufli préfumer qu'elles fervent à couper des racines, qui font de la groffeur du doigt, & qui font la principale nourriture du porte-mufc, mais je crois qu'il s'en fert à différens ufages, fuivant les circonstances où il fe trouve, foit pour couper des racines, foit pour fe foutenir dans des endroits où il ne peut pas trouver d'autres points d'appui, foit enfin pour fe défendre ou pour attaquer. Plus on

(1) Planc. III, Fig I, le porte-mufc vu de côté. Fig. II, le porte-mufc vu ca face.

obferve

obferve les mœurs des animaux, plus an les voit employer dans le befoin, toutes les parties de leur corps qui peuvent leur fervit.

Le porte-mufc n'a point de cornes; les oreilles font longues, droites & mobiles; les deux dents blanches qui fortent de la gueule & les renflemens qu'elles forment à la lévre fupérieure, donnent à la Phyfionomie du porte-mufc, vu de face (fig. 2.) un air fingulier qui pourroit le faire diftinguer de tout autre animal à l'exception du chevrotain.

Les couleurs du poil font peu apparentes; au lieu de couleurs décidées, il n'y a que des teintes de brun, de fauve & de blancheâtre, qui femblent changer lorfqu'on regarde l'animal fous différens points de vue, parce que les poils ne font colorés en bi un ou en fauve qu'à leur extrémité; le refte eft blanc, & paroît plus ou moins à différens afpects. La teinte blancheâtre domine fur les poils les plus longs, parce qu'ils s'écartent davantage les uns des autres & par conféquent laiffent paroître plus de blanc. Cette apparence de changement dans les couleurs du poil n'eft pas particuliere au porte-mufc, on la voit fur tous les animaux qui ont différentes couleurs fur un même poil; il y a du blanc & du noir fur les oreilles du porte-mufc, & une étoile blanche au milieu du front.

Cette étoile me paroîr être une forte de livrée qui difparoîtra lorsque l'animal fera plus âgé; car je ne l'ai pas vue fur deux peaux de portemufc qui m'ont été adreffées pour le cabinet d'Hiftoire Naturelle du jardin du Roi, par M. le Monier, Médecin du Roi, de la part de Madame la Comteffe de Marfan. Ces deux peaux ont été envoyées des Indes par M. l'Abbé Gallois, qui a déja rapporté plufieurs fois en ce pays-ci des chofes curieufes & utiles de la Chine & d'autres contrées. de l'Orient; les deux peaux dont il s'agit m'ont paru venir d'animaux adultes, l'un mâle & l'autre femelle. Les teintes des couleurs du poil font plus foncées que fur le porte-mufc vivant que je viens de décrire: il y a de plus, fur la face inférieure du cou deux bandes blancheâtres larges d'environ un pouce, qui s'étendent irrégulierement le long du cou, & qui forment une forte d'ovale allongé en fe rejoignant en avant fur la gorge & en arriere entre les jambes de devant.

y

Le poil a près de trois pouces & demi fur quelques parties du corps. On l'a comparé à des tuyaux de plumes, parce qu'il eft en partie creux mais il étoit inutile de prendre un objet de comparaifon fi éloigné; ce poil ne me paroît pas différent de celui de plufieurs animaux ruminants.

Le mufc eft renfermé dans une poche placée fous le ventre à l'endroit du nombril. Je n'ai vû fur le porte-mufc vivant que de petites éminences fur le milieu de fon ventre; je n'ai pû les obferver de près, parce que l'animal ne fe laiffe pas approcher, & qu'on ne pourroit pas. le failir fans rifquer de le bleffer. La poche du mufc tient à l'une des peaux envoyées par M. l'Abbé Gallois, mais cette poche eft defféchée, Tome I, Part. I.

I

il m'a paru que fi elle étoit dans l'état naturel, elle auroit au moins un pouce & demi de diamètre. Il y a dans le milieu un orifice trèsfenfible dont j'ai tiré de la fubftance de mufc très-odorante & de couleur rouffe. La poche eft revêtue de poils blancheâtres três-légerement teints de fauve, fur tout à la poitrine. M. Gmelin ayant obfervé fa fituation fur deux mâles, rapporte dans le quatrieme Volume des Mémoires de l'Académie Impériale de Pétersbourg, que cette poche étoit placée au devant & un peu à droite du prépuce. Le porte-mufc différe de tout autre animal par la poche qu'il a fous le ventre & qui renferme le mufc. Cependant quoique ce caractère foit unique par fa fituation, il me paroît peu important pour l'anatomie comparée; il ne contribue nullement à déterminer la place du porte-mufc parmi les quadrupedes, parce qu'il y a des fubftances odoriférantes qui viennent d'animaux très-différents du porte-mufc. Je pourrois citer beaucoup de ces animaux, car j'en ai décrit un grand nombre qui ont des poches où il fe fait une fecrétion de fubftance odoriférante, folide ou liquide, dans différentes parties du corps, comme le dos du pécari, le prépuce du caftor, le deffous de l'anus de la civette, dont l'odeur a tant de rapport à celle du mufc, qu'on a donné à ce parfum le nom de musc d'Afrique. Cependant il y a autant de différence entre la civette & le porte-mufc, qu'entre un chat & un chevreuil.

Les caractères extérieurs du porte-mufc qui indiquent fes rapports avec les autres quadrupédes, font les pieds fourchus, les deux longues dents canines, & les huit dents incifives de la mâchoire du deffus, fans qu'il y en ait dans celle du deffous. Par ces caractères, le porte-mufc reffemble plus au chevrotain qu'à aucun autre animal. Il en différe en ce qu'il eft beaucoup plus grand, car il y a plus d'un pied & demi de hauteur, prife depuis le bas des pieds du devant, jufqu'au deffus des épaules; tandis que le chevrotain n'a guère plus d'un demi pied. Les dents molaires du porte-mufc font au nombre de fix de chaque côté de chacune des mâchoires; le chevrotain n'en a que quatre, il y a auffi de grandes différences entre ces deux animaux pour la forme des dents molaires & des couleurs du poil. La poche du mufc fait un caractère qui n'appartient qu'au porte-mufc mâle. La femelle n'a ni poche de mufc, ni dents canines fuivant les obfervations de M. Gmelin que j'ai cité.

Le porte-mufc que j'ai vu vivant, paroît n'avoir point de queue. M. Gmelin a trouvé fur trois individus de cette efpèce, au lieu de queue, un petit prolongement charnu, long d'environ un pouce. La plupart des Auteurs qui ont décrit cet animal & qui en ont donné la figure, ne font aucune mention de cette partie; mais d'autres ont fait repréfenter le porte-mafc avec une queue bien apparente, quoique fort courte. Grew dit qu'elle a deux pouces de longueur, mais il n'a pas obfervé fi cette partie renfermoit des vertebres.

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