Page images
PDF
EPUB

par

Lorfqu'on fait cette opération fur de l'eau qu'on dépouille de fon air, foit avec la machine pneumatique, foit l'ébullition, foit par la diftillation, ou qu'on fe fert d'eau de pluie, on diminue toujours le volume de l'air en l'agitant fortement. C'eft la meilleure maniere de faire cette expérience.

Lorfqu'on fe fert d'eau de puits nouvellement tirée, l'air augmente toujours en agitant cette eau, parce que celui qu'elle contient, fe détache & fe mêle avec celui qui eft dans la cruche. Dans le cas préfent, l'air n'a jamais manqué de fe rétablir; mais il y a lieu de croire que cela eft venu de l'addition de quelque ingrédient plus falutaire. Comme ces agitations ont été faites dans des jarres, dont l'ouverture étoit fort grande, ou dans une auge dont la large furface étoit exposée à l'air ordinaire, je fuis perfuadé que l'eau abforbe les émanations nuifibles, de telle nature qu'elles puiffent être, & les tranfmet à l'athmofphere. Je m'en fuis quel quefois apperçu à la mauvaise odeur que j'ai fentie pendant l'opération. J'appris, après avoir fait ces expériences, qu'un Phyficien ingénieux avoit gardé une poule vivante pendant vingt-quatre heures dans une quantité d'air, où une autre poule de la même groffeur n'en avoit vécu qu'une, en faisant paffer l'air qu'elle refpiroit à travers une quantité d'eau acidulée, dont la furface n'étoit point expofée à l'air commun. Il obferva même que lorfque l'eau n'étoit point acidulée, elle vivoit plus longtems qu'elle ne l'auroit fait, fi l'air qu'elle refpiroit n'eut point paffé à travers l'eau. Comme je n'étois pas affuré que cette expérience réuffit aufli parfaitement, d'après les obfervations que j'avois faites, je pris une quantité d'air dans lequel une fouris étoit morte, & je l'agitai fortement d'abord dans environ cinq fois la quantité d'eau diftillée, de même que j'avois imprégné l'eau avec l'air fixe; mais quoique j'euffe continué longtems l'opération, je n'apperçus aucune altération fenfible dans les propriétés de l'air. Je répétai la même opération avec de l'eau de puits, mais avec auffi peu de fuccès. Il est vrai de fuccès. Il eft vrai que dans ce cas-ci, j'agitai l'air dans une phiole, dont le col étoit étroit, mais la furface de l'eau du baffin étoit fort grande, & par conféquent expofée à l'air commun; ce qui contribuoit un peu à faciliter l'expérience. Pour mieux juger de l'effet que produifent ces différentes manieres d'agiter l'air, je mis l'air infecté que je n'avois pu corriger par la premiere méthode, dans une jarre de verre ouverte, pofée dans une auge remplie d'eau, & après l'avoir agité, jufqu'à ce qu'il fut diminué d'environ un tiers, je le trouvai meilleur que l'air dans lequel j'avois fait brûler des chandelles, comme cela parut par l'effai que j'en fis avec l'air nitreux. Une fouris vécut un quart-d'heure dans deux onces un quart de cet air, & ne s'en reffentit aucunement dans les dix ou douze premieres minutes.

Pour m'affurer fi l'acide qu'on ajoutoit à l'eau ne le rendoit pas plus propre à corriger l'air putride, j'en agitai une quantité dans une phiole

remplie de vinaigre extrêmement fort, & enfuite dans de l'eau forte affoiblie de moitié d'eau, mais l'air n'en devint pas meilleur, quoique je l'euffe agité tout le jour à différentes reprifes, & que je l'y euffe laiffé pendant toute une nuit.

Cependant comme l'eau doit néceffairement abforber une certaine portion des émanations nuifibles, avant qu'elles fe communiquent à l'air extérieur, je ne doute point que l'agitation de la mer & des grands lacs ne ferve à purifier l'athmofphere, & que la matiere putride que l'eau contient, ne foit abforbée par les plantes aquatiques, ou qu'elle ne fe dépofe de quelqu'autre maniere.

[ocr errors]

Ayant reconnu par les différentes expériences que j'ai rapportées cideffus, que les émanations putrides proprement dites, font différentes de l'air fixe, & m'étant apperçu par les expériences de M. Macbride que l'air fixe corrige la putréfaction, j'en ai conclu que cet effet provient, non point de ce qu'on empêche l'évaporation de l'air fixe, ou de ce qu'on rend à la fubftance putréfiante, la matiere qui s'en étoit détachée, & qui lioir toutes fes parties, felon l'hypothèse de cet Auteur ingénieux, mais de l'affinité qu'il y a entre l'air fixe & les émanations putrides. Il me vint donc dans l'idée, que l'air fixe & l'air corrompu, quoiqu'également nuifibles lorfqu'ils font féparés, pourroient former un mêlange falutaire, en fe corrigeant l'un l'autre. Je me fuis confirmé dans cette opinion par cinquante ou foixante épreuves, dans lefquelles l'air que la refpiration ou la putréfaction avoient altéré, s'eft tellement bonifié en le mêlant avec environ quatre fois autant d'air fixe, qu'une foutis y a vécu prefqu'auffi longtems que dans l'air ordinaire. J'avoue qu'il eft plus difficile de rétablir l'air putréfié par ce moyen; mais il eft très rare qu'il ne m'ait pas réufli, lorfque les deux efpeces d'air ont été longtems mêlées enfemble, c'eft-à dire environ quinze jours ou trois femaines.

Ce qui m'empêche de conclure que le rétabliffement de l'air, dans le cas dont il s'agit, eft l'effet de l'air fixe, c'eft que lorsque j'éprouvai ce mêlange, j'agitai quelquefois ces deux efpeces d'air enfemble dans une auge pleine d'eau, ou bien je les fis paffer plufieurs fois à travers l'eau d'une jarre dans l'autre, pour qu'elle put abforber l'air fixe qu'il y avoit de trop, ne foupçonnant point que l'agitation put produire un autre effet. Mais ayant remarqué depuis que l'agitation, lorfqu'elle eft violente & longtems continuée, fans aucun mêlange d'air fixe, n'a prefque jamais manqué de rendre propre à la refpiration (1), jufqu'à un certain

(1) Il m'eft arrivé une fois, qu'en furvuidant fimplement l'air d'un vaiffeau dans l'autre, à travers l'eau, plus long-temps que je n'avois fait pour mêler d'autres efpeces d'air, cette opération fi fimple fut cependant très-utile pour la purification dont je parle..

7

point, l'air infecté. J'ai commencé à douter que l'air fixe produific cer effet. J'ai encore obfervé dans quelques occafions, que le mêlange d'air fixe n'agiffoit pas auffi efficacement fur l'air putride, que j'avois lieu de l'attendre de mes obfervations.

J'ai toujours prévu qu'on pouvoit m'objecter que le réfidu de l'air fixe n'étant point extrêmement nuifible, une pareille addition doit néceffairement contribuer à corriger l'air putride. Pour obvier à cette objection, j'ai mêlé à plufieurs reprises autant d'air fixe que j'ai jugé qu'il en falloit pour rétablir une quantité d'air putride, avec une égale quantité de celui-ci, fans pouvoir le purifier.

En un mot, je fuis difpofé à croire que ce procédé n'auroit jamais auffi bien réuffi, & à tant de reprises différentes, fi l'air fixe n'avoit la propriété de corriger celui que la refpiration ou la putréfaction ont corrompu. Ce procédé s'accorde parfaitement avec les découvertes de M. Macbride; & il y avoit lieu de croire qu'il produiroit le même effet.

J'ai trouvé le fecret, au moyen de ce mêlange, de corriger le réfidu d'un air engendré par la putréfaction d'une fouris que j'avois plongée dans l'eau. On s'imagineroit, à priori, que cet air doit être infiniment plus nuifible qu'aucune efpece d'air que ce foit; car puifque l'air commun, lorfqu'il vient à fe corrompre, eft fi funefte, à plus forte raifon celui qui a été engendré par la putréfaction, doit-il l'être auffi; mais il ne paroît être autre chofe qu'un air commun corrompu, & par conféquent il peut fe purifier par la même méthode. Nous avons cependanc dans ce cas-ci, un exemple de la génération de l'air commun, mais mêlé avec quelque chofe qui lui eft étranger. Il peut fe faire que le résidu de l'air fixe foit un autre exemple de la même nature.

L'air fixe eft également répandu dans la maffe de l'air putride avec lequel il eft mêlé; & la preuve en eft, qu'en divifant le mêlange en deux portions égales, on les réduit au même volume, en les faifant paffer à travers l'eau. Il en eft de même de quelques autres efpeces d'air qui ne peuvent s'incorporer, tels que l'air inflammable, & l'air dans lequel on a fait brûler du foufre.

Puifque l'air fixe corrige celui qui a été vicié par la refpiration ou la putréfaction animale, il s'enfuit que les fours à chaux, qui rendent une grande quantité de cet air, font extrêmement falutaires aux villes dont Tathmosphere eft rempli d'émanations putrides. Je croirois même que les Médecins pourroient l'employer pour la guérifon de plufieurs maladies putrides, vû qu'on peut l'adminiftrer en forme de lavement à ceux dont le corps eft rempli de matieres putrides. On n'a rien à craindre de la diftenfion qu'il peut caufer dans les inteftins, parce qu'il eft à l'inftant abforbé par les fubftances humides qu'il rencontre. Puifque l'air fixe n'eft point nuifible par fa qualité, comme le feu, mais par fa quantité, je ne crois pas qu'on rifque beaucoup à le refpirer. On l'introduit alfément

dans

dans l'eftomac, au milieu de l'eau naturelle ou artificielle de Pyrmont, des liqueurs fufceptibles de fermentation, ou avec des végétaux. On pourroit encore faire enforte qu'il fût pompé par les vaiffeaux abforbans de la peau, en fufpendant le corps, à l'exception de la tête, fur un vaiffeau dans lequel une liqueur fermente, & qui feroit extrêmement falutaire dans quelques maladies putrides. Quand même le corps feroit nud, on n'auroit point à craindre qu'il fe refroidit dans cette fituation; & l'air produiroit d'autant plus d'effet, qu'il affecteroit la peau avec plus de facilité. Comme je ne fuis point Médecin, je ne propofe ces moyens extraordinaires qu'avec une extrême réserve.

Ayant communiqué mes obfervations fur l'air fixe, & furtout l'idée qui m'eft venue de l'employer en forme de lavement dans les maladies putrides, à M. Hey, un fameux Chirurgien de cette Ville, eut bientôt occafion d'en faire l'effai. Il en parla au Docteur Gird & au Docteur Crowther, qui foignoient le malade, ils approuverent fon projet, qui fut bientôt mis à exécution, en employant l'air fixe en forme de lavement, & en faisant boire au malade des liqueurs qui en étoient imprégnées. Le fuccès fut tel, que je priai M. Hey de détailler le traitement qu'il avoit employé, pour que le Public fçût que cette nouvelle application de l'air fixe, n'a rien de dangereux, & qu'elle produit l'effet que j'en attendois. Comme cette méthode eft nouvelle, & peut avoir une utilité fort étendue, on me permettra de rapporter à la fin de cet ouvrage la lettre que M. Hey m'a écrite fur ce fujet.

Tome I, Part. IV.

Tt

326

HISTOIRE NATURELLE.

MÉMOIRE

SUR LE THÉ;

Par M. FOUGEROUX DE BOND AROI, de l'Académie Royale des Sciences de Paris.

Le thé dont nous faifons une infufion, & que nous prenons en tifane, eft la feuille d'un arbriffeau commun en Chine & au Japon.

L'on fait en Europe une grande confommation de thé, puisqu'on eftime que ce commerce produit annuellement à la Chine vingt-un à vingt-deux millions. Les Anglois en confomment annuellement plus de trois millions de livres pefant; & l'on prétend qu'ils ont (en 1773) en magasin seize millions de livres pefant de thé (1). A ne confidérer cette plante que fous ce feul point de vue, c'est-à-dire du côté de l'usage que l'on en fait, elle mérite d'être particuliérement connue.

Quoique la plante du thé vienne en Chine & au Japon, cependant on n'importe en Europe en général que le thé de Chine les feuls Hollandois vont au Japon; & l'on fait qu'ils nous en apportent très-peu.

:

On avoit tenté de multiplier l'arbre de thé par des graines tirées de l'une ou de l'autre de ces deux Provinces; mais, faute de précautions fans doute, ces graines nous font toujours parvenues rances & hors d'état de lever. On ne peut pas penfer que les habitans de ces contrées, jaloux de cette poffeffion, ne laiffent fortir les femences de ces arbres qu'après les avoir fait fécher, & s'être affuré qu'elles ne germeront pas; puifqu'ayant effayé depuis quelques années de mettre dans le fable ces graines auffi-tôt qu'elles ont été recueillies, & les ayant fait germer pendant la traversée, cet expédient a très-bien réuffi. M. le Chevalier VonLinné, dont les connoiffances en Botanique rendront le nom immor

(1) On peut confulter les Gazettes de France, du 19 Janvier 1773 ; & celle d Utech, du premier Janvier..

« PreviousContinue »