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menes de l'ébullition. En effet, l'eau tiede ou froide, ou bien dans tout autre degré de chaleur au-deffous de celui de l'ébullition, en eft une preuve. Quoiqu'il y eût d'abord quelque différence entre l'eau environnante & l'eau environnée, elles fe mirent cependant peu après à la même température. Il eft vifible que le même effet doit avoir lieu pour tous les autres fluides. J'ai pris de l'eau tiede dont j'ai rempli un cylindre de verre; j'ai introduit celui-ci dans un grand vafe plein d'eau froide, & fort peu de temps après j'ai trouvé le même degré de chaleur, foit dans l'eau ambiante, foit dans l'eau environnée.

Cette expérience a été diverfifiée en tout fens; de maniere que le fluide environnant & environné, avoient au commencement, des degrés différens de chaleur; mais dans peu de temps, l'un & l'autre fe trouvoient à la même température.

Lorfque les fluides avoient différens degrés de chaleur, il en réfultoit un degré mixte, ou qui tenoit le milieu entre celui de l'un ou de l'autre, ou qui devenoit commun à tous les deux par conféquent, l'inégalité de la communication de la chaleur du fluide contenant à celle du Auide contenu, paroît n'appartenir à ces fluides, que dans le temps de leur ébullition, & faire une exception à la regle générale. De plus, tous les autres corps qu'on laiffe expofés pendant un temps fuffifant à l'air, ou plongés dans un autre fluide, acquierent parfairement le même degré de chaleur, parce que les parties ignées en mouvement, font abondantes dans le corps plus chaud, que dans l'autre; elles paffent de celui-là dans celui-ci, jufqu'à ce qu'elles aient acquis un équilibre parfait. Il fuit de-là qu'on peut regarder les degrés de chaleur indiqués par un bon thermometre, comme femblables à ceux de l'air ambiant, ou du fluide dans lequel il eft plongé : cependant il faut donner le temps néceffaire , pour que la communication de la chaleur du fluide ambiant & du fluide environné puiffe avoir lieu, quand même le fluide environné feroit naturellement plus froid, & qu'il faudroit que ce froid diminuât.

On demandera avec raifon quelle eft la caufe de cette exception : pourquoi l'équilibre & l'égalité de la célérité ne peuvent & ne doivent

ils

pas s'établir lors de l'ébullition. Je penfe que la différence de la chaleur du fluide environné par un fluide bouillant, d'avec celle de ce dernier, vient de ce que le fluide bouillant eft contenu dans un vaiffeau placé immédiatement fur les charbons; ce qui peut & doit même donner plus d'agitation, plus de développement à la matiere ignée. J'ai en effet remarqué une petite différence dans le thermometre plongé dans l'eau bouillante, lorsqu'il touchoit le fond du vafe, & quand il ne le touchoit pas. Plus la partie de la furface inférieure, touchée par le thermometre, eft grande, plus auffi le degré de chaleur est considérable : fait qui peut être confirmé par plufieurs expériences nouvelles.

J'ai indiqué le motif qui m'a engagé à faire ces expériences defquelles

j'ai cru pouvoir me regarder comme l'inventeur, & le premier qui ait obfervé ces phénomenes. Je ne connoiffois aucun Phyficien qui en eût Fait mention, lorfque j'ai découvert, par hafard, que Olaus Borrichius avoit parlé d'un de ces phénomenes; c'est-à-dire, de celui de l'eau non bouillante, environnée d'eau bouillante. Cet Auteur a fait inférer dans les Mémoires de l'Académie de Copenhague, une Differtation intitulée : Aqua in medio aqua bullientis non ebulliens. J'étois fort curieux de lire cette differtation, pour juger en , pour juger en quoi je fuis d'accord ou je differe avec ce Savant. Mes recherches ont été vaines, & je n'ai pu trouver cer ouni dans les Bibliotheques publiques, ni chez les Particuliers (1). Dans la derniere édition de la Chymie de Neuman, il eft légèrement fait mention de ces phénomenes. C'eft ainfi que plufieurs découvertes anciennes font perdues pour le Public, & qu'on les préfente enfuite comme nouvelles.

vrage,

On accorde ordinairement la gloire de l'invention à celui qui, le premier a publié une découverte, quoiqu'à bon droit tout autre puiffe la difputer & avoir réellement découvert la même chofe; & en même temps, je ne veux cependant pas ravir aux Phyficiens que je viens de citer, l'honneur dû à leur découverte. Je me contente de dire que mon Mémoire renferme des détails & des expériences qui m'appartiennent réellement, & que mon travail n'eft pas abfolument inutile.

(1) Le cas où s'eft trouvé M. Braun & tant d'autres, avant ou après lui, démontre jufqu'à l'évidence la néceffité d'un dépôt général pour les découvertes. Nous l'offrons aux Savans. Cer Ouvrage déjà répandu dans les plus grandes villes de l'Europe, conftatera leurs travaux. Si, par des raifons particulieres, ils ne veulent pas nous communiquer leurs differtations, nous leur demandons au moins le fimple expofé du fait, le résultat clair & précis de leurs expériences. On leur répond de la fidélité de la traduction en quelque Langue qu'ils écrivent : cependant où les pric, fi, pour eux la chofe eft facile, d'écrire en Latin ou en François.

RÉFLEXIONS

DE M. BEAUMÉ,

Apothicaire de Paris, & Démonftrateur en Chymie, fur l'attraction & la répulfion qui fe manifeftent dans la cryftallifation des fels. L'Attraction, ou cet effet d'une puiffance par laquelle toutes les parties, foit d'un même corps, foit de corps différent, tendent les unes vers les autres, n'eft plus contestée aujourd'hui, Newton a démontré les loix & les phénomenes de l'attraction. Ce Philosophe a cru auffi recon

noître

zoître dans les corps naturels une faculté par laquelle ils fe repouffent les uns vers les autres. Newton, après avoir établi la force attractive de la matiere fur les obfervations & l'expérience, en conclud que, comme en Algèbre, les grandeurs négatives commencent où les pofitives ceffent; de même dans la Phyfique, la force répulfive doit commencer où la force attractive ceffe. Que ce principe foit vrai ou non, comme Newton n'a pu démontrer la répulfion avec la même évidence que l'attraction, plufieurs Phyficiens ont penfé qu'ils devoient la rejetter. Cependant, on trouve beaucoup d'exemples de répulfion dans les corps. Si l'on jette les yeux fur les phénomènes de la crystallisation des fels, on verra que la répulfion y joue, ainfi que l'attraction, un très-grand rôle. M. Beaumé à conftaté, par plufieurs expériences, qu'à la faveur de ces deux propriétés, on peut forcer un fel à fe cryftallifer à volonté dans un des côtés du vafe. Alors, il ne fe forme point de cryftaux dans les autres côtés de ce même vafe. Si on y en trouve de formés, ceci n'a dû s'opérer qu'à la faveur de quelques circonstances difficiles à prévoir, & qui dérangent un peu le fuccès de l'expérience. Nous allons rapporter celle que M. Beaumé a faite. Ce Chymiste a mis dans une cucurbite de verre, une diffolution de fel de glauber au point de cryftallifation, & il a placé à un des côtés du vaiffeau une bouteille remplie du même fel de glauber. Il a remarqué que, quand rien d'étranger ne s'oppofe aux effets qui arrivent, le fel de glauber de la bouteille, agit même au travers du verre, fur celui qui eft en diffolution; il l'attire & l'oblige de fe cryftallifer de fon côté. Cette attraction eft fi bien marquée, qu'il ne fe forme que peu ou point de cryftaux dans les côtés oppofés. Si au contraire on place, au licu d'une bouteille de fel de glauber, une bouteille de fel de tartre, à un des côtés de la cucurbite, il y a pour lors répulfion; c'est-à-dire, que les cryftaux de fel de glauber, qui fe forment dans la cucurbite par le refroidiffement de la liqueur, ne fe raffemblent plus du côté de la bouteille ; ils fe réuuiffent au contraire dans la partie oppofée. M. Beaumé a fait les mêmes obfervations fur plufieurs autres fels; mais il n'a pu encore, faute de tems, raffembler un nombre fuffifant d'expériences pour conftater tous les phénomènes fur lefquels cette découverte peut nous éclairer, & pour connoître quels font les fels qui ont la propriété de s'attirer, & quels font ceux qui ont celle de fe repouffer. Il y auroit fans doute une belle fuite d'expériences à faire fur cette matiere. Ces expériences nous conduiroient néceffairement à quelques découvertes intéreffantes pour la Chymie & pour la Phyfique; elles répandroient beaucoup de lumieres fur l'attraction en général, & pourroient être très-favorables au fyftême de la répulfion. Elles nous apprendroient du moins à mieux connoître la théorie de la cryftallifation des fels.

Au refte, l'expérience qui vient d'être rapportée, eft fuffifante pour faire voir que l'attraction & la répulfion fe manifeftent d'une maniere Tome I, Part. I.

B

fenfible dans la cryftallifation des fels. Ces deux effets, qu'ils foient ou ne foient pas dépendans de la même cause, agissent fur les fels, comme l'aimant agit fur le fer au travers du papier, du bois & d'autres corps. Il n'eft pas même néceffaire que le vaiffeau qui tient la liqueur à cryftallifer, foit dans la plus grande proximité du fel qui doit attirer ou repouffer les cryftaux prêts à fe former. Ces effets fe manifestent très-bien même lorfque les vaiffeaux font à un pied de distance l'un de l'autre. Il eft affez vraisemblable que ces effets auroient lieu à une plus grande distance; mais M. Beaumé n'a point fait les expériences néceffaires pour déterminer quelle eft la diftance où ces mêmes effets celleroient de fe manifefter.

OBSERVATIONS

Lues par M. Lavoisier à l'Académie Royale des Sciences, fur quelques circonftances de la cryftallifation des Sels,

Quelqu'éloigné que foit un fait des idées reçues & accréditées, quel

que contraire qu'il paroiffe aux loix de la Phyfique, ce n'eft qu'avec la plus grande circonfpection qu'il eft permis de le nier; ce ne doit jamais être fur de fimples affertions, & le Phyficien ne doit entrer en lice pour le contefter qu'autant qu'il eft muni, & comme environné de toutes parts d'un appareil d'inftrumens & d'expériences.

Cette même circonfpection qui doit porter les Phyficiens à fufpendre leur jugement lorsqu'il eft queftion de niet, devient plus importante encore, lorfqu'il eft queftion d'affirmer; ce n'eft que d'après une fage critique qu'ils doivent admettre les découvertes nouvelles, & cette critique même doit être d'autant plus févere, que les faits nouveaux qu'on préfente, font plus difficiles à accorder avec des vérités qu'on regarde comme démontrées.

Ces principes m'ont paru appliquables à un article de l'Avant Cou reur, feuille 46, intitulé : Réflexions de M. Beaumé, Apothicaire de Paris & Démonftrateur en Chymie, fur l'attraction & la répulfion qui fe manifeftent dans la cryftallifation des fels. On y lit ce qui fuit:

» Sion jette les yeux, &c. jufqu'à ces mots : il eft vraisemblable que ces effets auroient lieu à une plus grande diftance.

Si ces faits étoient bien conftatés, s'il étoit prouvé, comme on l'annonce, qu'ils fuffent l'effet d'une puiffance qui fe fît fentir à plus d'un pied de diftance; la Phyfique & là Chymie n'offriroient point de phénomene auffi fingulier. Il m'a donc paru de la plus grande importance de répéter les expériences attribuées à M. Beaumé dans cet article & je m'empreffe de rendre compte au Public du résultat que j'ai obtenu.

J'ai fait diffoudre, dans fuffifante quantité d'eau, fix livres de fel de glauber, & j'ai fait évaporer au point de cryftallifation. J'ai versé la liqueur très-chaude dans des bocaux de verre de quatre pouces & demi de diametre, & plats par le fond. Il y avoit environ trois à quatre doigts. de liqueur dans chacun. J'ai placé féparément ces bocaux fur de petites tables, & des guéridons féparés, éloignés au moins de trois pieds les uns des autres, & de tous corps environnans. J'ai enfuite placé fur chacun de ces guéridons, à côté du bocal dans lequel étoit la liqueur à cryftallifer, & à deux ou trois pouces de diftance; favoir, fur l'un un bocal contenant quatre livres de fel de glauber en cryftaux; fur un fecond, un grand flacon rempli d'alkali fixe concret; fur un troifieme, un bocal contenant près de deux pintes d'alkali fixe en déliquefcence: enfin, fur un quatrieme, j'ai placé le bocal contenant la liqueur à cryftallifer, entre du fel de glauber cryftallifé, & de l'alkali fixe en déliquefcence. J'avois en outre mis féparément, fur deux autres tables ou guéridons deux bocaux de fel de glauber, à cryftallifer feuls, afin qu'ils puffent fervir de point de comparaifon, & j'avois pris la précaution d'ifoler l'un d'eux dans le fens que les Phyficiens l'entendent dans les expériences électriques. J'ai fermé foigneufement la chambre où tout cet appareil étoit difpofé, & je n'y fuis rentré que quatre à cinq heures après; le fel de glauber s'étoit cryftallifé, pendant cet intervalle, dans chacun des bocaux; mais dans tous, il étoit difpofé de la même maniere, & la cryftallifation ne préfentoit préfentoit que les différences accidentelles ordinaires; c'eft à-dire, que les cryftaux étoient très également repartis dans le fond & fur les parois des vafes. J'ai répété cette expérience un grand nombre de fois, & je l'ai variée en pouffant plus ou moins loin, le degré d'évaporation, jamais je n'ai apperçu que le fel de glauber en cryftaux & l'alkali fixe, placés à deux & trois pouces de diftance, même plus près, euffent eu la moindre influence fur l'ordre & l'arrangement des cryftaux.

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Ces premieres expériences m'ont conduit à d'autres, & leur résultat a été, que toutes les fois qu'on garantiffoit un des côtés du vafe du contact de l'air froid, autrement dit, toutes les fois qu'on appliquoit fur un de fes côtés, une matiere propre à retarder le refroidiffement, il en réfultoit constamment que les cryftaux, au lieu de fe former uniformé. ment dans la liqueur, fe jettoient du côté où le refroidiffement étoit le plus prompt.

C'eft ainfi qu'en environnant des bocaux de fable d'un côté, & les laiffant expofés de l'autre à l'action de l'air libre, je fuis parvenu à faire cryftallifer tout le fel du côté oppofé au fable, mais cet effet n'a rien de merveilleux, il n'eft pas particulier au fable; toute fubftance en produit un femblable; & le fel de glauber lui-même en poudre, appliqué à un des côtés du vafe; tandis que l'autre demeure expofé à l'air, loin d'attirer les cryftaux, les oblige, comme le fable & par la même raifon, à fe porter du côté oppofé.

Bij

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