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Ambition déçue.

Amitié.

Deux Syracusains, Damon et Phintias, étaient unis par la plus tendre amitié. Denys le tyran, sur une simple dénonciation, ayant condamné Phintias à la mort, celui-ci demanda qu'il lui fût permis d'aller régler des affaires importantes qui l'appelaient dans une ville voisine. Il promit de se présenter au jour marqué, et partit après que Damon eût garanti cette promesse au péril de sa propre vie.

Louis XIV dit un jour à un seigneur de sa cour, dont il connaissait l'ambition démesurée « Savez-vous l'espagnol? Non, Sire. Tant pis. » Ce seigneur crut qu'en apprenant vite cette langue, il parviendrait à être ambassadeur. Il y donna donc tous ses soins, et la sut eu peu de temps. Se représentant alors au monarque: « Sire, j'ai appris l'espagnol. Savez-vous cette langue au point de la parler avec les Espagnols mêmes? - Oui, Sire. Je vous en félicite, vous pour-naient en longueur. Le jour destiné à son rez lire Don Quichotte dans l'original. (Merc. de Fr., 1782.)

Amende honorable.

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Biron, duc de Lauzun, marcha avec fermeté au supplice, le 31 décembre 1793, et prononça, avant de mourir, ces paroles célèbres de repentir et d'énergie. « Je meurs, puni d'avoir été infidèle à mon Dieu, à mon roi, à mon nom. » (De Roger, Notice sur le duc de BironLauzun.)

Amis de cour.

Un villageois, allant à Paris avec son âne chargé de coterets qu'il y portait vendre, s'étant laissé choir avec sa charge dans un bourbier, le frappait à grands coups de bâton pour le faire relever. Un gentilhomme vêtu d'écarlate, passant par là, lui dit : « Comment, coquin, n'as-tu pas de honte d'outrager ainsi ce pauvre animal? Qui t'en ferait autant!..... Je te jure, si tu continues davantage, que, de ton bâton même, je t'en donnerai cinq cents coups sur les oreilles. » Le pauvre homme ne sait faire autre chose que d'ôter son chapeau bien humblement, et se taire, jusqu'à ce que le gentilhomme, qui allait à Paris, fût passé. Comme il le vit assez éloigné de lui, il reprend son bâton et charge son àne encore plus rudement qu'il n'avait fait, lui disant, ense moquant du gentilhomme : « Comment, monsieur mon âne, qui eût cru que vous.eussiez eu des amis en cour (1)!» (D'Ouville, Contes.)

(1) L'histoire est semblable à celle du jeune paysan que Don Quichotte veut soustraire à une correction de son maître.

Cependant les affaires de Phintias traî

trépas arrive; le peuple s'assemble; on blame, on plaint Damon, qui marche tranquillement à la mort, trop certain que son ami allait revenir, trop heureux s'il ne revenait pas. Déjà le moment fatal approchait, lorsque mille cris tumultueux annoncèrent l'arrivée de Phintias. Il court, il vole au lieu du supplice; il voit le glaive suspendu sur la tête de son ami, et, au milieu des embrassements et des pleurs, ils se disputent le bonheur de mourir l'un pour l'autre. Les spectateurs fondent en larmes; le roi lui-même se précipite du trône, et leur demande instamment de partager une si belle amitié. (Barthélemy, Voyage du jeune Anacharsis.)

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Amitié courageuse.

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M. de la Reynière, obligé de choisir | fort indifférents l'un à l'autre? netre la place d'administrateur des postes se pourrait bien, madame. » etcelle de fermier général, après avoir (Grimm, Correspondance.) possédé ces deux places, dans lesquelles il avait été maintenu par le crédit des grands seigneurs qui soupaient chez lui, se plaignit à eux de l'alternative qu'on lui proposait et qui diminuait de beaucoup son revenu. Un d'eux lui dit naïvement : « Eh! mon Dieu, cela ne fait pas une grande différence dans votre fortune... C'est un million à mettre à fonds perdu, et nous n'en viendrons pas moins sou per chez vous. » (Chamfort.)

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Cela

Alexandre, après avoir fait mutiler le philosophe Callisthène, le jeta dans une cage de fer, et le traîna ainsi à la suite de l'armée. Lysimaque, un des généraux d'Alexandre, ami fidèle de Callisthène, osa seul aller le consoler, et comme Callisthène lui représentait que ces marques d'intérêt exciteraient la colère du Macédonien « Je vous visiterai tous les jours, lui dit Lysimaque. Si le roi vous voyait abandonné des gens vertueux, il pourrait vous croire coupable, et n'éprouverait plus de remords. »

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(Montesquieu, Lysimaque.)

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Henri IV reprochait à d'Aubigné, aïeul de Mme de Maintenon, de se montrer l'ami du seigneur de la Trémouille, disgracié et exilé de la cour. Sire, lui répondit d'Aubigné, M. de la Trémouille << est assez malheureux, puisqu'il a perdu <<< la faveur de son maître; j'ai cru ne << devoir point l'abandonner dans le << temps qu'il avait le plus besoin de mon «< amitié (1).

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Amitié conquise.

Peu de rois ont acquis un ami au même prix que Gustave-Adolphe. Charles IX, son père, dont le règne fut cruel, avait fait mourir le père de Baner (ou Banier), si célèbre depuis par son attachement pour Gustave, et par ses victoires. Le prince étant à la chasse s'écarta avec le jeune Baner; et, descendu de cheval, il lui dit : « Mon père a fait périr le tien; si tu veux venger sa mort par la mienne, tue-moi dès ce moment, sinon sois à jamais mon ami. » Baner, attendri et hors

de lui-même, se jeta aux pieds de Gus-
tave, et lui jura un attachement éter-
nel (2).
(Bibliothèque de cour.)

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Amitié d'un grand homme.

L'admiration d'Alexandre, empereur de Russie, pour Napoléon était sincère et se mêlait, dans son esprit, à l'idée mystérieuse que le Ciel l'avait créé pour l'aider et le diriger. Au théâtre à Erfurt, au moment où l'un des acteurs prononçait ces paroles :

« L'amitié d'un grand homme est un bienfait [des cieux, »> il prit la main de Napoléon, qu'il serra avec enthousiasme. Alexandre n'entendait point applaudir par là au talent de l'acteur, mais exprimer le sentiment qu'il éprouvait lui-même (1).

(Lord Holland, Mémoires.)

Amitié d'un roi.

Le maréchal de Biron servit admirablement bien au siége d'Arras; aussi Henri IV, lorsqu'il fut de retour à Paris et que ceux de la ville lui eurent fait une réception véritablement royale, leur dit en leur montrant ce maréchal : « Messieurs, voilà le maréchal de Biron que je présente volontiers à mes amis et à mes ennemis. >>

(Hardouin de Péréfixe, Hist. d'Henri IV.)

Amitié enfantine.

tonnade sur la partie charnue du bras, qu'il avait tordu afin de le rendre plus sensible. Byron, trop petit, et ne pouvant combattre le bourreau, s'approcha de lui, rouge de fureur, les larmes aux yeux, et lui demanda combien il voulait donner de coups: « Qu'est-ce que cela te fait, petit drôle? — C'est que, s'il vous plaît, dit Byron en tendant son bras, j'en voudrais recevoir la moitié. »

(Taine, Littérat. anglaise.)

Amitié peu prodiguée.

le suffrage de la Harpe dans le Mercure Un jeune rimailleur, qui croyait que était un titre pour la renommée, se vantait d'être un des plus intimes amis du critique, en présence de la femme de ce dernier. « Vous, Monsieur, reprit celleci, ami de M. de la Harpe! Apprenez que mon mari n'est l'ami de personne. »

(Métra, Correspond. secrète.)

Amour.

d'Abdère était la plus adonnée à la déDe toutes les villes de Thrace, celle bauche elle était plongée dans un débordement de mœurs effroyable. C'était en vain que Démocrite, qui y faisait son séjour, employait tous les efforts.de l'ironie et de la risée pour l'en tirer; il n'y Tout était à l'extrême chez Byron, et, rations, le meurtre, le viol, les libelles pouvait réussir. Le poison, les conspidès le collége, ses amitiés allaient jus- diffamatoires, les pasquinades, les sédiqu'à la passion. Un jour, à Harrow, un tions y régnaient on n'osait sortir le grand brimait son cher Peel, et, le trou-jour; c'était encore pis la nuit. Ces horvant récalcitrant, lui donnait une bas

furent remis dans leurs charges, et ceux qui avaient quelque mérite furent largement récompensés. La veuve d'un gentilhomme qui avait été victime du règne précédent, s'étant présentée au nouveau monarque, avec son fils, encore fort jeune, et la physionomie de cet enfant ayant plu à ce prince, il lui demanda, après l'avoir comblé de caresses, s'il serait bien aise d'entrer à son service... « Moi! s'écria l'enfant, puisse le diable vous servir! votre père a tué le mien. » — - Cet enfant se nommait Jean Banier. (De la Place, Pièces intéressantes.) Mais on a la ressource de penser que l'anecdote ci-dessus se rapporte peutètre à une tentative postérieure de GustaveAdolphe.

(1) Le maréchal Soult, qui était au théâtre et fut témoin de cette scène, m'a dit que Napoléon était à moitié endormi quand Alexandre, saisissant sa main avec émotion, lui dit que ce vers semblait s'adresser à lui, tant il en sentait la vérité. (Note de l'auteur.)

reurs étaient portées au dernier point, lorsqu'on representa, à Abdère, l'Andromède d'Euripide; tous les spectateurs en furent charmés, mais, de tous les passages qui les enchantèrent, rien ne frappa plus leur imagination que les tendres accents de la nature qu'Euripide avait mis dans le discours pathétique de Persée :

O Amour, roi des dieux et des hommes ! etc.

Tout le monde, le lendemain, parlait en vers ïambiques; ce discours de Persée faisait le sujet de toutes les conversations... On ne faisait que répéter dans chaque maison, dans chaque rue :

O Amour, roi des dieux et des hommes !

La ville entière, comme si ses habitants avaient eu qu'un même cœur, se livra à

l'amour. Les apothicaires d'Abdère cessèrent de vendre de l'ellébore; les faiseurs d'armes ne vendirent plus d'instruments de mort; l'amitié, la vertu régnèrent partout; les ennemis les plus irréconciliables s'entre-donnèrent publiquement le baiser de paix... Le siècle d'or revint, et répandit ses bienfaits sur Abdère. Les Abdéritains | jouaient des airs tendres sur le chalumeau; le beau sexe quittait les robes de pourpre, et s'asseyait modestement sur le gazon pour écouter ces doux concerts. Il n'y avait, dit Lucien, que la puissance d'un dieu dont l'empire s'étend du ciel à la terre, et jusque dans le fond des eaux, qui put opérer ce prodige.

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(Sterne, Voyage sentimental, d'après Lucien). (1)

On entretenait un roi de Perse des amours de Léilé et de Megnoun. Il fut curieux de voir cet amant si parfait, et lui demanda s'il était vrai qu'il aimât si éperdûment sa maîtresse. Celui-ci lui dit: « Il faut la voir, pour comprendre à quel point je l'aime. » On la fit venir, et l'on vit une femme maigre et laide : « Comment! dit le roi, voilà l'objet de tant d'ardeur? la dernière esclave de mon sérail est plus jolie que cette femme. Eh bien! dit Megnoun, jugez si je l'aime, puisqu'elle est aussi belle à mes yeux qu'elle est laide aux vôtres. »

(Dictionn. d'anecdotes.)

Eginhard, archichapelain et notaire de Charlemagne, était aimé de très-vive ardeur par la fille de l'empereur luimême, nommée Imma et fiancée au roi des Grecs. Retenus qu'ils étaient par la crainte de la colère impériale, ils n'osaient faire, pour se trouver ensemble, de périlleuses démarches; mais un amour opiniâtre surmonte tous les obstacles. Ainsi le noble jeune homme, se sentant consumer par sa passion, désespérant d'arriver par un intermédiaire jusqu'aux oreilles de la jeune fille, prit tout d'un coup confiance en lui-même, et une nuit il se rendit secrètement à l'appartement qu'elle habitait. Là, il frappe doucement à la porte, s'annonce comme porteur d'un

(1) Comparez Patin, les Tragiques grecs, t. I, p. 63, 2e éd.

DICT. D'ANECDOTES.-T. I.

message de la part du roi et obtient la permission d'entrer. Seul avec la jeune fille, et l'ayant charmée par de secrets entretiens, il put enfin la presser dans ses bras et satisfaire les désirs de son amour. Cependant, lorsqu'à l'approche du jour il voulut profiter du silence de la nuit pour s'en retourner, s'aperçut que, contre toute attente, il était tombé beaucoup de neige; et, craignant que le trou des pieds d'un homme n'amenât sa perte en trahissant son secret, il n'osa pas sortir. Les angoisses, la frayeur causées par la conscience de leur faute, les retenaient tous deux dans l'appartement; et là, au milieu des plus vives inquiétudes, ils délibéraient sur ce qu'ils devaient faire, lorsque la charmante jeune fille, que l'amour rendait audacieuse, imagina un expédient prendre, en se baissant, Eginard sur ses épaules, le porter avant le jour jusqu'à l'appartement qu'il habitait, et qui était situé près de là, et, après l'y avoir déposé, revenir en suivant bien soigneusement la trace de ses pas, tel fut le moyen qu'elle proposa.

L'empereur, vraisemblablement par un effet de la volonté divine, avait passé cette même nuit sans dormir. S'étant levé. au point du jour, il promenait ses regards du haut de son palais, lorsqu'il aperçut sa fille s'avancer en chancelant, toute courbée sous le poids de son fardeau, puis le déposer au lieu convenu, et revenir en toute hâte sur ses pas. Après les avoir longtemps considérés, l'empereur, ému à la fois d'étonnement et de douleur, mais pensant que la volonté divine était pour quelque chose dans tout cela, se contint et garda le silence sur ce qu'il avait vu.

pas

Cependant Eginhard, inquiet de sa faute et bien certain que l'empereur ne serait longtemps à l'ignorer, alla trouver ce prince, et, fléchissant le genou, il lui demanda son congé, disant que les grands et nombreux services qu'il avait déjà rendus n'avaient pas été dignement récompensés. L'empereur l'écouta; mais, au lieu de répondre directement à sa demande, il garda longtemps le silence, finit par lui dire qu'il ferait droit à sa requête le plus tôt possible, fixa le jour, et donna aussitôt des ordres pour que ses conseillers, les grands du royaume et ses autres familiers eussent à se rendre auprès de lui.

Lorsque cette magnifique assemblée, composée des divers officiers de l'empire, se trouva réunie, l'empereur commença en disant que la majesté impériale avait été outrageusement offensée par l'indigne commerce de sa fille avec son notaire, et que son cœur était en proie à la plus violente indignation. Comme tous restaient frappés de stupeur, et que quelques-uns doutaient encore du fait, l'empereur leur raconta avec tous les détails ce qu'il avait vu de ses propres yeux, et leur demanda quel était leur avis à ce sujet. Les opinions furent divisées. Ils ne s'accordèrent point sur la nature et la gravité de la peine qu'il fallait imposer à l'auteur d'un pareil attentat. Les uns voulaient qu'on lui infligeât un châtiment sans exemple, les autres qu'il fût puni de l'exil, d'autres enfin qu'il subit telle ou telle peine. Cependant quelques-uns, d'un caractère d'autant plus doux qu'ils étaient plus sages, après en avoir délibéré ensemble, prirent à part l'empereur et le supplièrent d'examiner la chose par luimême, pour en décider ensuite suivant la prudence que Dieu lui avait accordée. L'empereur, après avoir examiné la disposition personnelle de chacun d'eux et choisi parmi ces avis divers le conseil qu'il devait suivre de préférence, leur adressa la parole en ces termes : «... Je n'infligerai point à mon notaire, à cause de sa méchante action, une peine qui serait bien plus propre à augmenter qu'à pallier le déshonneur de ma fille; je crois plus digne de nous et plus convenable à la gloire de notre empire de leur pardonner en faveur de leur jeunesse, et de les unir en légitime mariage, en couvrant ainsi, sous un voile d'honnêteté, la honte de leur faute. » En entendant cette sentence prononcée par l'empereur, toute l'assemblée éclate en transports de joie, et on exalte à l'envi sa grandeur d'âme et sa clémence. Cependant Eginhard, qu'on avait envoyé chercher, entre dans l'assemblée, et l'empereur le saluant aussitôt d'un visage tranquille, lui adresse la parole en ces termes : «< Depuis longtemps vos réclamations sont parvenues à nos oreilles; vous vous êtes plaint de ce que notre royale munificence n'avait pas encore reconnu dignement vos services; mais, à vrai dire, c'est à votre propre négligence qu'il faut d'abord l'attribuer, car, malgré le lourd fardeau de

si grandes affaires que je supporte seul, si j'avais su quelque chose de vos désirs, je vous aurais accordé les honneurs que vous avez mérités. Je ne veux pas vous faire languir davantage en prolongeant ce discours, et je vais faire cesser vos plaintes, par le don le plus magnifique, afin de vous trouver comme auparavant, plein de fidélité et de dévouement pour moi; je ferai donc passer sous votre autorité, et je vous donnerai en mariage ma fille, votre porteuse (portatricem vestram). »

Aussitôt, sur l'ordre du roi, sa fille fut amenée au milieu d'une suite nombreuse, et, le visage couvert d'une vive rougeur, elle passa des mains de son père dans celles d'Eginhard, qui reçut en même temps une riche dot de plusieurs domaines avec d'innombrables présents d'or, d'argent et d'effets précieux. traduit par

(Cartulaire de Lorsch,
M. Teulct.)

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