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Saunderson, mort il y a quelques années en Angleterre, avait perdu la vue dès sa plus tendre enfance. Malgré cette privation, il fit des progrès si surprenants dans les mathématiques, qu'on lui donna la chaire de professeur de ces sciences dans l'université de Cambridge. Ses leçons étaient d'une clarté extrême, et cela devait être, puisqu'il parlait à ses élèves comme s'ils eussemt été privés de la vue. Ce qui paraîtra plus singulier, c'est qu'il faisait des leçons d'optique, Saunderson n'avait besoin que de parcourir avec ses mains une suite de médailles, pour discerner les fausses, même lorsqu'elles étaient assez bien contrefaites pour tromper les bons yeux d'un connaisseur. Il jugeait de l'exactitude d'un instrument de mathématique, en faisant passer ses doigts sur les divisions. Les moindres vicissitudes de l'atmosphère l'affectaient, et il s'apercevait surtout, dans les temps calmes, de la présence des objets peu éloignés de lui. Un jour qu'il assistait, dans un jardin, à des observations astronomiques, il distingua, par l'impulsion de l'air sur son visage, le temps où le soleil était couvert de nuages; ce qui est d'autant plus singulier, qu'il était totalement privé, nonseul ment de la vue, mais de l'organe.

On a rapporté ce tour d'adresse d'un aveugle. Il avait cinq cents écus qu'il cacha dans un coin de son jardin; mais un voisin, qui s'en aperçut, les déterra et les prit. L'aveugle ne trouvant plus son argent, soupçonna celui qui pouvait l'avoir dérobé. Comment s'y prendre pour le ravoir? Il alla trouver son voisin, et lui dit qu'il venait lui demander un conseil; qu'il avait mille écus, dont la moitié était cachée en lieu sûr, et qu'il ne savait s'il devait mettre le reste au même endroit. Le voisin le lui conseilla, et se hâta de reporter les cinq cents écus, dans l'espérance d'en retirer bientôt mille. Mais l'aveugle ayant retrouvé son argent, s'en saisit; et appelant son voisin, lui dit : «< Compère, l'aveugle a vu plus clair que celui qui a deux yeux. »

(Dictionnaire d'anecdotes.)

Le sculpteur Gonelli était aveugle : on s'imagina longtemps que son infirmité n'était qu'une feinte dont il usait

afin d'acquérir plus de gloire. Un artiste l'ayant rencontré à Rome, dans un jardin public, occupé à copier une statue de Minerve, lui demanda s'il ne voyait pas un peu, pour être en état de modeler avec tant de justesse : « Je ne vois rien, répondit-il, mes yeux sont au bout de mes doigts. Comment est-il possible, insista l'artiste incrédule, que ne voyant absolument rien, vous fassiez de si belles choses? - Je tâte mon original, répliqua Gonelli, j'en examine attentivement les dimensions, les éminences, les cavités, et je tâche de les retenir dans ma mémoire; ensuite, je porte la main sur mon argile, et, par la comparaison que je fais de l'un à l'autre, je parviens à terminer mon ouvrage. »

(Anecdotes des Beaux-Arts.)

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turelle ou défaut de mémoire, n'avait jamais pu venir à bout de prononcer de suite un discours, interrompit un jour un avocat qui plaidait devant lui. L'avocat piqué lui dit malignement : « Vous m'interrompez, monsieur, quoique vous sachiez bien la peine qu'il y a de parler en public. »

Un avocat qui défend une cause, se voit souvent dans la nécessité d'employer toutes sortes de moyens, parce que chaque juge a son principe, bon ou mauvais, suivant lequel il se décide. Dumont, célèbre avocat, était persuadé de cette vérité. Cet avocat, plaidant à la grande chambre, mêlait à des moyens victorieux, d'autres moyens faibles ou captieux. Après l'audience, le premier président de Harlay lui en fit des reproches : « M. le

est pour M. un tel; cet autre pour M. un tel. >> Après quelques séances l'affaire fut jugée, et Me Dumont gagua sa cause. Le premier président l'appela et lui dit : « Maître Dumont, vos paquets ont été rendus à leur adresse. »

Un paysan, étant monté sur un châ-président, lui répondit-il, un tel moyen taignier pou secouer des châtaignes, tomba en descendant et se rompit une còte. « Si vous m'aviez consulté, dit quelque mauvais plaisant qui se trouvait là, ce malheur ne vous serait pas arrivé; mais mon conseil pourra vous servir pour l'avenir : c'est de ne descendre jamais plus vite que vous êtes monté. »

Avis utile.

(Pogge.)

Un pauvre batelier, qui n'avait rien gagné de tout le jour, s'en retournait tout triste chez lui, lorsque quelqu'un l'appela pour le passer dans sa barque. Le trajet se fit gaiement, et le batelier demanda son payement. Le passager protesta qu'il n'avait pas un sou sur lui, mais qu'il lui donnerait un conseil qui lui vaudrait de l'argent. « Bon! dit le batelier, mais ma femme et mes enfants ne vivent pas de conseils. » N'en pouvant tirer d'autre raison, il demanda enfin quel était donc ce conseil? « C'est, dit le passager, de ne jamais passer personne sans vous faire payer par avance. »

Avocat.

(Id.)

Archidamus, plaidant devant le sénat de Lacédémone, contre un vieillard qui se fardait, dit : « Qu'il ne fallait pas croire un homme qui portait le mensonge sur le front. »

Un magistrat qui, par une timidité na

Un avocat, dont le plaidoyer paraissait trop étendu pour la cause qu'il défendait, avait reçu ordre du premier président d'abréger; mais celui-ci, sans rien retrancher, répondit d'un ton ferme que tout ce qu'il disait était essentiel. Le président, espérant enfin le faire taire, lui dit : « La cour vous ordonne de conclure. Eh bien, repartit l'avocat, je conclus à ce que la cour m'entende. »

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On a rapporté une anecdote à peu près semblable de l'avocat Dumont. Il avait été interrompu, en plaidant, par M. de Harlay, premier président, qui lui dit : « Maître Dumont, abrégez. >> Cet avocat cependant, qui croyait que tout ce qu'il avait à dire était essentiel dans sa cause, ne retranchait rien de son plaidoyer. M. de Harlay se crut offensé et dit à cet avocat : « Si vous continuez de nous dire

des choses inutiles, l'on vous fera taire.» Me Dumont s'arrêta alors tout court, et après avoir fait une petite pause, il dit à M. de Harlay : « Monsieur, puisque la cour ne m'ordonne pas de me taire, vous voulez bien que je continue. » Le premier président, piqué de cette résistance ou peut-être de cette distinction faite entre lui et la cour, dit à un huissier : «Saisissez-vous de la personne de Me Dumont.Huissier, dit cet avocat, je vous

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Un jour à l'audience, M. de ***, qui était fort distrait, interrompit brusquement un avocat au milieu de son plaidoyer: «Eh, morbleu! Maître un tel, s'écria-t-il, quand finirez-vous de nous ennuyer? » L'orateur, ne se démontant pas : « Monsieur le Premier président, répondit-il, j'en suis fâché, mais je remplis mon ministère; remplissez le vôtre en m'écoutant. » Le magistrat, revenu de sa distraction, reçut la leçon et se tut. (Galerie de la cour.)

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procès était dans ma famille depuis vingt-, cinq ans, et il y fût encore resté le même nombre d'années si je ne vous l'eusse pas donné. Allez ! je ne ferai certainement rien pour un sot tel que vous! Terminer les affaires de ses clients! quelle folie! >>

L'avocat d'une veuve, qui avait un procès de famille qui durait depuis quatrevingts ans, dit un jour en plaidant devant M. le premier président de Verdun : « Messieurs, les parties adverses qui jouissent injustement du bien de nos pupilles, prétendent que la longueur de leur oppression est pour eux un titre légitime, et que, nous ayant accoutumés à notre misère, ils sont en droit de nous la faire toujours souffrir. Il y a près d'un siècle que nous avons intenté action contre eux; et vous n'en douterez point, quand je vous aurai fait voir par des certificats incontestables que mon aïeul, mon père et moi sommes morts à la poursuite de ce procès. Avocat, interrompit le premier président, Dieu veuille avoir votre âme!» et il fit appeler une autre

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mauvaise grâce au tribunal. Azor, son chien, avait eu la curiosité de le suivre au palais. M. Cazeneuve, qui ne savait rien refuser à son caniche, ne s'y était point opposé.

Arrivés au tribunal, Azor alla s'asseoir à l'extrémité du banc de la défense, et son maître se mit à plaider. Malheureusement, il advint que, entraîné par son éloquence, l'avocat éleva la voix. Azor, qui sans doute n'aimait pas le bruit, se mit à aboyer pour manifester son mécontentement.

Maître Cazeneuve suspendit son plaidoyer, et, s'adressant au chien:

« Azor, lui dit-il, fais-moi le plaisir de te taire. >>

Azor se tut. Mais il ne se tut pas longtemps. En effet, bientôt après, l'avocat s'étant livré à des considérations trop élevées pour les nerfs délicats d'Azor, l'animal aboya derechef, et cette fois avec un tel entrain, que la défense ne fut plus libre. Alors l'avocat, impatienté, se tourna vers l'interrupteur, et, avec des gestes d'ancien télégraphe :

« Enfin, Azor, lui dit-il, ça ne peut pas durer comme ça; si tu veux plaider, plaide, ou laisse-moi plaider. (0. Comettant.)

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