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Accommodement.

Les jésuites et les Pères de l'Oratoire étaient sur le point de plaider ensemble; le premier président (de Harlay) les manda, et les voulut accommoder. Il travailla un peu avec eux, puis les conduisant : «<Mes Pères, dit-il aux jésuites, c'est un plaisir de vivre avec vous, » et se tournant tout court vers les Pères de l'Oratoire : « Et un bonheur, mes Pères, de mourir avec

vous. >>

(Mémoir. anecd. des règnes de Louis XIV et Louis XV.)

Accommodement occulte.

Le confesseur de Lulli malade exigea, afin de montrer qu'il se repentait de tous ses opéras passés, qu'il brûlât ce qu'il avait noté de son dernier opéra. Lulli hésita quelque temps, mais enfin il montra du doigt un tiroir où étaient les morceaux d'Achille et Polyxène, qui furent jetés au feu. Après le départ de son confesseur, Lulli se sentit un peu mieux et reçut la visite du prince de Conti : « Eh! quoi, Baptiste, lui dit le prince, j'apprends que tu as jeté au feu ton opéra : devais-tu brûler de si bonne musique? Paix, paix, Monseigneur, lui répondit Lulli à l'oreille; j'en ai une copie (1). » (Nouvelle Biographie générale.)

Acrostiche.

Une dame pressait quelqu'un de faire un acrostiche sur le nom du roi (Louis XIV). Le poëte, qui avait plus de talent que de fortune, lui présenta les cinq vers suivants :

ouis est un héros sans peur et sans reproche; on désire le voir. Aussitôt qu'on l'approche en sentiment d'amour enflamme tous les cœurs; - ne trouve chez nous que des adorateurs ; on image est partout, excepté dans ma poche.

(Improvisateur français.)

Acteurs. Scènes de théâtre. Incidents tragiques et comiques. Dans la belle scène de l'Oreste d'Eu

(1) Cette anecdote est racontée avec quelques

variantes. Dans certaines versions, il s'agit de

l'opéra d'Armide ; dans d'autres, c'est à son fils que Lulli répond « Tais-toi, Colasse en a une copie. Au fond, c'est absolument la même chose.

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ripide, où ce jeune prince, après des accès de fureur, reprend l'usage de ses sens, l'acteur Hégélochus, n'ayant pas ménagé sa respiration, fut obligé de séparer deux mots qui, suivant qu'ils étaient élidés ou non, formaient deux sens trèsdifférents; de manière qu'au lieu de ces paroles : Après l'orage, je vois le calme» (yanv' opw), il fit entendre celles-ci : « Je vois le chat » (yaλñv ópш). Vous pouvez juger de l'effet que, dans ce moment d'intérêt, produisit une pareille chute.

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(Barthélemy, Voyage d'Anacharsis.)

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Esopus, jouant un jour en plein théâtre le rôle d'Atreus, délibérant en luimême comment il se pourra venger de son frère Thyestes, il y eut d'adventure quelqu'un des serviteurs qui voulut soudain passer en courant devant lui. Æsopus, hors de lui-même pour l'affection véhémente et pour l'ardeur qu'il avait de représenter au vif la passion furieuse du roi Atreus, lui donna sur la tête un tel coup du sceptre qu'il tenait en sa main, qu'il le tua sur la place.

(Plutarque, traduct. d'Amyot.)

Un danseur-pantomime, jouant Ajax furieux sur le théâtre de Rome, et devenant peu à peu réellement fou, comme le personnage qu'il représentait, fendit presque la tête de celui qui faisait Ulysse.

Peut-être fut-ce aussi par suite d'une assimilation pareille à l'esprit de son rôle, plutôt que d'une simple maladresse, que l'acteur anglais Farquhar, représentant dans l'Empereur indien, de Dryden, le rôle de Guyomar, qui tue un général espagnol, frappa si malheureusement son camarade d'un coup d'épée, qu'il lui fit une blessure dangereuse. Ce fut cet acci

dent qui détermina Farquhar à ne plus remonter sur la scène.

(V. Fournel, Curiosités théâtr.)

On représentait en Suède, devant le roi Jean II, le Mystère de la Passion. L'acteur qui faisait le rôle de Longus, voulant feindre de percer avec sa lance le coté du crucifié, ne se contenta pas d'une fiction, mais, emporté par la chaleur de l'action, il enfonça réellement le fer de sa lance dans le côté de ce malheureux. Celui-ci tombe mort, et écrase de son poids l'actrice qui jouait le rôle de Marie. Jean II, indigné de la brutalité de Longus, s'élance sur lui, à la vue des deux morts, et lui coupe la tête d'un coup de cimeterre. Les spectateurs, qui avaient plus goûté Longus que le reste des acteurs, s'indignent si fort, à leur tour, de la sévérité du roi, qu'ils se jettent sur lui, et, sans sortir de la salle, lui tranchent la tête.

(Chronique suédoise.)

Un soir, Charles Kemble, qui jouait Macbeth à Brighthelmstone, jeta sa coupe avec tant de violence, dans la scène du banquet, qu'elle alla casser la branche d'un chandelier de verre : les morceaux effleurerent la figure de mistriss Siddons, qui faisait lady Macbeth; mais pas un pli de sa figure ne bougea.

(H. Lucas, Curios. dram. et litt.)

On donnait sur le théâtre de Molière une pièce intitulée Don Quichotte. Elle commençait à l'instant que Don Quichotte installait Sancho-Pansa dans son gouver

nement.

Molière faisait Sancho; et comme il devait paraître sur le théâtre monté sur un âne, il se mit dans la coulisse pour être prêt à entrer dans le moment que la scène le demanderait; mais l'âne, qui ne savait point le rôle par cœur, n'observa point ce moment, et dès qu'il fut dans la coulisse, il voulut entrer, quelques efforts que Molière employât pour qu'il n'en fit rien. Sancho tirait le licou de toute sa force; l'âne n'obéissait point; il voulait absolument paraître. Molière appelait « Baron, Laforest, à moi! ce maudit âne veut entrer. » Cette Laforest

| était la servante; elle était dans la coulisse opposée, d'où elle ne pouvait passer à travers le théâtre pour arrêter l'âne; et elle riait de tout son cœur de voir son maître renversé sur le derrière de cet animal, tant il mettait de force à tirer son licou pour le retenir. Enfin, destitué de tout secours, et désespérant de pouvoir vaincre l'opiniâtreté de son âne, il prit le parti de se retenir aux ailes du théâtre, et de laisser glisser l'animal entre ses jambes.

(Cousin d'Avallon, Moliérana.)

Baron, représentant le grand prêtre dans Athalie, des gagistes qu'il avait fait habiller en lévites ne se présentant pas assez tôt pour un jeu de théâtre nécessaire, il cria tout haut. « Un lévite, un lévite! Comment! par la mordieu! pas un b..... de lévite! » Ceux qui étaient sur le théâtre l'entendirent, et rirent de tout leur cœur de sa colère d'enthousiaste. (Collé, Mémoires.)

Je ne me suis jamais plus amusé que dans le voyage que j'ai fait avec le roi, en Flandre; la reine et la dauphine vivaient encore. Aussitôt arrivés dans une ville, chacun se retirait d'abord chez soi, puis on allait à la comédie, qui était souvent si mauvaise que nous riions à nous en rendre' malades. Entre autres choses, je me souviens qu'à Dunkerque, il y avait une troupe qui jouait Mithridate. En parlant à Monsieur, Mithridate laissa échapper je ne sais quel mot grossier. Aussitôt il se tourna vers madame la Dauphine, et lui dit : «< Madame, je vous demande très-humblement pardon; la langue m'a fourché. » On peut juger des éclats de rire que cela occasionna. Ce fut encore pis lorsque le prince de Conti, mari de la grande princesse, qui était assis au-dessus de l'orchestre, tomba dans cet orchestre à force de rire; et comme il voulut se retenir à la corde du

rideau, le rideau tomba sur les lampes et prit feu; on l'éteignit aussitôt, mais i resta un grand trou. Les comédiens ne firent semblant de rien, ils continuèrent de jouer, quoiqu'on ne les vît qu'au travers de ce trou.

(Duchesse d'Orléans, Correspondance.)

Je m'étais placé à l'amphithéâtre, le jour | de la première représentation du Roi Lear. Près de moi était un Anglais (M. Taylor), jeune homme de beaucoup d'esprit, et qui parlait notre langue comme la sienne. Pendant les quatre premiers actes, il avait constamment applaudi et la pièce et le jeu des acteurs; le cinquième était à peine commencé, que je m'aperçus qu'il faisait tous ses efforts pour ne point pouffer de rire. Enfin, n'y pouvant plus tenir, il quitta la place. La pièce terminée, j'allai dans le foyer; et la première personne que j'y rencontrai fut M. Taylor, qui m'aborda. «Convenez, me dit-il, monsieur Préville, que vous me regardez comme un homme bien bizarre, bien ridicule, et, pour tout dire, comme un véritable Anglais !

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On se doute bien de ma réponse : Écoutez-moi, ajouta-t-il, et vous me direz ensuite si, à ma place, vous auriez eu plus de flegme.

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Il y a deux ans qu'à Londres je me trouvai à la représentation du Roi Lear. Au moment où Garrick fond en larmes sur le corps de Cordélia, on s'aperçut que les traits de sa physionomie prenaient un caractère bien éloigné de l'esprit momentané de son rôle. Le cortège qui l'environnait, hommes et femmes, paraissait agité du même vertige : tous paraissaient faire leurs efforts pour étouffer un rire qu'ils ne pouvaient maîtriser. Cordélia elle-même, qui avait la tête penchée sur un coussin de velours, ayant ouvert les yeux pour voir ce qui suspendait la scène, se leva de son sopha, et disparut du théâtre en s'enfuyant avec Albani et Kent, qui se traînait à peine.

« Les spectateurs ne pouvaient expliquer l'étrange manière dont les acteurs terminaient cette tragédie, qu'en les supposant tous saisis à la fois d'un acces de folie. Mais leur rire, comme vous allez voir, avait une cause bien excusable.

« Un boucher, assis à l'orchestre, était accompagné d'un bulldog (chien de combat avec les taureaux) qui, ayant pour habitude de se placer sur le fauteuil de son maître, à la maison, crut qu'il pouvait avoir le même privilége au spectacle. Le boucher était très-enfoncé sur son banc; de sorte que Turc, saisissant l'occasion de se placer entre ses jambes, sauta sur la partie antérieure du banc, puis, appuyant ses deux pattes sur la

rampe de l'orchestre, se mit à fixer les acteurs d'un air aussi grave que s'il eut compris ce qu'ils disaient. Ce Loucher, qui était d'un embonpoint énorme, et qui n'était point accoutumé à la chaleur du spectacle, se sentit oppressé. Voulant s'essuyer la tète, il ôta sa perruque, et la plaça sur la tète de Turc, qui, se trouvant dans une position remarquable, frappa les regards de Garrick et des autres acteurs. Un chien de boucher, en perruque de marguillier (car il est bon de dire que son maitie était officier de paruisse), aurait fait rire le Roi Lear luimème, malgré son infortune: il n'est douc pas étonnant qu'il ait produit cet effet sur son représentant, et sur les spectateurs qui, ce jour-là, se trouvaient réunis dans la salle de Drury-Lane.

« Cette scène m'est tellement restée gravée dans la mémoire, qu'il ne m'a Londres la pas été possible de revoir tragédie du Roi Lear. J'imaginais qu'en la voyant représenter traduite en français, le souvenir de Turc fuirait de ma mémoire. Effectivement il ne m'avait point occupé endant les quatre premiers actes; mais je n'ai pu échapper a ce souvenir lorsqu'est arrivé l'acte dans lequel eut lieu l'événement que je viens de vous raconter. »

, (Préville, Mémoires.)

Christian Brandes, qui éprouva plus d'aventures que le fameux Lazarille de Tormes, qui fut tour à tour vagabond, mendiant, menuisier, gardeur de cochons, valet d'un charlatan, domestique d'un général, gazetier, puis acteur détestable et médiocre autour, a laissé des mémoires où l'on voit l'art allemand dans sa grossièreté primitive. Jugez de ce qu'ctaient les improvisations par cette anećdote, qu'il cite. I jouait dans un scenario avec une actrice novice, qui devai!, après plusieurs épreuves, céder à son amour; mais, trop sensible à la déclaration, l'actrice, émue, lui dit tout d'abord: « Mon cher Léandre, je ne sau<< rais vous résister; acceptez ma main et « mon cœur. » Ce n'était pas le compte de si de Brandes; il ne s'a tendait pas rapides succès. Que faire? Il suait sang et eau pour parer le coup, renouer l'intrigue et prolonger la scène. L'amoureuse, toujours plus tendre qu'éloquente,

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Une fois, au vieux Cirque-Olympique, Gobert, jouant le rôle de l'empereur, était en scène avec son état-major.

On devait lui amener un vieux grenadier qui désirait présenter ses fils à Napoléon.

L'acteur qui jouait le grenadier était en retard.

Le public commençait à s'impatienter. Gobert, ayant fini son rôle, et ne sachant plus que faire pour occuper la scène, se tourne vers son aide de camp, l'acteur Gautier, et lui dit :

Prévenez-moi, maréchal, dès que le grenadier sera arrivé. »

Et il rentre dans la coulisse. Gautier s'incline profondément; puis, se tournant vers l'un des officiers: Prévenez-moi, général, dès que le grenadier sera arrivé. »

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Et il suit Gobert.

Ce qu'il y a de mieux, c'est que le gre

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Beauvallet jouait avec madame Dorval dans le Camp des Croisés, drame en vers d'Adolphe Dumas; madame Dorval s'exprimait ainsi :

Lorsque mon père dort, JE SATS étendre auprès Son Coran, ses parfums et son breuvage frais. JE SAIS les eaux des puits, et le coursier superbe Hennit quand je rapporte une main pleine d'herbe; JE SAIS conduire un porc, et tisser nos habits Des laines qu'on retranche aux agneaux des brebis. JE SAIS ce qu'une fille apprend; JE SAIS encore Les prières du soir et celle de l'aurore.....

Beauvallet, entr'ouvrant son burnous aux longs plis, dit à demi-voix, après cette tirade, à Léa, qui savait tant de choses :

Savez-vous jouer de la clarinette?

Et il lui laissa voir un de ces instruments suspendu à son côté en guise de yatagan.

Madame Dorval manqua suffoquer de

rire.

(Em. Colombey, l'Esprit au théâtre.)

L'acteur Hind était un homme d'expédients et de présence d'esprit.

Un soir qu'il jouait je ne sais plus quel mélodrame, il se tira avec honneur d'un assez mauvais pas. Il représentait le héros de la pièce, un brigand endurci, que la justice était parvenue à capturer et qui attendait son dernier moment dans une sombre cellule. Un de ses complices lui avait fait remettre une lime et une échelle de corde.

Il s'agissait de limer les barreaux de la fenêtre et de chercher à s'enfuir par cette ouverture. Au moment où il enjambait la croisée, trois soldats se précipitaient sur la scène et tiraient sur lui. Le brigand tombait roide mort.

Hind s'était mis à l'œuvre; il était arrivé au point voulu, lorsque les fusils refusèrent de faire leur service. Les soldats se retirèrent en désordre et revinrent aussitôt avec de nouvelles armes qui, n'étant pas chargées, restèrent encore silencieuses.

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On sait que les acteurs prennent grand soin de leur personne dans les coulisses, surtout pendant la rude saison. Lafon, le rival de Talma, avait la précaution de se garantir les pieds par d'énormes chaussons de lisière. Un soir (13 février 1813), pressé par son entrée, il s'élança sur la scène vers Agamemon, sans penser aux malencontreuses pantoufles. Averti par les rires des loges voisines, il descendit précipitamment la scène, dissimula ses pieds derrière le trou du souffleur, et effectua sa sortie avec une précipitation que motivait d'ailleurs la colère de son rôle.

Ce héros grec en chaussons de lisière vaut le valet du Menteur en costume de

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garde national, tel qu'on le vit un jour sous la Révolution, représenté par Dugazon, arrivé trop tard de son service pour changer d'habits, et réclamé impatiemment par le public, tout prêt d'ailleurs à prendre la chose comme une preuve de patriotisme.

Adolphe Berton, jouant Charles VII, d'Olivier Basselin, au théâtre de la Renaissance (15 novembre 1838), portait un casque emprunté au Musée d'artillerie. A un moment dramatique, la visière de ce casque se baissa subitement, et, soit la rouille, soit un secret mécanique, l'acteur ne put le relever, et dut continuer son rôle ainsi. Mais la joie de la salle ne connut plus de bornes en entendant la voix comiquement sépulcrale qui s'échappa de ce globe de fer.

On a l'habitude de se servir, au théâtre, dans les repas, des bouteilles où on a laissé quelque temps séjourner de l'encre, pour que le public ne s'aperçoive pas gasinier de l'Opéra-Comique avait oublié, qu'elles sont vides. Un jour que le mavolontairement ou non, de vider préalablement ce liquide, l'acteur Milhès s'en

versa un demi-verre au lieu de vin de Chambertin, et en avala une gorgée.

Un comédien du Théatre-Français avait imaginé de remplacer l'encre par un crêpe noir qui produisait le même effet. Il avait à déboucher la bouteille en scène : le moment arrivé, il pousse avec trop de vigueur le tire-bouchon, qui traverse le liége, saisit le crêpe et l'attire à tous les regards, au milieu des éclats de rire.

Une autre fois, c'est Frédéric Lemaître qui, dans Tragaldabas, laisse choir son råtelier au milieu d'une tirade, le ramasse et le remet en place adroitement, sans discontinuer son rôle.

(V. Fournel, Curiosités théâtr.)

Mistress Hamilton était si puissante, que les valets de théâtre pouvaient à grand'peine enlever le fauteuil où elle s'était jetée pour mourir, dans le rôle d'Aspasie, de Temerlan. Ce que voyant, la compatissante morte leur dit de replacer le fauteuil à terre, fit une belle révérence au public et s'en alla sur ses pieds.

Un jour, dans je ne me souviens plus quelle pièce, Taillade, qui est un acteur ex

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