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V.

CONTRE FURETIÈRE. — 1686.

Toi qui crois tout savoir, merveilleux Furetière,
Qui décides toujours, et sur toute matière,
Quand, de tes chicanes outré,
Guilleragues t'eut rencontré,

Et, frappant sur ton dos comme sur une enclume,
Eut à coups de bâton secoué ton manteau,
Le bâton, dis-le-nous, étoit-ce bois de grume,
Ou bien du bois de marmenteau?

VI.

CONTRE UN PÉDANT DE COLLÉGE

Il est trois points dans l'homme de collége,
Présomption, injures, mauvais sens.
De se louer il a le privilége;

Il ne connoit arguments plus puissants.
Si l'on le fâche, il vomit des injures;
Il ne connoît plus brillantes figures.
Veut-il louer un roi l'honneur des rois,
Il ne le prend que pour sujet de thème.
J'avois promis trois points, en voilà trois.
On y peut joindre encore un quatrième;
Qu'il aille voir la cour, tant qu'il voudra,
Jamais la cour ne le décrassera.

VII.

SUR LA MORT DE M. COLBERT,

QUI ARRIVA PEU DE TEMPS APRÈS UNE GRANDE MALADIE QU'EUT LE CHANCELIER LE TELLIER EN 1683.

Colbert jouissoit par avance
De la place de chancelier,
Et sur cela pour Le Tellier
On vit gémir toute la France.
L'un revint, l'autre s'en alla:
Ainsi ce fut scène nonvelle;
Car la France, sur ce pied-là,
Devoit bien rire... Aussi fit-elle.

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I.

INSCRIPTION TIRÉE DE BOISSARD.

AVERTISSEMENT.

Un des quatre récits que j'ai fait faire aux Filles de Minée contient un événement véritable, et tiré des antiquités de Boissard. J'aurois pu mettre en la place la métamorphose de Céix et d'Alcione, ou quelque autre sujet semblable. Les critiques m'allégueront qu'il le falloit faire, et que mon ouvrage en seroit d'un caractère plus uniforme. Ce qu'Ovide conte a un air tout particulier; il est impossible de le contrefaire. Mais après avoir fait réflexion là-dessus, j'ai appréhendé qu'un poëme de six cents vers ne fût ennuyeux, s'il n'étoit rempli que d'aventures connues. C'est ce qui m'a fait choisir celle dont je veux parler: et comme une chose en attire une autre, le malheur de ces amants tués le jour de leurs noces m'a été une occasion de placer ici une espèce d'épitaphe, qu'on pourra voir dans les mêmes antiquités. Quelquefois Ovide n'a pas plus de fondement pour passer d'une métamorphose à une autre. Les diverses liaisons dont il se sert ne m'en semblent que plus belles; et selon mon goût, elles plairoient moins si elles se suivoient davantage. Le principal motif qui m'a attaché à l'inscription dont il s'agit, c'est la beauté que j'y ai trouvée. Il se peut faire que quelqu'un y en trouvera moins que moi. Je ne prétends pas que mon goût serve de règle à aucun particulier, et encore moins au public. Toutefois je ne puis croire que l'on en juge autrement. Il n'est pas besoin d'en dire ici les raisons; quiconque seroit capable de les sentir, ne le sera guère moins de se les imaginer lui-même. J'ai traduit cet ouvrage en prose et en vers, afin de le rendre plus utile par la comparaison des deux genres. J'ai eu, si l'on veut, le dessein de m'éprouver en l'un et en l'autre : j'ai voulu voir, par ma propre expérience, si en ces rencontres les vers s'éloignent beaucoup de la fidélité des traductions, et si la prose s'éloigne beaucoup des Mon sentiment a toujours été que quand les graces.

vers sont bien composés, ils disent en une égale étendue plus que la prose ne sauroit dire. De plus habiles que moi le feront voir plus à fond. J'ajouterai seulement que ce n'est point par vanité, et dans l'espérance de consacrer tout ce qui part de ma plume, que je joins ici l'une et l'autre traduction; l'utilité des expériences me l'a fait faire. Platon, dans Phædrus, fait dire à Socrate qu'il seroit à souhaiter qu'on tournât en tant de manières ce qu'on exprime, qu'à la fin la bonne fût rencontrée. Plût à Dieu que nos auteurs en voulussent faire l'épreuve, et que le public les y invitât! Voici le sujet de l'inscription:

Atimète, affranchi de l'empereur, fut le mari d'Homonée, affranchie aussi, mais qui par sa beauté et par ses graces mérita qu'Alimète la préférât à de célèbres partis. Il ne jouit pas long-temps de son bonheur: Homonée mourut qu'elle n'avoit pas vingt ans. On lui éleva un tombeau qui subsiste encore, et où ces vers sont gravés.

ÉPITAPHE DE CLAUDE HOMONÉE,
ÉPOUSE D'ATIMÈTE,
Affranchi de Tibère César Auguste.

ATIMÈTE.

I. Si l'on pouvoit donner ses jours pour ceux d'un autre,
Et que par cet échange on contentât le sort,
Quels que soient les moments qui me restent encor,
Mon ame, avec plaisir, rachèteroit la vôtre :
Mais le destin l'ayant autrement arrêté,
Je ne saurois que fuir les dieux et la clarté,
Pour vous suivre aux enfers d'une mort avancée.
HOMONÉE.

II. Quittez, ô cher époux! cette triste pensée ;

Vous altérez en vain les plus beaux de vos ans :
Cessez de fatiguer par des cris impuissants
La Parque et le Destin, déités inflexibles.
Mettez fin à des pleurs qui ne les touchent point;
Je ne suis plus: tout tend à ce suprême point.
Ainsi nul accident, par des coups si sensibles,
Ne vienne à l'avenir traverser vos plaisirs!
Ainsi l'Olympe entier s'accorde à vos désirs!
Veuille enfin Atropos, au cours de votre vie
Ajouter l'étendue la mienne ravie!

III. Ettoi, passant tranquille, apprends quels sont nos
Daigne ici t'arrêter un moment à les lire. [maux;

IV. Celle qui préférée aux partis les plus hauts,
Sur le cœur d'Atimète acquit un doux empire,
Qui tenoit de Vénus la beauté de ses traits,
De Pallas son savoir, des Graces ses attraits,
Git sous ce peu d'espace en la tombe enserrée.
Vingt soleils n'avoient pas ma carrière éclairée,
Le sort jeta sur moi ses envieuses mains;
C'est Atimète seul qui fait que je m'en plains.
Ma mort m'afflige moins que sa douleur amère.

V. O FEMME, QUE LA TERRE A TES OS SOIT LÉGÈRE!
FEMME DIGNE DE VIVRE; ET BIENTÔT PUISSES-TU
RECOMMENCER DE VOIR LES TRAITS DE LA LUMIÈRE,
ET RECOUVRER LE BIEN QUE TON COEUR A PERDU!

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HOMONÉE.

II. O mon cher époux! cessez de vous affliger; ne corrompez plus la fleur de vos ans; ne fatiguez plus ma destinée par des plaintes continuelles: toutes les larmes sont ici vaines: on ne sauroit émouvoir la Parque; me voilà morte; chacun arrive à ce terme-là. Cessez donc, encore une fois : ainsi puissiez-vous ne sentir jamais une semblable douleur! Ainsi tous les dieux soient favorables à vos souhaits! Et veuille la Parque ajouter à votre vie ce qu'elle a ravi à la mienne!

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IV. Moi, cette Homonée que préféra Atimète à des filles considérables; moi, à qui Vénus donna la beauté, les graces et les agréments; que Pallas enfin avoit instruite dans tous les arts, me voila ici enfermée dans un monument de peu d'espace. Je n'avois pas encore vingt ans quand le sort jeta ses mains envieuses sur ma personne. Ce n'est pas pour moi que je m'en plains, c'est pour mon mari, de qui la douleur m'est plus difficile à supporter que ma propre mort.

II.

TRADUCTION DE DIVERS PASSAGES

DE POETES ANCIENS,

Extraits de l'ouvrage intitulé: les Épistres de Sénèque.

TRADUCTIONS DES PASSAGES TIRÉS DE VIRGILE.

I.

Melibae, deus nobis hæc otia fecit.
Bucol., I, v. 6.

C'est un dieu, Mélibée, à qui nous devons tous
Le bonheur de la paix et d'un repos si doux.
Je le tiendrai toujours pour un dieu...
C'est lui qui me permet de mener dans nos plaines
Ces bœufs et ces troupeaux, ces moutons porte-laines
C'est par lui que je joue au pied de cet ormeau
Les chansons qu'il me plaît dessus mon chalumean.

II.

Et quid quæque ferat regio, et quid quæque recuset.
Georg., 1, v. 53.

Considérez du sol la nature secrète,
Ce qu'une terre veut, ce que l'autre rejette;
Ce fonds est propre au blé, cette côte au raisin;
L'herbe profite ici; là le mil et le lin;
Les arbres et les fruits croissent ailleurs sans peine;
En ces lieux le safran du mont Tmole s'amène;
On doit l'ivoire à l'Inde, aux Sabéens l'encens,
Aux Calybes le fer.

III.

Optima quæque dies miseris mortalibus ævi.
Georg., III, v. 66.
Puis la foule des maux amène le chagrin,
La plus belle saison fuit toujours la première;
Puis la triste vieillesse; et puis l'heure dernière
Au malheur des mortels met la dernière main.

IV.

Nulli subigebant arva coloni.
Ibid., I, v. 125.

Un homme étoit tenu pour injuste et méchant,
S'il plantoit une borne ou divisoit un champ.
Les biens étoient communs, et la terre féconde
Donnoit tout à foison dans l'enfance du monde.

V.

Continuò pecoris generosi pullus in arvis.
Ibid., III, v. 75.

Un coursier généreux, bien fait, d'illustre race,
Des fleuves menaçants tente l'onde, et la passe:
Il craint peu les dangers, et moins encor le bruit;
Aime à faire un passage à quiconque le suit;
Va partout le premier, encourage la troupe :
Il a tête de cerf, larges flancs, large croupe,
Crins longs,corps en bon point: la trompette lui plaît:

V. QUE LA TERRE TE SOIT LÉGÈRE, O ÉPOUSE Impatient du frein, inquiet, sans arrêt,

DIGNE DE RETOURNER A LA VIE, ET DE RECOUVRER
UN JOUR LE BIEN QUE TU AS PERDU!

L'oreille lui roidit, il bat du pied la terre,
Ronfle, et ne semble plus respirer que la guerre.

VI.

O terque quaterque beati.
Eneid., I, v. 98.

O mille fois heureux

Le sort de ces Troyens hardis et généreux, Qui défendant les murs de leur chère patric, Aux yeux de leurs parents immolèrent leur vie!

VII.

Est lucos Silari circa ilicibusque virentem.

Georg., III, v. 146.

Auprès du mont Alburne, et du bois de Siler,
On voit par escadrons un insecte voler:

Il est craint des troupeaux; au seul bruit de son aile
Ils semblent agités d'une fureur nouvelle :
Tout s'enfuit aux forêts sans prendre aucun repos.
Le nom de cet insecte chez les Grecs est astros,
Asilus parmi nous.

VIII.

O, quam te memorem, virgo? namque haud tibi vultus.
Eneid., I, v. 331.

Comment t'appellerai-je, en te rendant hommage,
Princesse? car ton port, ta voix et ton visage
N'ont rien qui ne paroisse au dessus des humains:
Mais quelle que tu sois, soulage nos chagrins.

IX.

Et me, quem dudum non ulla injecta movebant.
Ibid., II, v. 726.

Moi qui n'étois ému ni des armes lancées,
Ni des Grecs m'entourant de phalanges pressées,
Je tremble maintenant, et crains, au moindre bruit,
Pour celui que je porte, et celle qui me suit.

X.

Prima hominis facies, et pulchro pectore virgo.
Eneid., III, v. 426.

Son visage est de femme, et jusqu'à la ceinture
Elle en a les beautés et toute la figure:

Le reste, plein d'écailles, et d'un monstre marin :
Elle a ventre de loup, et finit en dauphin.

XI.

Non ulla laborum. Ibid., VI, v. 103.

O vierge! je suis fait dès long-temps aux travaux;
Je n'en trouverai point les visages nouveaux:
Je me suis des malheurs une image tracée;
Et je les ai déjà vaincus par ma pensée.

XII.

Instratos ostro alipedes, pictisque tapetis.
Ibid., VII, v. 277.

Les chevaux sont couverts de housses d'écarlate,
Où l'or semé de fleurs et de perles éclate;
Ils ont des colliers d'or sous la gorge pendants,
Et des mors d'or massif, qui sonnent sous leurs dents.

XIII.

Fortunati ambo, si quid mea carmina possunt.
Ibid., IX, v. 446.

Couple heureux, si mes vers sont des ans respectés,
Vos noms ne mourront point par ma muse chantés:

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Tantôt deux cents valets paroissent à sa suite,
Puis à dix seulement on la trouve réduite :
Il ne parle tantôt que de grands et de rois;
En termes relevés il conte leurs exploits;
Puis changeant tout d'un coup de style et de matière,
Je ne veux rien, dit-il, qu'une simple salière,
Une table à trois pieds, du bureau seulement,
Pour me parer du froid, sans aucun ornement.
A ce bon ménager, si modeste en paroles,
Donnez, si vous voulez, un plein sac de pistoles,
Vous serez étonné, l'oyant ainsi prêcher,
Qu'il n'aura pas la maille avant que se coucher.

II.

Num tibi, cum fauces urit sitis, aurea quæris.
HORAT., I, Sat. 11, v. 114.

Pour éteindre la soif quand elle est bien ardente,
Demandons-nous à boire dans un vase de prix?
Et pour rassasier la faim qui nous tourmente,
Faut-il n'avoir recours qu'aux mets les plus exquis?

III.

Tela jugo vincta est, stamen secernit arundo.
OVID., Metam., VI, v. 55.

Entre deux rangs de fils sur le métier tendus,
La navette en courant entrelace la trame,
Puis le peigne aussitôt en serre les tissus.

IV.

Nam tibi de summa cœli ratione, deumque.
LUCRET., De Nat. rer., I, v. 49.

J'examine d'abord les dieux, les éléments:
Combien grands sont les cieux, quels sont leurs mouve-
D'où la nature fait et nourrit toutes choses; [ments;
Leur fin, et leur retour, et leurs métamorphoses.

V.

Injuriarum remedium est oblivio.
ANN. SENEC, Epist. xxiv.

Aux plus grands maux l'oubli sert de remède.
Soyez hardi, la fortune vous aide.

Au paresseux tout fait de l'embarras.

VI.

Debilem facito manu.

MECEN. ap. ANN. SENEC.

Qu'on me rende manchot, cul-de-jatte, impotent, Qu'on ne me laisse aucune dent,

Je me consolerai: c'est assez que de vivre.

VII.

Duc me parens, celsique dominator poli.
SENEC., Epist. CVII.

Père de l'univers, dominateur des cieux,
Mène-moi, je te suis, à toute heure, en tous lieux.
Rien ne peut arrêter ta volonté fatale;

Que l'on résiste ou non, ta puissance est égale;
Tu te fais obéir ou de force ou de gré;
Les ames des mutins te suivent enchaînées.
Que sert-il de lutter contre les destinées?
Le sage en est conduit, le rebelle entraîné.

VIII.

Incipit ardentes Phoebus producere flammas.
MONT. JUL. ap. ANN. SENEC.

Le jour doroit déjà le sommet des montagnes,
Déjà les premiers traits échauffoient les campagnes ;
L'hirondelle, cherchant pâture à ses petits,
Sortoit, rentroit au nid, attentive à leurs cris.
Les bergers ont enfin renfermé leurs troupeaux,
La nuit couvre la terre, et s'épand sur les eaux.

IX.

Sine me vocari pessimum, ut dives vocer.
SENEC., Epist. cxv.

Que je passe pour fourbe, homme injuste et sans foi,

Je m'en soucirai pen, tant que j'aurai de quoi.
Citoyens, c'est l'or seul qui met le prix aux hommes.
Accumulez sans fin, mettez sommes sur sommes,
Vous serez honorés. On dit, A-t-il du bien?
L'on ne demande pas d'où, ni par quel moyen.
Il n'est point d'infamie à l'indigence égale:
Arrivons, s'il se peut, à notre heure fatale,
Étendus sur la pourpre, et non dans un grabat:
Toute vie est cruelle en ce dernier état.
L'opulence adoucit la mort la plus terrible.
Qu'aux nœuds du parentage un autre soit sensible,
Pour moi, j'enferme tout au fond de mon trésor.
Si les yeux de Vénus brillent autant que l'or,
Je ne m'étonne pas qu'on la dise si belle,
Que tout lui sacrifie, et soupire pour elle,
Qu'ainsi que les mortels les dieux soient ses amants.

X.

Possum multa tibi veterum præcepta referre.
ANN. SENEC., Epist. CXXIV.

Je puiserai pour vous chez les vieux écrivains.
Écoutez seulement leurs préceptes divins:
Soyez-leur attentif, même aux choses légères;
Rien chez eux n'est léger.

OPUSCULES EN PROSE.

REMERCIEMENT

PRONONCÉ A L'ACADÉMIE FRANÇOISE, le 2 mai 1684,

PAR M. DE LA FONTAINE, LORSQU'IL FUT REÇU A LA PLACE DE M. DE COLBERT, MINISTRE ET SECRÉTAIRE D'ÉTAT.

MESSIEURS,

Je vous supplie d'ajouter encore une grace à celle que vous m'avez faite : c'est de ne point attendre de moi un remerciement proportionné à la grandeur de votre bienfait. Ce n'est pas que je n'en aie une extrême reconnoissance; mais il y a de certaines choses que l'on sent mieux qu'on ne les exprime : et bien que chacun soit éloquent dans sa passion, il est de la mienne comme de ces vases qui, étant trop pleins, ne permettent pas à la liqueur de sortir. Vous voyez, Messieurs, par mon ingénuité, et par le peu d'art dont j'accompagne ce que je dis, que c'est le cœur qui vous remercie, et non pas l'esprit.

En effet, ma joie ne seroit pas raisonnable si elle pouvoit être plus modérée. Vous me recevez en un corps où non seulement on apprend à arranger les paroles; on y apprend aussi les paroles mêmes, leur vrai usage, toute leur beauté et leur force. Vous déclarez le caractère de chacune, étant, pour ainsi dire, nommés afin de régler les limites de la poésie et de la prose, aussi bien que celles de la conversa

tion et des livres. Vous savez, Messieurs, également bien la langue des dieux et celle des hommes. J'ele verois au dessus de toutes choses ces deux talents. sans un troisième qui les surpasse; c'est le langag de la piété, qui, tout excellent qu'il est, ne laisse pas de vous être familier. Les deux autres langues ne devroient être que les servantes de celle-ci. & devrois l'avoir apprise en vos compositions, où ele éclate avec tant de majesté et de grace. Vous me l'enseignerez beaucoup mieux lorsque vous joindrs la conversation aux préceptes.

Après tous ces avantages, il ne se faut pas éton ner si vous exercez une autorité souveraine dans k république des lettres. Quelques applaudissemen que les plus heureuses productions de l'esprit aer remportés, on ne s'assure point de leur prix, si vore approbation ne confirme celle du public. Vos juge ments ne ressemblent pas à ceux du sénat de ä vieille Rome; on en appeloit au peuple : en Franc le peuple ne juge point après vous; il se soumet s réplique à vos sentiments. Cette juridiction si rep pectée, c'est votre mérite qui l'a établie; ce sont le ouvrages que vous donnez au public, et qui se autant de parfaits modèles pour tous les genres de crire, pour tous les styles.

On ne sauroit mieux représenter le génie de b nation, que par ce dieu qui savoit paroître ser mille formes: l'esprit des François est un véritab Protée; vous lui enseignez à pratiquer ces enchartements, soit qu'il se présente sous la figure de poëte ou sous celle d'un orateur; soit qu'il ait por but ou de plaire ou de profiter, d'émouvoir les ce

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