V. CONTRE FURETIÈRE. — 1686. Toi qui crois tout savoir, merveilleux Furetière, Et, frappant sur ton dos comme sur une enclume, VI. CONTRE UN PÉDANT DE COLLÉGE Il est trois points dans l'homme de collége, Il ne connoit arguments plus puissants. VII. SUR LA MORT DE M. COLBERT, QUI ARRIVA PEU DE TEMPS APRÈS UNE GRANDE MALADIE QU'EUT LE CHANCELIER LE TELLIER EN 1683. Colbert jouissoit par avance I. INSCRIPTION TIRÉE DE BOISSARD. AVERTISSEMENT. Un des quatre récits que j'ai fait faire aux Filles de Minée contient un événement véritable, et tiré des antiquités de Boissard. J'aurois pu mettre en la place la métamorphose de Céix et d'Alcione, ou quelque autre sujet semblable. Les critiques m'allégueront qu'il le falloit faire, et que mon ouvrage en seroit d'un caractère plus uniforme. Ce qu'Ovide conte a un air tout particulier; il est impossible de le contrefaire. Mais après avoir fait réflexion là-dessus, j'ai appréhendé qu'un poëme de six cents vers ne fût ennuyeux, s'il n'étoit rempli que d'aventures connues. C'est ce qui m'a fait choisir celle dont je veux parler: et comme une chose en attire une autre, le malheur de ces amants tués le jour de leurs noces m'a été une occasion de placer ici une espèce d'épitaphe, qu'on pourra voir dans les mêmes antiquités. Quelquefois Ovide n'a pas plus de fondement pour passer d'une métamorphose à une autre. Les diverses liaisons dont il se sert ne m'en semblent que plus belles; et selon mon goût, elles plairoient moins si elles se suivoient davantage. Le principal motif qui m'a attaché à l'inscription dont il s'agit, c'est la beauté que j'y ai trouvée. Il se peut faire que quelqu'un y en trouvera moins que moi. Je ne prétends pas que mon goût serve de règle à aucun particulier, et encore moins au public. Toutefois je ne puis croire que l'on en juge autrement. Il n'est pas besoin d'en dire ici les raisons; quiconque seroit capable de les sentir, ne le sera guère moins de se les imaginer lui-même. J'ai traduit cet ouvrage en prose et en vers, afin de le rendre plus utile par la comparaison des deux genres. J'ai eu, si l'on veut, le dessein de m'éprouver en l'un et en l'autre : j'ai voulu voir, par ma propre expérience, si en ces rencontres les vers s'éloignent beaucoup de la fidélité des traductions, et si la prose s'éloigne beaucoup des Mon sentiment a toujours été que quand les graces. vers sont bien composés, ils disent en une égale étendue plus que la prose ne sauroit dire. De plus habiles que moi le feront voir plus à fond. J'ajouterai seulement que ce n'est point par vanité, et dans l'espérance de consacrer tout ce qui part de ma plume, que je joins ici l'une et l'autre traduction; l'utilité des expériences me l'a fait faire. Platon, dans Phædrus, fait dire à Socrate qu'il seroit à souhaiter qu'on tournât en tant de manières ce qu'on exprime, qu'à la fin la bonne fût rencontrée. Plût à Dieu que nos auteurs en voulussent faire l'épreuve, et que le public les y invitât! Voici le sujet de l'inscription: Atimète, affranchi de l'empereur, fut le mari d'Homonée, affranchie aussi, mais qui par sa beauté et par ses graces mérita qu'Alimète la préférât à de célèbres partis. Il ne jouit pas long-temps de son bonheur: Homonée mourut qu'elle n'avoit pas vingt ans. On lui éleva un tombeau qui subsiste encore, et où ces vers sont gravés. ÉPITAPHE DE CLAUDE HOMONÉE, ATIMÈTE. I. Si l'on pouvoit donner ses jours pour ceux d'un autre, II. Quittez, ô cher époux! cette triste pensée ; Vous altérez en vain les plus beaux de vos ans : III. Ettoi, passant tranquille, apprends quels sont nos IV. Celle qui préférée aux partis les plus hauts, V. O FEMME, QUE LA TERRE A TES OS SOIT LÉGÈRE! HOMONÉE. II. O mon cher époux! cessez de vous affliger; ne corrompez plus la fleur de vos ans; ne fatiguez plus ma destinée par des plaintes continuelles: toutes les larmes sont ici vaines: on ne sauroit émouvoir la Parque; me voilà morte; chacun arrive à ce terme-là. Cessez donc, encore une fois : ainsi puissiez-vous ne sentir jamais une semblable douleur! Ainsi tous les dieux soient favorables à vos souhaits! Et veuille la Parque ajouter à votre vie ce qu'elle a ravi à la mienne! IV. Moi, cette Homonée que préféra Atimète à des filles considérables; moi, à qui Vénus donna la beauté, les graces et les agréments; que Pallas enfin avoit instruite dans tous les arts, me voila ici enfermée dans un monument de peu d'espace. Je n'avois pas encore vingt ans quand le sort jeta ses mains envieuses sur ma personne. Ce n'est pas pour moi que je m'en plains, c'est pour mon mari, de qui la douleur m'est plus difficile à supporter que ma propre mort. II. TRADUCTION DE DIVERS PASSAGES DE POETES ANCIENS, Extraits de l'ouvrage intitulé: les Épistres de Sénèque. TRADUCTIONS DES PASSAGES TIRÉS DE VIRGILE. I. Melibae, deus nobis hæc otia fecit. C'est un dieu, Mélibée, à qui nous devons tous II. Et quid quæque ferat regio, et quid quæque recuset. Considérez du sol la nature secrète, III. Optima quæque dies miseris mortalibus ævi. IV. Nulli subigebant arva coloni. Un homme étoit tenu pour injuste et méchant, V. Continuò pecoris generosi pullus in arvis. Un coursier généreux, bien fait, d'illustre race, V. QUE LA TERRE TE SOIT LÉGÈRE, O ÉPOUSE Impatient du frein, inquiet, sans arrêt, DIGNE DE RETOURNER A LA VIE, ET DE RECOUVRER L'oreille lui roidit, il bat du pied la terre, VI. O terque quaterque beati. O mille fois heureux Le sort de ces Troyens hardis et généreux, Qui défendant les murs de leur chère patric, Aux yeux de leurs parents immolèrent leur vie! VII. Est lucos Silari circa ilicibusque virentem. Georg., III, v. 146. Auprès du mont Alburne, et du bois de Siler, Il est craint des troupeaux; au seul bruit de son aile VIII. O, quam te memorem, virgo? namque haud tibi vultus. Comment t'appellerai-je, en te rendant hommage, IX. Et me, quem dudum non ulla injecta movebant. Moi qui n'étois ému ni des armes lancées, X. Prima hominis facies, et pulchro pectore virgo. Son visage est de femme, et jusqu'à la ceinture Le reste, plein d'écailles, et d'un monstre marin : XI. Non ulla laborum. Ibid., VI, v. 103. O vierge! je suis fait dès long-temps aux travaux; XII. Instratos ostro alipedes, pictisque tapetis. Les chevaux sont couverts de housses d'écarlate, XIII. Fortunati ambo, si quid mea carmina possunt. Couple heureux, si mes vers sont des ans respectés, Tantôt deux cents valets paroissent à sa suite, II. Num tibi, cum fauces urit sitis, aurea quæris. Pour éteindre la soif quand elle est bien ardente, III. Tela jugo vincta est, stamen secernit arundo. Entre deux rangs de fils sur le métier tendus, IV. Nam tibi de summa cœli ratione, deumque. J'examine d'abord les dieux, les éléments: V. Injuriarum remedium est oblivio. Aux plus grands maux l'oubli sert de remède. Au paresseux tout fait de l'embarras. VI. Debilem facito manu. MECEN. ap. ANN. SENEC. Qu'on me rende manchot, cul-de-jatte, impotent, Qu'on ne me laisse aucune dent, Je me consolerai: c'est assez que de vivre. VII. Duc me parens, celsique dominator poli. Père de l'univers, dominateur des cieux, Que l'on résiste ou non, ta puissance est égale; VIII. Incipit ardentes Phoebus producere flammas. Le jour doroit déjà le sommet des montagnes, IX. Sine me vocari pessimum, ut dives vocer. Que je passe pour fourbe, homme injuste et sans foi, Je m'en soucirai pen, tant que j'aurai de quoi. X. Possum multa tibi veterum præcepta referre. Je puiserai pour vous chez les vieux écrivains. OPUSCULES EN PROSE. REMERCIEMENT PRONONCÉ A L'ACADÉMIE FRANÇOISE, le 2 mai 1684, PAR M. DE LA FONTAINE, LORSQU'IL FUT REÇU A LA PLACE DE M. DE COLBERT, MINISTRE ET SECRÉTAIRE D'ÉTAT. MESSIEURS, Je vous supplie d'ajouter encore une grace à celle que vous m'avez faite : c'est de ne point attendre de moi un remerciement proportionné à la grandeur de votre bienfait. Ce n'est pas que je n'en aie une extrême reconnoissance; mais il y a de certaines choses que l'on sent mieux qu'on ne les exprime : et bien que chacun soit éloquent dans sa passion, il est de la mienne comme de ces vases qui, étant trop pleins, ne permettent pas à la liqueur de sortir. Vous voyez, Messieurs, par mon ingénuité, et par le peu d'art dont j'accompagne ce que je dis, que c'est le cœur qui vous remercie, et non pas l'esprit. En effet, ma joie ne seroit pas raisonnable si elle pouvoit être plus modérée. Vous me recevez en un corps où non seulement on apprend à arranger les paroles; on y apprend aussi les paroles mêmes, leur vrai usage, toute leur beauté et leur force. Vous déclarez le caractère de chacune, étant, pour ainsi dire, nommés afin de régler les limites de la poésie et de la prose, aussi bien que celles de la conversa tion et des livres. Vous savez, Messieurs, également bien la langue des dieux et celle des hommes. J'ele verois au dessus de toutes choses ces deux talents. sans un troisième qui les surpasse; c'est le langag de la piété, qui, tout excellent qu'il est, ne laisse pas de vous être familier. Les deux autres langues ne devroient être que les servantes de celle-ci. & devrois l'avoir apprise en vos compositions, où ele éclate avec tant de majesté et de grace. Vous me l'enseignerez beaucoup mieux lorsque vous joindrs la conversation aux préceptes. Après tous ces avantages, il ne se faut pas éton ner si vous exercez une autorité souveraine dans k république des lettres. Quelques applaudissemen que les plus heureuses productions de l'esprit aer remportés, on ne s'assure point de leur prix, si vore approbation ne confirme celle du public. Vos juge ments ne ressemblent pas à ceux du sénat de ä vieille Rome; on en appeloit au peuple : en Franc le peuple ne juge point après vous; il se soumet s réplique à vos sentiments. Cette juridiction si rep pectée, c'est votre mérite qui l'a établie; ce sont le ouvrages que vous donnez au public, et qui se autant de parfaits modèles pour tous les genres de crire, pour tous les styles. On ne sauroit mieux représenter le génie de b nation, que par ce dieu qui savoit paroître ser mille formes: l'esprit des François est un véritab Protée; vous lui enseignez à pratiquer ces enchartements, soit qu'il se présente sous la figure de poëte ou sous celle d'un orateur; soit qu'il ait por but ou de plaire ou de profiter, d'émouvoir les ce |