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Qu'il cherchât un meilleur asile.
Mes frères, leur dit-il, ne me décelez pas :
Je vous enseignerai les pâtis les plus gras;
Ce service vous peut quelque jour être utile,
Et vous n'en aurez point regret.
Les bœufs, à toute fin, promirent le secret.
Il se cache en un coin, respire, et prend courage.
Sur le soir on apporte herbe fraîche et fourrage,
Comme l'on faisoit tous les jours:

L'on va,
l'on vient, les valets font cent tours,
L'intendant même; et pas un d'aventure
"N'aperçut ni cor, ni ramure,

Ni cerf enfin. L'habitant des forêts

Rend déjà grace aux bœufs, attend dans cette étable
Que, chacun retournant au travail de Cérès,
Il trouve pour sortir un moment favorable.
L'un des bœufs ruminant lui dit : Cela va bien;
Mais quoi! l'homme aux cent yeux n'a pas fait sa revue:
Je crains fort pour toi sa venue;
Jusque-là, pauvre cerf, ne te vante de rien.
Là-dessus le maître entre et vient faire sa ronde.

Qu'est-ce ci? dit-il à son monde;

Je trouve bien peu d'herbe en tous ces râteliers.
Cette litière est vieille : allez vite aux greniers.
Je veux voir désormais vos bêtes mieux soignées.
Que coûte-t-il d'ôter toutes ces araignées?
Ne sauroit-on ranger ces jougs et ces colliers?
En regardant à tout il voit une autre tête
Que celles qu'il voyoit d'ordinaire en ce lieu.
Le cerf est reconnu : chacun prend un épien;
Chacun donne un coup à la bête.
Ses larmes ne sauroient la sauver du trépas.
On l'emporte, on la sale, on en fait maint repas,
Dont maint voisin s'éjouit d'être.

Phèdre sur ce sujet dit fort élégamment :

Il n'est pour voir que l'œil du maître. Quant à moi, j'y mettrois encor l'œil de l'amant.

FABLE XXII.

L'ALOUETTE ET SES PETITS, AVEC LE MAITRE D'UN CHAMP.

Ne t'attends qu'à toi seul; c'est un commun proverbe. Voici comme Esope le mit

En crédit :

Les alouettes font leur nid

Dans les blés, quand ils sont en herbe,
C'est-à-dire environ le temps

Que tout aime et que tout pullule dans le monde,
Monstres marins au fond de l'onde,
Tigres dans les forêts, alouettes aux champs.
Une pourtant de ces dernières

Avoit laissé passer la moitié d'un printemps

Sans goûter le plaisir des amours printanières.
A toute force enfin elle se résolut
D'imiter la nature, et d'être mère encore.
Elle bâtit un nid, pond, couve, et fait éclore,
A la hâte le tout alla du mieux qu'il put."
Les blés d'alentour mûrs avant que la nitée
Se trouvât assez forte encor

Pour voler et prendre l'essor,

De mille soins divers l'alouette agitée
S'en va chercher pâture, avertit ses enfants
D'être toujours au guet et faire sentinelle.

Si le possesseur de ces champs

Vient avecque son fils, comme il viendra, dit-elle, Écoutez bien: selon ce qu'il dira,

Chacun de nous décampera.

Sitôt que l'alouette eut quitté sa famille,
Le possesseur du champ vient avecque son fils.
Ces blés sont mûrs, dit-il : allez chez nos amis
Les prier que chacun, apportant sa faucille,
Nous vienne aider demain dès la pointe du jour.
Notre alouette de retour

Trouve en alarme sa couvée.

L'un commence : Il a dit que, l'aurore levée,
L'on fit venir demain ses amis pour l'aider.
S'il n'a dit que cela, repartit l'alouette,
Rien ne nous presse encor de changer de retraite;
Mais c'est demain qu'il faut tout de bon écouter.
Cependant soyez gais; voilà de quoi manger.
Eux repus, tout s'endort, les petits et la mère.
L'aube du jour arrive, et d'amis point du tout.
L'alouette à l'essor, le maître s'en vient faire
Sa ronde ainsi qu'à l'ordinaire.

Ces blés ne devroient pas, dit-il, être debout.
Nos amis ont grand tort; et tort qui se repose
Sur de tels paresseux, à servir ainsi lents.
Mon fils, allez chez nos parents
Les prier de la même chose.
L'épouvante est au nid plus forte que jamais.
Il a dit ses parents, mère ! c'est à cette heure...
Non, mes enfants; dormez en paix :
Ne bougeons de notre demeure.
L'alouette eut raison, car personne ne vint.
Pour la troisième fois, le maître se souvint
De visiter ses blés. Notre erreur est extrême,
Dit-il, de nous attendre à d'autres gens que nous.
Il n'est meilleur ami ni parent que soi-même.
Retenez bien cela, mon fils. Et savez-vous
Ce qu'il faut faire ? Il faut qu'avec notre famille
Nous prenions dès demain chacun une faucille :
C'est là notre plus court; et nous achèverons
Notre moisson quand nous pourrons.
Dès-lors que ce dessein fut su de l'alouette:
C'est ce coup qu'il est bon de partir, mes enfants!
Et les petits, en même temps,
Voletants, se culebutants,
Délogèrent tous sans trompette.

FIN DU LIVRE QUATRIÈME.

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LE BUCHERON ET MERCURE.

A M. LE C. D. B.

Votre goût a servi de règle à mon ouvrage :
J'ai tenté les moyens d'acquérir son suffrage.
Vous voulez qu'on évite un soin trop curieux,
Et des vains ornements l'effort ambitieux;
Je le veux comme vous: cet effort ne peut plaire.
Un auteur gâte tout quand il veut trop bien faire.
Non qu'il faille bannir certains traits délicats:
Vous les aimez, ces traits; et je ne les hais pas.
Quant au principal but qu'Ésope se propose,

J'y tombe au moins mal que je puis.
Enfin, si dans ces vers je ne plais et n'instruis,
Il ne tient pas à moi; c'est toujours quelque chose.
Comme la force est un point

Dont je ne me pique point,

Je tâche d'y tourner le vice en ridicule,

Ne pouvant l'attaquer avec des bras d'Hercule.
C'est là tout mon talent; je ne sais s'il suffit.
Tantôt je peins en un récit

La sotte vanité jointe avecque l'envie,
Deux pivots sur qui roule aujourd'hui notre vie :
Tel est ce chétif animal

Qui voulut en grosseur au bœuf se rendre égal.
J'oppose quelquefois, par une double image,
Le vice à la vertu, la sottise au bon sens,

Les agueaux aux loups ravissants,

La mouche à la fourmi; faisant de cet ouvrage
Une ample comédie à cent actes divers,

Et dont la scène est l'univers.

Hommes, dieux, animaux, tout y fait quelque rôle, Jupiter comme un autre. Introduisons celui

Qui porte de sa part aux belles la parole: Ce n'est pas de cela qu'il s'agit aujourd'hui.

:

Un bûcheron perdit son gagne-pain,
C'est sa cognée; et la cherchant en vain,
Ce fut pitié là-dessus de l'entendre.
Il n'avoit pas des outils à revendre:
Sur celui-ci rouloit tout son avoir.
Ne sachant donc où mettre son espoir,
Sa face étoit de pleurs toute baignée:
O ma cognée! & ma pauvre cognée!
S'écrioit-il Jupiter, rends-la-moi;
Je tiendrai l'être encore un coup de toi.
Sa plainte fut de l'Olympe entendue.
Mercure vient. Elle n'est pas perdue,
Lui dit ce dieu; la connoîtras-tu bien?
Je crois l'avoir près d'ici rencontrée.
Lors une d'or à l'homme étant montrée,
Il répondit: Je n'y demande rien.
Une d'argent succède à la première;
Il la refuse. Enfin une de bois.
Voilà, dit-il, la mienne cette fois :
Je suis content si j'ai cette dernière.
Tu les auras, dit le dieu, toutes trois :
Ta bonne foi sera récompensée.
En ce cas-là je les prendrai, dit-il.
L'histoire en est aussitôt dispersée;
Et boquillons de perdre leur outil,
Et de crier pour se le faire rendre.
Le roi des dieux ne sait auquel entendre.
Son fils Mercure aux criards vient encore;
A chacun d'eux il en montre une d'or.
Chacun eût cru passer pour une bête
De ne pas dire aussitôt: La voilà!
Mercure, au lieu de donner celle-là,

Leur en décharge un grand coup sur la tête.

Ne point mentir, être content du sien,
C'est le plus sûr : cependant on s'occupe
A dire faux pour attraper du bien.
Que sert cela? Jupiter n'est pas dupe.

FABLE II.

LE POT DE TERRE ET LE POT DE FER.

Le pot de fer proposa

Au pot de terre un voyage.
Celui-ci s'en excusa,
Disant qu'il feroit que sage
De garder le coin du feu :
Car il lui falloit si peu,
Si peu, que la moindre chose
De son débris seroit cause:
Il n'en reviendroit morceau.
Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
Nous vous mettrons à couvert,
Repartit le pot de fer :
Si quelque matière dure
Vous menace, d'aventure,
Entre deux je passerai,
Et du coup vous sauverai.
Cette offre le persuade.
Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.

Mes gens s'en vont à trois pieds
Clopin clopant comme ils peuvent,
L'un contre l'autre jetés

Au moindre boquet qu'ils treuvent.

Le pot de terre en souffre; il n'eut pas fait cent pas,
Que par son compagnon il fut mis en éclats,
Sans qu'il eût lieu de se plaindre.

Ne nous associons qu'avecque nos égaux;
Ou bien il nous faudra craindre
Le destin d'un de ces pots.

FABLE III.

LE PETIT POISSON ET LE PÊCHEUR.

Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie ;
Mais le lâcher en attendant,

Je tiens, pour moi, que c'est folie : Car de le rattraper il n'est pas trop certain.

Un carpean, qui n'étoit encore que fretin,
Fut pris par un pècheur au bord d'une rivière.
Tout fait nombre, dit l'homme en voyant son butin;
Voilà commencement de chère et de festin :
Mettons-le en notre gibecière.

Le pauvre carpillon lui dit en sa manière :
Que ferez-vous de moi? je ne saurois fournir
Au plus qu'une demi-bouchée.

Laissez-moi carpe devenir :

Je serai par vous repêchée;

Quelque gros partisan m'achètera bien cher.

Au lieu qu'il vous en faut chercher
Peut-être encor cent de ma taille

[vaille.

Pour faire un plat: quel plat! croyez-moi, rien qui

Rien qui vaille! hé bien! soit, repartit le pêcheur : Poisson, mon bel ami, qui faites le prêcheur, Vous irez dans la poêle; et, vous avez beau dire Dès ce soir on vous fera frire.

Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras: L'un est sûr, l'autre ne l'est pas.

FABLE IV,

LES OREILLES DU LIEVEE.

Un animal cornu blessa de quelques coups
Le lion, qui, plein de courroux,
Pour ne plus tomber en la peine,
Bannit des lieux de son domaine
Toute bête portant des cornes à son front.
Chèvres, béliers, taureaux, aussitôt délogèrent;
Daims et cerfs de climat changèrent:
Chacun à s'en aller fut prompt.

Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles,
Craignit que quelque inquisiteur
N'allât interpréter à cornes leur longueur,
Ne les soutint en tout à des cornes pareilles.
Adieu, voisin grillon, dit-il; je pars d'ici :
Mes oreilles enfin seroient cornes aussi;
Et quand je les aurois plus courtes qu'une autruche,
Je craindrois même encor. Le grillon repartit:
Cornes cela! vous me prenez pour cruche!
Ce sont oreilles que Dieu fit.

On les fera passer pour cornes,

Dit l'animal craintif, et cornes de licornes.
J'aurai beau protester; mon dire et mes raisons
Iront aux Petites-Maisons.

FABLE V.

LE RENARD AYANT LA QUEUE COUPÉE.

Un vieux renard, mais des plus fins, Grand croqueur de poulets, grand preneur de lapins, Sentant son renard d'une lieue,

Fut enfin au piége attrapé.

Par grand hasard en étant échappé,

Non
pas franc, çar pour gage il y laissa sa queue;
S'étant, dis-je, sauvé sans queue, et tout honteux,
Pour avoir des pareils (comme il étoit habile),
Un jour que les renards tenoient conseil entre eux :
Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile,
Et qui va balayant tous les sentiers fangeux?
Que nous sert cette queue? Il faut qu'on se la coupe :
Si l'on me croit, chacun si résoudra.

Votre avis est fort bon, dit quelqu'un de la troupe ;
Mais tournez-vous, de grace, et l'on vous répondra.
A ces mots il se fit une telle huée,

Que le pauvre écourté ne put être entendu.
Prétendre ôter la queue eût été temps perdu :
La mode en fut continuée.

FABLE VI.

LA VIEILLE ET LES DEUX SERVANTES.

Il étoit une vieille ayant deux chambrières: Elles filoient si bien, que les sœurs filandières

Ne faisoient que brouiller au prix de celles-ci.
La vieille n'avoit point de plus pressant souci
Que de distribuer aux servantes leur tâch
Dès que Tethys chassoit Phébus aux crins dorés,
Tourets entroient en jeu, fuseaux étoient tirés;

Deça, delà, vous en aurez :

Point de cesse, point de relâche. Dès que l'Aurore, dis-je, en son char remontoit, Un misérable coq à point nommé chantoit; Aussitôt notre vieille, encor plus misérable, S'affubloit d'un jupon crasseux et détestable, Allumoit une lampe, et couroit droit au lit Où, de tout leur pouvoir, de tout leur appétit, Dormoient les deux pauvres servantes. L'une entr'ouvroit un œil, l'autre étendoit un bras; Et toutes deux, très mal contentes, Disoient entre leurs dents : Maudit coq, tu mourras! Comme elles l'avoient dit, la bête fut grippée : Le réveille-matin eut la gorge coupée.

Ce meurtre n'amenda nullement leur marché : Notre couple, au contraire, à peine étoit couché Que la vieille, craignant de laisser passer l'heure, Couroit comme un lutin par toute sa demeure.

C'est ainsi que, le plus souvent,

Quand on pense sortir d'une mauvaise affaire,
On s'enfonce encor plus avant:
Témoin ce couple et son salaire.

La vieille, au lieu du coq, les fit tomber
De Charybde en Scylla.

FABLE VII.

LE SATYRE ET LE PASSANT.

Au fond d'un antre sauvage
Un satyre et ses enfants
Alloient manger leur potage,
Et prendre l'écuelle aux dents.
On les eût vus sur la mousse,
Lui, sa femme, et maint petit :
Ils n'avoient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit.

Pour se sauver de la pluie
Entre un passant morfondu.
Au brouet on le convie:
Il n'étoit pas attendu.

Son hôte n'eut pas la peine
De le semondre deux fois.
D'abord avec son haleine
Il se réchauffe les doigts :

Puis sur le mets qu'on lui donne,
Délicat, il souffle aussi.
Le satyre s'en étonne :
Notre hôte! à quoi bon ceci?

L'un refroidit mon potage;
L'autre réchauffe ma main.
Vous pouvez, dit le sauvage,
Reprendre votre chemin.

Ne plaise aux dieux que je couche
Avec vous sous même toit!
Arrière ceux dont la bouche
Souffle le chaud et le froid.

par

Et

FABLE VIII.

LE CHEVAL ET LE LOUP.

Un certain loup, dans la saison Que les tièdes zéphyrs ont l'herbe rajeunie, les animaux quittent tous la maison que Pour s'en aller chercher leur vie ; Un loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l'hiver, Aperçut un cheval qu'on avoit mis au vert.

Je laisse à penser quelle joie.

Bonne chasse, dit-il, qui l'auroit à son croc!
Eh! que n'es-tu mouton! car tu me serois hoc;
Au lieu qu'il faut ruser pour avoir cette proie.
Rusons donc. Ainsi dit, il vient à pas comptés;
Se dit écolier d'Hippocrate;

Qu'il connoît les vertus et les propriétés
De tous les simples de ces prés;
Qu'il sait guérir, sans qu'il se flatte,
Toutes sortes de maux. Si don coursier vouloit
Ne point celer sa maladie,

Lui loup, gratis, le guériroit;
Car le voir en cette prairie
Paître ainsi sans être lié

Témoignoit quelque mal, selon la médecine.
J'ai, dit la bête chevaline,

Une apostume sous le pied.

Mon fils, dit le docteur, il n'est point de partie Susceptible de tant de maux.

J'ai l'honneur de servir nosseigneurs les chevaux, Et fais aussi la chirurgie.

Mon galant ne songeoit qu'à bien prendre son temps, Afin de happer son malade.

L'autre, qui s'en doutoit, lui lâche une ruade

Qui vous lui met en marmelade

Les mandibules et les dents.

C'est bien fait, dit le loup en soi-même, fort triste;
Chacun à son métier doit toujours s'attacher.

Tu veux faire ici l'herboriste,
Et ne fus jamais que boucher.

FABLE IX.

LE LABOUREUR ET SES ENFANTS.

Travaillez, prenez de la peine : C'est le fonds qui manque le moins.

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents:
Un trésor est caché dedans.

Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût :
Creusez, fouillez, bèchez; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.

Le père mort, les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.

D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,
Que le travail est un trésor.

FABLE X.

LA MONTAGNE QUI ACCOUCHE.

Une montagne en mal d'enfant Jetoit une clameur si haute, Que chacun, au bruit accourant, Crut qu'elle accoucheroit sans faute D'une cité plus grosse que Paris : Elle accoucha d'une souris.

Quand je songe à cette fable,
Dont le récit est menteur
Et le sens est véritable,

Je me figure un auteur

Qui dit: Je chanterai la guerre

Que firent les Titans au maître du tonnerre.

C'est promettre beaucoup : mais qu'en sort-il souvent?

Du vent.

FABLE XI.

LA FORTUNE ET LE JEUNE ZNFANT.

Sur le bord d'un puits très profond
Dormoit, étendu de son long,

Un enfant alors dans ses classes:
Tout est aux écoliers couchette et matelas.
Un honnête homme, en pareil cas,
Auroit fait un saut de vingt brasses.
Près de là, tout heureusement,

La Fortune passa, l'éveilla doucement,
Lui disant: Mon mignon, je vous sauve la vie;
Soyez une autre fois plus sage, je vous prie.
Si vous fussiez tombé, l'on s'en fût pris à moi;
Cependant c'étoit votre faute.

Je vous demande, en bonne foi,
Si cette imprudence si haute

Provient de mon caprice. Elle part à ces mots.

Pour moi, j'approuve son propos. Il n'arrive rien dans le monde Qu'il ne faille qu'elle en réponde: Nous la faisons de tous écots; Elle est prise à garant de toutes aventures. Est-on sot, étourdi, prend-on mal ses mesures, On pense en être quitte en accusant son sort: Bref, la Fortune a toujours tort.

FABLE XII.

LES MÉDECINS.

Le médecin Tant-pis alloit voir un malade
Que visitoit aussi son confrère Tant-mieux.
Ce dernier espéroit, quoique son camarade
Soutint que le gisant iroit voir ses aïeux.
Tous deux s'étant trouvés différents pour la cure,
Leur malade paya le tribut à nature,
Après qu'en ses conseils Tant-pis eut été cru.
Ils triomphoient encor sur cette maladie.
L'un disoit : Il est mort; je l'avois bien prévu.
S'il m'eût cru, disoit l'autre, il seroit plein de vie.

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Un cerf, à la faveur d'une vigne fort haute,
Et telle qu'on en voit en de certains climats,
S'étant mis à couvert et sauvé du trépas,

Les veneurs, pour ce coup, croyoient leurs chiens en faute.
Ils les rappellent donc. Le cerf, hors de danger,
Broute sa bienfaitrice: ingratitude extrême !
On l'entend; on retourne, on le fait déloger:
Il vient mourir en ce lieu même.
J'ai mérité, dit-il, ce juste châtiment :
Profitez-en, ingrats. Il tombe en ce moment.
La meute en fait curée: il lui fut inutile
De pleurer aux veneurs à sa mort arrivés.
Vraie image de ceux qui profanent l'asile
Qui les a conservés.

FABLE XVI.

LE SERPENT ET LA LIME.

On conte qu'un serpent, voisin d'un horloger (C'étoit pour l'horloger un mauvais voisinage), Entra dans sa boutique, et, cherchant à manger,

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