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en ces deux dernières parties toute la diversité dont j'étois capable.

Il s'est glissé quelques fautes dans l'impression. J'en ai fait faire un errata, mais ce sont de légers remèdes pour un défaut considérable. Si on veut avoir quelque plaisir de la lecture de cet ouvrage, il faut que chacun fasse corriger ces fautes à la main dans son exemplaire, ainsi qu'elles sont marquées par chaque errata, aussi-bien pour les deux premières parties que pour les dernières.

DE MONTESPAN.

L'APOLOGUE est un don qui vient des immortels;
Ou si c'est un présent des hommes,
Quiconque nous l'a fait mérite des autels :

Nous devons tous, tant que nous sommes,

Ériger en divinité

Le sage par qui fut ce bel art inventé.

C'est proprement un charme : il rend l'âme attentive, Ou plutôt il la tient captive,

Nous attachant à des récits

Qui mènent à son gré les cœurs et les esprits.
O vous qui l'imitez, Olympe, si ma muse
A quelquefois pris place à la table des dieux,
Sur ces dons aujourd'hui daignez porter les yeux,
Favorisez les jeux où mon esprit s'amuse.

Le temps qui détruit tout, respectant votre appui,
Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage :
Tout auteur qui voudra vivre encore après lui
Doit s'acquérir votre suffrage.

C'est de vous que mes vers attendent tout leur prix;
Il n'est beauté dans nos écrits

Dont vous ne connoissiez jusques aux moindres traces:
Eh! qui connoît que vous les beautés et les grâces!
Paroles et regards, tout est charme dans vous.
Ma muse, en un sujet si doux,
Voudroit s'étendre davantage :

Mais il faut réserver à d'autres cet emploi;

Et d'un plus grand maître que

Votre louange est le partage.

moi

Olympe, c'est assez qu'à mon dernier ouvrage
Votre nom serve un jour de rempart et d'abri;
Protégez désormais le livre favori

Par qui j'ose espérer une seconde vie :
Sous vos seuls auspices ces vers
Seront jugés, malgré l'envie,
Dignes des yeux de l'univers.

Je ne mérite pas une faveur si grande;
La fable en son nom la demande :

Vous savez quel crédit ce mensonge a sur nous.
S'il
procure à mes vers le bonheur de vous plaire,
Je croirai lui devoir un temple pour salaire :
Mais je ne veux bâtir des temples que pour vous.

LIVRE SEPTIÈME.

FABLE PREMIÈRE. — (125.)

--

Les Animaux malades de la peste.

UN mal qui répand la terreur,

Mal que le ciel en sa fureur

Inventa pour punir les crimes de la terre,
La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom),
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisoit aux animaux la guerre.

Ils ne mouroient pas tous, mais tous étoient frappés:
On n'en voyoit point d'occupés

A chercher le soutien d'une mourante vie;
Nul mets n'excitoit leur envie :
Ni loups ni renards n'épioient
La douce et l'innocente proie :
Les tourterelles se fuyoient;

Plus d'amour, partant plus de joie.
Le lion tint conseil, et dit: Mes chers amis,
Je crois que le ciel a permis

Pour nos péchés cette infortune :
Que le plus coupable de nous

Se sacrifie aux traits du céleste courroux;

Peut-être il obtiendra la guérison commune.

L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents.

On fait de pareils dévouements.

Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.

Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
J'ai dévoré force moutons.

Que m'avoient-ils fait? nulle offense.
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le berger.

Je me dévouerai donc, s'il le faut : mais je pense
Qu'il est bon
que chacun s'accuse ainsi que moi;
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse.

Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché? Non, non. Vous leur fites, seigneur,
En les croquant, beaucoup d'honneur.

Et quant au berger, l'on peut dire
Qu'il étoit digne de tous maux,
Étant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le renard; et flatteurs d'applaudir.

On n'osa trop approfondir

Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances
Les moins pardonnables offenses:

Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étoient de petits saints.

L'âne vint à son tour, et dit : j'ai souvenance

Qu'en un pré de moines passant,

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