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FABLE X X I.—(163.)

Le Faucon et le Chapon.

Une traîtresse voix bien souvent vous appelle; Ne vous pressez donc nullement:

Ce n'étoit pas un sot, non, non, et croyez-m'en, Que le chien de Jean de Nivelle.

Un citoyen du Mans, chapon de son métier,
Étoit sommé de comparoître

Par-devant les lares du maître,

Au pied d'un tribunal que nous nommons foyer.
Tous les gens lui crioient, pour déguiser la chose,
Petit, petit, petit; mais, loin de s'y fier,
Le Normand et demi laissoit les gens crier:
Serviteur, disoit-il, votre appât est grossier:
On ne m'y tient pas; et pour cause.
Cependant un faucon sur sa perche voyoit
Notre Manceau qui s'enfuyoit.

Les chapons ont en nous fort peu de confiance,
Soit instinct, soit expérience.

Celui-ci, qui ne fut qu'avec peine attrapé, Devoit, le lendemain, être d'un grand soupé, Fort à l'aise en un plat : honneur dont la volaille Se seroit passée aisément.

L'oiseau chasseur lui dit: Ton peu d'entendement Me rend tout étonné. Vous n'êtes que racaille,

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Gens grossiers, sans esprit, à qui l'on n'apprend rien.
Pour moi, je sais chasser, et revenir au maître.
Le vois-tu pas à la fenêtre?

Il t'attend: es-tu sourd? Je n'entends que trop bien,
Repartit le chapon : mais que me veut-il dire?
Et ce beau cuisinier armé d'un grand couteau?
Reviendrois-tu pour cet appeau?
Laisse-moi fuir; cesse de rire

De l'indocilité qui me fait envoler

Lorsque d'un ton si doux on s'en vient m'appeler.
Si tu voyois mettre à la broche
Tous les jours autant de faucóns

Que j'y vois mettre de chapons,

Tu ne me ferois pas un semblable reproche.

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L'ostour li dit : Ci bien te mire,
Car je vois avenir ton sire;

C'est grant joie quant tu vois le tien
Comme je fais quant vois le mien.
Le chapon dit : J'ay grant angoine
Quant vois de mes freres la poine.
Mes adès nuls n'est aséur 3
Que nulle fois n'auras péeur.
Nuls plus grant duel ne va tirant
Qu'estre en la maison d'un tirant,
Où il n'a raison ne pitié,
Ne loiauté ne amitié.

En seignieur niaise gent supplie.
Selon seignieur duite maistrie. 4
Et cils qui disent verité,
Loiauté, sont decapité.
Cils qui tient bonne opinion
Souvent vet a destruction.
Mes freres n'ont point de durée:
Tous ont eu la teste copée.
Pour ce que mauvaisté a mis
En toy, au seignieur es amis.

I t'a apris a pourchascier

Les oisiaux et prendre et chascier.
La viande ont faite partir

De mes freres qui sont martir.

Au ventre qui les abeli 5

Au mengier sont enseveli.

Quant voi mon seigneur, me tapis
Que je ne soi mengié et pris,
Que je ne soi mis en haste

Avec mes freres con enpaste.

Tousjours vuet doie tirant la sale, Non pas bonne gent, mais la male, Le mauvés, le crueux sergent

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