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Parcourant sans cesser ce long cercle de peines

Qui, revenant sur soi, ramenoit dans nos plaines
Ce que Cérès nous donne et vend aux animaux;

Que cette suite de travaux

:

Pour récompense avoit, de tous tant que nous sommes,
Force coups, peu de gré: puis, quand il étoit vieux
On croyoit l'honorer chaque fois que les hommes
Achetoient de son sang l'indulgence des dieux.
Ainsi parla le bœuf. L'homme dit : Faisons taire
Cet ennuyeux déclamateur :

Il cherche de grands mots, et vient ici se faire,
Au lieu d'arbitre, accusateur.

Je le récuse aussi. L'arbre étant pris pour juge,
Ce fut bien pis encore. Il servoit de refuge
Contre le chaud, la pluie, et la fureur des vents:
Pour nous seuls il ornoit les jardins et les champs :
L'ombrage n'étoit pas le seul bien qu'il sût faire;
Il courboit sous les fruits. Cependant pour salaire
Un rustre l'abattoit, c'étoit là son loyer;

Quoique pendant tout l'an, libéral, il nous donne
Ou des fleurs au printemps, ou du fruit en automne,
L'ombre l'été, l'hiver les plaisirs du foyer.

Que ne l'émondoit-on, sans prendre la cognée?
De son tempérament, il eût encor vécu.

L'homme, trouvant mauvais que l'on l'eût convaincu,
Voulut à toute force avoir cause gagnée.

Je suis bien bon, dit-il, d'écouter ces gens-là !
Du sac et du serpent aussitôt il donna

Contre les murs, tant qu'il tua la bête.

On en use ainsi chez les grands:

La raison les offense; ils se mettent en tête
Que tout est né pour eux, quadrupèdes et gens
Et serpents.

Si quelqu'un desserre les dents,

C'est un sot. J'en conviens : mais que faut-il donc faire? Parler de loin; ou bien se taire.

LATINS. Phil., 28; P. Cand., 23; H. Schopp., 1. 3, c. 4; Camer., 383; Fab. Extrav., 4; Helyn., 174.

FRANÇAIS. Le Castoiem., conte 3; Jul. Mach.-Extrav., 4.

ESPAGNOLS. Ysopo-Extrav., 4.

ALLEMANDS. Minn.-Zing., 71; H. Steinh.-Extrav., 4.

HOLLANDAIS. Esopus-Extrav., 4.

ORIENTAUX. Bidp., t. 2, p. 276.

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FABLE III.

(191.)

La Tortue et les deux Canards.

Une tortue étoit, à la tête légère,

Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays.
Volontiers on fait cas d'une terre étrangère :
Volontiers gens boiteux haïssent le logis.
Deux canards, à qui la commère
Communiqua ce beau dessein,

Lui dirent qu'ils avoient de quoi la satisfaire.
Voyez-vous ce large chemin?

Nous vous voiturerons, par l'air, en Amérique :
Vous verrez mainte république,

Maint royaume, maint peuple, et vous profiterez
Des différentes mœurs que vous remarquerez.
Ulysse en fit autant. On ne s'attendoit guère
De voir Ulysse en cette affaire.

La tortue écouta la proposition.

Marché fait, les oiseaux forgent une machine

Pour transporter la pèlerine.

Dans la gueule, en travers, on lui

passe un bâton.

Serrez bien, dirent-ils; gardez de lâcher prise.

Puis chaque canard prend ce bâton par un bout.
La tortue enlevée, on s'étonne partout

De voir aller en cette guise
L'animal lent, et sa maison,

Justement au milieu de l'un et l'autre oison.
Miracle! crioit-on: venez voir dans les nues
Passer la reine des tortues.

La reine! vraiment oui; je la suis en effet :

Ne vous en moquez point. Elle eût beaucoup mieux fait,
De passer son chemin sans dire aucune chose;
Car, lâchant le bâton en desserrant les dents,
Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants.
Son indiscrétion de sa perte fut cause.

Imprudence, babil, et sotte vanité,
Et vaine curiosité

Ont ensemble étroit parentage:
Ce sont enfants tous d'un lignage.

GRECS. ES.-Cor., 61; II 61; Æs.-Camer., 60, 382; Babr. Nevel., 8. LATINS. Av., 2; Abst., 108; P. Cand., 117; Walch., 2; Als., 149. FRANÇAIS. Guill. Haud., 183; Baïf, fol. 24; Bens., 95; Jul. Mach.Av., 2.

ITALIENS. Ces. Pav., 122; Verdizz., 36.
ESPAGNOLS. Ysopo-Av., 2.

ALLEMANDS. H. Steinh.-Av, 2.

HOLLANDAIS. Esopus-Av., 2.

ORIENTAUX. Bidp., t. 2, p. 112.

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Il n'étoit point d'étang dans tout le voisinage
Qu'un cormoran n'eût mis à contribution:
Viviers et réservoirs lui payoient pension.
Sa cuisine alloit bien : mais lorsque le long âge
Eut glacé le pauvre animal,

La même cuisine alla mal.

Tout cormoran se sert de pourvoyeur lui-même.
Le nôtre, un peu trop vieux pour voir au fond des eaux,
N'ayant ni filets ni réseaux,

Souffroit une disette extrême.
Que fit-il? Le besoin, docteur en stratagème,
Lui fournit celui-ci. Sur le bord d'un étang
Cormoran vit une écrevisse.

Ma commère, dit-il, allez tout à l'instant
Porter un avis important

A ce peuple: il faut qu'il périsse;
Le maître de ce lieu dans huit jours pêchera.
L'écrevisse en hâte s'en va

Conter le cas. Grande est l'émute;
On court, on s'assemble, on députe

A l'oiseau Seigneur cormoran,

D'où vous vient cet avis? Quel est votre garant?
Êtes-vous sûr de cette affaire?

N'y savez-vous remède? Et qu'est-il bon de faire?

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