FABLE VIII.—(177.) Le Fou qui vend la Sagesse. Jamais auprès des fous ne te mets à portée : A celui-là de fuir une tête éventée. On en voit souvent dans les cours : Le prince y prend plaisir; car ils donnent toujours Quelque trait aux fripons, aux sots, aux ridicules. Un fol alloit criant par tous les carrefours Puis on avoit pour son argent, Avec un bon soufflet, un fil long de deux brasses. La plupart s'en fâchoient; mais que leur servoit-il? C'étoient les plus moqués : le mieux étoit de rire, Ou de s'en aller sans rien dire Avec son soufflet et son fil. De chercher du sens à la chose, On se fût fait siffler ainsi qu'un ignorant. La raison est-elle garant De ce que fait un fou? le hasard est la cause Un des dupes un jour alla trouver un sage, Qui, sans hésiter davantage, Lui dit : Ce sont ici hiéroglyphes tout purs: Les gens bien conseillés, et qui voudront bien faire, De quelque semblable caresse. sagesse. LATINS. Abst., 184; Democrit, ridens, p. 143. mmmn FABLE IX. — (178.) L'Huître et les Plaideurs. Un jour deux pèlerins sur le sable rencontrent L'un se baissoit déjà pour amasser la proie; Celui qui le premier a pu l'apercevoir Reprit son compagnon, j'ai l'œil bon, Dieu merci. Dit l'autre, et je l'ai vue avant vous, sur ma vie. Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge. Ce repas fait, il dit d'un ton de président : Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille Sans dépens; et qu'en paix chacun chez soi s'en aille. Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui ; Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles : Vous verrez que Perrin tire l'argent à lui, Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles. LATINS. Jac. Regn., part. 1, f. 21; Grat. a Sto Eliá, 7, 8; Democr. rid., p. 217. FRANÇAIS. Eutrap., c. 7; Boileau, ép. 2, à l'abbé des Roches, vers 41 et s.; Mor. de Maut., 15. ITALIENS. Arl. Maynard, p. 97. w FABLE X.- (179.) Le Loup et le Chien maigre. Autrefois carpillon fretin Eut beau prêcher, il eut beau dire, Je fis voir que lâcher ce qu'on a dans la main, Est imprudence toute pure. Le pêcheur eut raison : carpillon n'eut pas tort; Chacun dit ce qu'il peut pour défendre sa vie. Maintenant il faut que j'appuie Ce que j'avançai lors, de quelque trait encor. Certain loup, aussi sot que le pêcheur fut sage, Qu'étant de noce, il faut, malgré moi, que j'engraisse. Revient voir si son chien n'est pas meilleur à prendre. Il dit au loup par un treillis : |