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Laridon et César, frères dont l'origine.

Venoit de chiens fameux, beaux, bien faits et hardis,
A deux maîtres divers échus au temps jadis,
Hantoient, l'un les forêts, et l'autre la cuisine.
Ils avoient eu d'abord chacun un autre nom :
Mais, la diverse nourriture

Fortifiant en l'un cette heureuse nature,
En l'autre l'altérant, un certain marmiton
Nomma celui-ci Laridon.

Son frère, ayant couru mainte haute aventure,
Mis maint cerf aux abois, maint sanglier abattu,
Fut le premier César que la gent chienne ait eu.
On eut soin d'empêcher qu'une indigne maîtresse
Ne fit en ses enfants dégénérer son sang.
Laridon négligé témoignoit sa tendresse
A l'objet le premier passant.

Il peupla tout de son engeance:

Tourne-broches lui rendus communs en France,

par

Y font un corps à part, gens fuyant les hasards,
Peuple antipode des Césars.

On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père:
Le peu de soin, le temps, tout fait qu'on dégénère.

Faute de cultiver la nature et ses dons,

Oh! combien de Césars deviendront Laridons!

GRECS. ES.-Cor., 92, 394; ПI 92.

LATINS. Brus., l. 2, p. 117; J. Posth., 78; Als., 136.

FRANÇAIS. Amyot-Plut., apophth. des Laced. : Comment il faut nourrir les enfants, § 6; Guill. Haud., 74; Le Noble, 4.

FABLE XXV.-(167.)

Les deux Chiens et l'Ane mort.

Les vertus devroient être sœurs,
Ainsi que les vices sont frères :

Dès que l'un de ceux-ci s'empare de nos cœurs,
Tous viennent à la file, il ne s'en manque guères;
J'entends de ceux qui, n'étant pas contraires,

Peuvent loger sous même toit.

A l'égard des vertus, rarement on les voit,
Toutes en un sujet éminemment placées,

Se tenir par la main sans être dispersées.

L'un est vaillant, mais prompt: l'autre est prudent, mais froid. Parmi les animaux, le chien se pique d'être

Soigneux, et fidèle à son maître;

Mais il est sot, il est gourmand:

Témoin ces deux mâtins qui, dans l'éloignement,
Virent un âne mort qui flottoit sur les ondes.
Le vent de plus en plus l'éloignoit de nos chiens.
Ami, dit l'un, tes yeux sont meilleurs que les miens,
Porte un peu tes regards sur ces plaines profondes.
J'y crois voir quelque chose. Est-ce un bœuf, un cheval?
Hé! qu'importe quel animal?

Dit l'un de ces mâtins, voilà toujours curée.
Le point est de l'avoir : car le trajet est grand;
Et de plus il nous faut nager contre le vent.

1

Buvons toute cette eau; notre gorge altérée
En viendra bien à bout : ce corps demeurera
Bientôt à sec; et ce sera

Provision pour la semaine.

Voilà mes chiens à boire : ils perdirent l'haleine,
Et puis la vie; ils firent tant,

Qu'on les vit crever à l'instant.

L'homme est ainsi bâti : quand un sujet l'enflamme, L'impossibilité disparoît à son âme.

Combien fait-il de vœux, combien perd-il de pas,
S'outrant pour acquérir des biens ou de la gloire!
Si j'arrondissois mes états!

Si je pouvois remplir mes coffres de ducats!
Si j'apprenois l'hébreu, les sciences, l'histoire!
Tout cela, c'est la mer à boire :

Mais rien à l'homme ne suffit.

Pour fournir aux projets que forme un seul esprit,
Il faudroit quatre corps; encor, loin d'y suffire,
A mi-chemin je crois que tous demeureroient :
Quatre Mathusalem bout à bout ne pourroient
Mettre à fin ce qu'un seul désire.

GRECS. Es. Cor., 207.

LATINS. Phædr., 20; Fab. ant. Nil., 2.

FRANÇAIS. Mar. de Fr., 49; Amyot-Plut., contre les Stoïciens; comm. concept. des Laced.; Bens., 206.

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Que j'ai toujours hai les pensers du vulgaire ! Qu'il me semble profane, injuste et téméraire, Mettant de faux milieux entre la chose et lui, Et mesurant par soi ce qu'il voit en autrui!

Le maître d'Épicure en fit l'apprentissage.
Son pays le crut fou. Petits esprits! Mais quoi!
Aucun n'est prophète chez soi.

Ces gens étoient les fous, Démocrite le sage.
L'erreur alla si loin, qu'Abdère députa
Vers Hippocrate, et l'invita,

Par lettres et par ambassade,

A venir rétablir la raison du malade.
Notre concitoyen, disoient-ils en pleurant,
Perd l'esprit la lecture a gâté Démocrite.
Nous l'estimerions plus s'il étoit ignorant.
Aucun nombre, dit-il, les mondes ne limite :
Peut-être même ils sont remplis

De Démocrites infinis.

Non content de ce songe, il y joint les atomes,

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