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De dire si la compagnie

Prit goût à sa plaisanterie,

J'en doute: mais enfin il les sut engager

A lui servir d'un monstre assez vieux pour lui dire Tous les noms des chercheurs de mondes inconnus

Et

Qui n'en étoient pas revenus,

que depuis cent ans sous l'abîme avoient vus

Les anciens du vaste empire.

LATINS. Abst., 117; Bebel., Dem. rid.

FRANÇAIS. Guill. Bouch., ser. 6; Div. cur.; Lect. divert.; G. Chapp.,

Fac. journ., c. 49; Trés. des récréat.

ITALIENS. Arl. Mayn., p. 106.

ESPAGNOLS. Florest. Spagn., 1. 6, c. 8; Seb. Mey, 56.

FABLE IX. — (151.)

Le Rat et l'Huître.

Un rat, hôte d'un champ, rat de peu de cervelle,
Des lares paternels un jour se trouva soû
Il laisse là le champ, le grain et la javelle,
Va courir le pays, abandonne son trou.
Sitôt qu'il fut hors de la case:

Que le monde, dit-il, est grand et spacieux!
Voilà les Apennins, et voici le Caucase!
La moindre taupinée étoit mont à ses yeux.
Au bout de quelques jours le voyageur arrive
En un certain canton où Téthys sur la rive
Avoit laissé mainte huître et notre rat d'abord
Crut voir, en les voyant, des vaisseaux de haut bord.
Certes, dit-il, mon père étoit un pauvre sire!
Il n'osoit voyager, craintif au dernier point.
Pour moi, j'ai déjà vu le maritime empire:
J'ai passé les déserts, mais nous n'y bûmes point.
D'un certain magister le rat tenoit ces choses,
Et les disoit à travers champs;

N'étant pas de ces rats qui, les livres rongeants;
Se font savants jusques aux dents.

Parmi tant d'huîtres toutes closes,

`Une s'étoit ouverte; et, bâillant au soleil, Par un doux zéphyr réjouie,

Humoit l'air, respiroit, étoit épanouie,

Blanche, grasse, et d'un goût, à la voir, nompareil.
D'aussi loin que le rat voit cette huître qui bâille:
Qu'aperçois-je? dit-il; c'est quelque victuaille!
Et, si je ne me trompe à la couleur du mets,
Je dois faire aujourd'hui bonne chère, ou jamais.
Là-dessus maître rat, plein de belle espérance,
Approche de l'écaille, allonge un peu le cou,
Se sent pris comme aux lacs; car l'huître tout d'un
Se referme. Et voilà ce que fait l'ignorance.

Cette fable contient plus d'un enseignement.
Nous y voyons premièrement

coup

Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience
Sont, aux moindres objets, frappés d'étonnement:
Et puis nous y pouvons apprendre
Que tel est pris qui croyoit prendre.

GRECS. Antiph., Anth. gr., l. 1, c. 28.

Latins. Tupp., 34; Alc., embl. 94; G. Cogn. (Gilb. Cous.), 88; Camer., 288; Abst., 1.

FRANCAIS. Est. Perr., 7 ; Guill. Haud., 268; Rab., 1.

Que boirons-nous par ces déserts ? .

I, c. 33.

Ne vous fournirent-ils de

vin a suffisance? Voire: mais, dist-il, nous ne bûmes point frais.

FABLE X. — (152.)

L'Ours et l'Amateur des Jardins.

Certain ours montagnard, ours à demi léché,
Confiné par le sort dans un bois solitaire,
Nouveau Bellerophon, vivoit seul et caché.
Il fût devenu fou : la raison d'ordinaire
N'habite pas long-temps chez les gens séquestrés.
Il est bon de parler, et meilleur de se taire;
Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés.
Nul animal n'avoit affaire

Dans les lieux que l'ours habitoit;

Si bien que, tout ours qu'il étoit, Il vint à s'ennuyer de cette triste vie. Pendant qu'il se livroit à la mélancolie, Non loin de là certain vieillard

S'ennuyoit aussi de sa part.

Il aimoit les jardins, étoit prêtre de Flore;
Il l'étoit de Pomone encore.

Ces deux emplois sont beaux; mais je voudrois parmi
Quelque doux et discret ami.

Les jardins parlent peu, si ce n'est dans mon livre:

De façon que,

lassé de vivre

Avec des gens muets, notre homme, un beau matin, Va chercher compagnie, et se met en campagne. L'ours, porté d'un même dessein,

Venoit de quitter sa montagne.

Tous deux, par un cas surprenant,

Se rencontrent en un tournant.

L'homme eut peur : mais comment esquiver? et que faire? Se tirer en Gascon d'une semblable affaire

Est le mieux : il sut donc dissimuler sa peur.

L'ours, très-mauvais complimenteur,

Lui dit: Viens-t en me voir. L'autre reprit : Seigneur,
Vous voyez mon logis; si vous me vouliez faire
Tant d'honneur que d'y prendre un champêtre repas,
J'ai des fruits, j'ai du lait : ce n'est peut-être pas
De nosseigneurs les ours le manger ordinaire;
Mais j'offre ce que j'ai. L'ours accepte; et d'aller.
Les voilà bons amis avant que d'arriver;
Arrivés, les voilà se trouvant bien ensemble:
Et bien qu'on soit, à ce qu'il semble,
Beaucoup mieux seul qu'avec des sots,
Comme l'ours en un jour ne disoit pas deux mots,
L'homme pouvoit sans bruit vaquer à son ouvrage.
L'ours alloit à la chasse, apportoit du gibier;
Faisoit son principal métier

D'être bon émoucheur; écartoit du visage
De son ami dormant ce parasite ailé

Que nous avons mouche appelé.

Un jour que le vieillard dormoit d'un profond somme,
Sur le bout de son nez une allant se placer

Mit l'ours au désespoir; il eut beau la chasser.
Je t'attraperai bien, dit-il; et voici comme.
Aussitôt fait que dit : le fidèle émoucheur
Vous empoigne un pavé, le lance avec roideur,
Casse la tête à l'homme en écrasant la mouche;

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