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entremêlées de quelques jours de frivolités dont on rougit. Louis XIV vint, et pendant cinquante ans de profpérités et de magnificence, il fit tout pour la gloire; c'eft aujourd'hui le temps de faire tout pour la juftice.

Nous reffentons, Sire, les effets de cette juftice et de cette bonté dans un coin de terre auffi ignoré que miférable, fur la frontière de votre royaume, auquel nous ne tenons que par l'étroit paffage d'une montagne escarpée. Nous devînmes les fujets de votre ancêtre Henri IV, et nous fûmes heureux jufqu'au jour où l'abominable fanatifme qui perfecuta fi long-temps ce grand homme lui arracha enfin la vie. La nôtre fut défaftreufe depuis ce moment. Vous daignez nous fecourir; vous nous délivrez d'une foule de commis armés qui nous réduifaient à la mendicité, et qui dépouillaient encore cette mendicité même.

Nos pauvres et honnêtes cultivateurs, grâces à votre équité, ne font plus foumis à la tyrannie vandale des corvées. On les traînait loin de leurs chaumières, eux et leurs femmes; on les forçait à travailler fans falaire, eux qui ne vivent que de leurs falaires, comme l'a fi bien dit un des plus vertueux et des plus favans gentilshommes de votre royaume; on les traitait enfin bien plus cruellement que les bêtes de fomme, à qui l'on donne du moins la pâture quand on les fait travailler; ils ne paraiffaient qu'en pleurs devant les Suiffes, leurs voifins, dont ils enviaient le fort aujourd'hui l'on envie le fort de notre province.

Ceux qui parmi nous ont quelque industrie, ne

font pas obligés d'acheter chèrement le droit naturel d'exercer leurs talens; contrainte funefte qui détériore ces talens mêmes, qui oblige les artiftes à furvendre leurs ouvrages; contrainte auffi pernicieuse à l'acheteur qu'au vendeur; contrainte qui fut la fource de tant d'emprunts et de tant de banqueroutes; contrainte qui alarma tous les magiftrats et qui fit frémir tout le royaume, lorfqu'en 1582, l'avarice d'un traitant propofa cet impôt déteftable que le roi Henri III, établit par une douloureuse néceffité.

Efclaves rendus libres par vos bienfaits, nous ignorons dans nos cavernes, entre des précipices et des neiges éternelles, quels font les ufages des autres provinces. Nous ne favons fi l'étiquette nous permet d'approcher du trône; mais notre cœur nous parle et nous l'écoutons. Nos voix, qui ne s'étaient jamais fait entendre pour se plaindre de l'oppreffion, éclatent pour remercier votre majefté de notre bonheur.

Pardonnez nos transports; nous vous devons de beaux jours; puiffe le ciel en retrancher des nôtres pour ajouter aux années de votre règne!

Signé, tous les citoyens du pays

de Gex, fans exception.

A

DES ETATS

DU PAYS DE GE X.

Les états du pays de Gex, représentèrent, il y a long-temps, au miniftère les défaftres de cette petite province enclavée entre le Mont-Jura et les Alpes, le lac de Genève, la Savoie, la Suiffe et le territoire génevois.

La province fit voir qu'elle était obligée d'acheter à Genève tout ce qui eft néceffaire à la vie :

Que toutes les marchandises achetées à Genève étaient fujettes à de grands droits, ou expofées à être faifies :

Que ce petit pays était hériffé de bureaux des fermes royales:

Que la pauvreté et la dépopulation augmentaient tous les jours.

Le ministère eut pitié de cette province; et M. de Trudaine eut la bonté, en 1760, de minuter un arrêt en fa faveur.

Il daigne encore aujourd'hui venir au fecours de ce malheureux pays, en le détachant des fermes générales, et en le regardant comme province étrangère, telle qu'elle l'eft en effet par la nature.

La ferme générale demande une indemnité. Les états du pays repréfentent que cette province a toujours été à la ferme plus à charge que profitable:

Que dans plufieurs années il y a eu de la perte pour elle:

Que dans les années les plus lucratives, elle n'en a jamais retiré plus de fept mille livres.

La province, toute pauvre qu'elle eft, offre d'en payer le double; ce qui compoferait la fomme d'environ quatorze à quinze mille livres.

Si la ferme générale en demandait quarante mille, comme on le dit, non-feulement la province ferait dans l'impoffibilité abfolue de donner cette fomme annuelle, mais ferait réduite à la plus extrême misère.

Elle attend les ordres du miniftère, auxquels elle fe conformera avec le plus profond refpect et la plus vive reconnaissance.

EN SON CONSEIL.

SIRE,

Les états de Gex fupplient sa majesté de daigner

confidérer :

Que par fon édit du 22 décembre 1775, elle déclara fa province de Gex pays étranger, la détacha des fermes et gabelles, et des traites que fes fermes générales tiraient de ce pays pour le paffage des marchandifes de Genève à Gex, et de Gex en Suiffe.

Sa majefté daigna faire cet arrangement pour la plus grande facilité du commerce de ses sujets et pour le bien général.

Elle ordonna que, pour indemnifer les fermiers généraux, le pays de Gex leur paierait trente mille francs par année, à commencer le premier janvier 1777, moyennant quoi fa majefté permet expreffément à la province, par l'article III de fon édit, d'acheter et de vendre fon fel où elle voudra.

Les fyndics et confeillers des états représentant la province, ayant mûrement examiné ce qu'elle peut en effet confommer de fel chaque année, tant pour l'ufage journalier que pour les fromages dont elle fait un affez grand débit, et pour les falaifons qui augmentent en raifon de la profpérité qu'on doit aux bontés de fa majefté, ont jugé qu'il lui faut quatre mille cinq

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