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que cette princesse tenait en prison pour sa conduite séditieuse, fut arrêté à la Croix du Trahoir, par une troupe de mutins qui lui demandèrent si Broussel avait sa liberté.

Le premier président ayant répondu que la reine l'avait refusé, un des plus audacieux prit Molé par un petit toupet de barbe qu'il portait au menton, et lui dit insolemment : "Retournez donc au Palais-Royal, et ne revenez point que M. Broussel n'ait sa liberté !"

Le premier président fut obligé de rebrousser chemin. Il obtint effectivement la liberté du conseiller, et tout se tranquillisa. Un particulier vint bientôt apprendre à M. de Molé que le séditieux qui l'avait si grièvement offensé était un apothicaire, son voisin. M. de Molé envoya chercher cet apothicaire avec main-forte.

Le pauvre disciple d'Esculape fut fort embarrassé quand il se vit en présence du premier président. Ce magistrat lui demanda s'il savait pourquoi on l'avait fait venir: "Ah! monseigneur, répondit-il, je vois bien que vous êtes informé de tout, et j'implore votre miséricorde !"

Il s'était jeté à genoux. M. de Molé le fit relever en lui disant: "Je ne vous ai pas envoyé quérir pour cela, mais pour vous avertir que vous avez un méchant voisin. Ainsi défiez-vous-en; il pourrait vous perdre. Adieu." Telle fut la vengeance de ce grand homme.

LXI. The Expectation of Wealth and Power an Obstacle to Education.

ment.

CHOSROES, roi de Perse, avait un ministre qui faisait sa gloire, et qui lui avait toujours montré beaucoup d'attacheCe ministre vint cependant un jour lui demander la permission de se retirer: "Pourquoi veux-tu me quitter? lui dit le monarque ; j'ai fait tomber sur toi la rosée de ma bienfaisance; mes esclaves ne distinguent point tes ordres des miens: je t'ai approché de mon cœur, ne t'en éloigne jamais."

Le sage Mitrane répondit: "O roi ! je t'ai servi avec zèle, et tu m'en as trop récompensé ; mais la nature m'impose aujourd'hui des devoirs sacrés: souffre que je les remplisse. J'ai un fils; il n'a que moi pour lui apprendre à te servir un jour comme je t'ai servi,

J'y consens, dit Chosroès, mais à une condition. Parmi les hommes de bien que tu m'as fait connaître, il n'en est aucun qui soit aussi digne que toi d'éclairer et de former l'âme de mon fils: finis ta carrière par le plus grand service qu'un homme puisse rendre aux autres hommes; qu'ils te doivent un bon maître. Je connais la corruption de la cour: il ne faut pas qu'un jeune prince la respire; prends mon fils, et va l'instruire avec le tien dans la retraite, au sein de l'innocence et de la vertu.

Mitrane obéit à cet ordre ; et cinq ou six ans après, il revint avec les deux jeunes gens. Chosroès ne trouvant pas son fils égal en mérite à celui de son ministre, s'en plaignit à celui-ci : “O roi, lui repartit Mitrane, mon fils a fait un meilleur usage que le tien des leçons que j'ai données à l'un et à l'autre. Mes soins ont été partagés également entre eux; mais mon fils savait qu'il aurait besoin des hommes; je n'ai pu cacher au tien que les hommes auraient besoin de lui."

LXII. Resignation and Patience, royal Virtues.

PHILIPPE II, roi d'Espagne, avait armé une flotte à jamais célèbre, qu'on nomma l'invincible, parce qu'on présumait trop de sa force. Elle ne devait rien moins que conquérir l'Angleterre ; mais la tempête la détruisit entièrement à la vue des côtes de la Grande-Bretagne. Lorsqu'on apprit ce désastre à Philippe II, il était à écrire; il répondit seulement : "Je ne l'avais pas envoyée combattre les vents." Et il reprit tranquillement la plume.

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Une autre fois, ayant passé une nuit entière à faire des dépêches, il les donna, sur le matin, à son secrétaire, qui les étala toutes sur une table pour y mettre les adresses. Pour qu'elles ne s'effaçassent point, il voulut répandre du sable dessus; mais comme il était à moitié endormi, au lieu de la sablière, il prit l'écritoire, et la renversa sur le papier, de manière que tout l'ouvrage de la nuit fut perdu. Philippe lui dit tranquillement; “Voilà le cornet à l'encre, et voilà la sablière :" et, sans autre mouvement d'impatience, il se mit à récrire ses dépêches.

LXIII. Death disarmed by Christian Philosopny. LE Chancelier More ayant refusé de reconnoître Henri VIII. roi d'Angleterre, pour chef suprême de l'église, fut dépouillé de sa dignité, et jeté dans une prison. On lui enleva ses livres, son unique consolation au milieu de toutes les horreurs qui l'environnoient; mais on ne put jamais lui enlever la tranquillité d'âme qui le soutenoit dans ses disgrâces.

Ses amis firent tout ce qu'ils purent pour le gagner, en lui représentant qu'il ne devoit point être d'une autre opinion que le grand conseil d'Angleterre: "J'ai pour moi toute l'église," répondit-il, "qui est le grand conseil des Chrétiens."

Sa femme le conjurant d'obéir au roi, et de conserver sa vie pour la consolation de ses enfans: "Combien d'années,” lui dit-il, "pensez-vous que je puisse vivre ?"— "Plus de vingt ans," répondit-elle.-"Ah! ma femme," répliqua More, "voulez-vous donc que je change l'éternité avec vingt ans ?"

Ayant été condamné à périr du dernier supplice, on vint lui dire que le roi avoit modéré l'arrêt de mort rendu contre lui, à la peine d'être seulement décapité. "Je prie Dieu," répondit-il, “de préserver tous mes amis d'une semblable clémence !"

Etant au pied de l'échafaud, il appela un homme, auquel il dit: "Mon cher ami, je vous prie de m'aider à monter, afin que vous puissiez vous vanter de m'avoir rendu le dernier service."

Ayant mis la tête sur le billot, et s'appercevant que sa barbe, qui étoit fort longue, étoit étendue de telle sorte que le bourreau l'auroit coupée en l'exécutant, il le pria de l'accommoder de façon qu'elle fut conservée. Et d'où vient," lui dit le bourreau, que vous vous mettez en peine de votre barbe, vous à qui l'on va couper la tête ?"

"Cela m'est fort peu important," lui répliqua More, "mais c'est pour toi que je parle; veux-tu être accusé de ne pas savoir ton métier, puisqu'on t'a ordonné de me couper la tête, et non pas la barbe ?" Il reçut la mort avec la tranquillité d'un chrétien et le sang-froid d'un philosophe.

True Wisdom claims no Homage.

LXIV. Si vous voulez vous faire aimer, et si vous désirez que l'on vous rende justice, laissez oublier aux autres que vous êtes homme de mérite et de réputation : ils ne seront jamais plus portés à vous estimer, et à vous vanter, que lorsque vous leur abandonnerez entièrement le soin.

Platon voulant voir les jeux olympiques, se rendit à Olympie, où il logea avec des personnes qui ne le connaissaient pas. Il leur plut par ses manières et par son entretien, sans se découvrir à eux. Après la célébration des jeux, ils vinrent le visiter à Athènes, où il les reçut avec ces façons aimables qui distinguent les vrais sages.

Alors ses hôtes lui dirent: " Faites-nous voir, s'il vous plaît, ce disciple de Socrate, qui porte le même nom que vous (car il leur avait dit qu'il se nommait Platon), et dont la renommée fait partout tant de bruit ; menez-nous à son école, et présentez-nous à lui, afin que nous retirions quelque fruit de sa conversation.

C'est moi-même, leur répondit Platon, avec un sourire modeste." Ces étrangers emportèrent de lui une bien plus grand idée, que si, dès le premier moment, il s'était annoncé pour ce qu'il était, avec emphase et prétention.

LXV. Gratitude a Spring of true Courage.

LE cardinal Wolsey, ministre et favori de Henri VIII, roi d'Angleterre, ayant été disgracié par son maître, se vit tout d'un coup abandonné de tout le monde. FitzWilliams, un de ses protégés, fut le seul qui parut s'honorer d'avoir été l'objet de ses bienfaits. Il offrit même sa maison de campagne au cardinal, et le conjura d'y venir au moins passer un jour.

Le cardinal ayant accepté cette invitation, fut reçu par Fitz-Williams avec les marques de la plus vive reconnaissance et du plus profond respect. Le roi fit venir ce dernier, et lui demanda avec colère, comment il avait pu avoir l'audace d'en agir ainsi avec un homme accusé et déclaré coupable de haute trahison.

"Sire, répondit Fitz-Williams, je suis pénétré pour votre majesté de la soumission la plus respectueuse; je ne suis ni mauvais citoyen, ni sujet infidèle. Ce n'est ni

le ministre disgracié, ni le criminel d'état que j'ai reçu chez moi ; c'est mon bienfaiteur, c'est mon protecteur, celui qui m'a donné du pain, et de qui je tiens la fortune et la tranquillité dont je jouis. Ah! sire, si je l'avais abandonné dans son malheur, j'eusse été le plus ingrat des hommes."

Henri VIII, surpris et plein d'admiration, fit chevalier sur-le-champ l'homme qui venait de lui parler avec tant de courage et de sensibilité, et le nomma son conseiller privé.

LXVI. Conjugal Love the Strongest Passion of Woman.

Le duc de Wirtemberg s'était opposé de toutes ses forces à l'élection de Conrad III, proclamé empereur en 1138. Quand le nouveau monarque eut pris possession de la couronne, le duc de Wirtemberg, refusant de le reconnaître, se renferma dans la petite ville de Weinsperg, la plus forte place de ses états.

Il y fut assiégé, et soutint toutes les attaques avec une bravoure héroïque. Enfin il fallut céder à la force. L'empereur voulait tout tuer et tout détruire. Cependant il fit grâce aux femmes, leur permettant même d'emporter ce qu'elles avaient de plus cher, et de sortir de la ville.

L'épouse du duc profita de cette circonstance pour sauver son mari: elle le prit sur ses épaules; toutes les femmes en firent autant de leurs époux, et elles se mirent à défiler devant Conrad, chargées de ce précieux fardeau, et ayant la duchesse à leur tête. Conrad ne put tenir contre un spectacle si touchant, et il pardonna au duc et à tous les habitans, en faveur de leurs épouses.

LXVII. Respect for Old Age a Duty.

PENDANT les fêtes qu'on nommait Panathénées, et qui se célébraient à Athénes, un vieillard était venu chercher une place dans l'endroit où se tenaient les Athéniens; les jeunes gens se moquèrent de lui, et le renvoyèrent avec dédain.

Il se présenta ensuite du côté des Lacédémoniens: dès qu'il fut à leur portée, ils se levèrent tous, par respect pour son âge. Les Athéniens applaudirent cette action

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