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romans' historiques de la Calprenède et de mademoiselle de Scudéri *.

J'ai entendu dire à l'impartial et savant M. Gaillard ** que l'esprit, le bon goût naturel, la longue expérience de la maréchale de Luxembourg, et l'espèce d'instruction qu'elle avait puisée dans les parchemins de son illustre maison, et dans les conversations de

* J'ai été la première, dans les Chevaliers du Cygne, qui ait imaginé de placer à la fin de chaque volume de ces sortes d'ouvrages, des notes véritablement historiques, qui empêchent le lecteur de confondre les inventions de l'auteur avec les faits de l'histoire. On a sur-le-champ imité cet exemple, qu'on a même étendu jusqu'aux poëmes épiques; et c'est ainsi qu'on peut retirer quelqu'instruction solide, d'ouvrages qui, par eux-mêmes, sont naturellement frivoles.

** Auteur de l'Histoire de François Ier.; de la Rivalité de la France et de l'Angleterre, etc.

ses paréns, de ses amis et des étrangers; enfin l'étude singulière qu'elle avait toujours faite, relativement aux usages, aux étiquettes de la cour et de la ville, afin de se rendre compte des motifs pour lesquels on les avait établis; que toutes ces choses réunies devaient faire rechercher son entretien par tous les gens de lettres, les historiens, les personnes du grand monde et même les savans. J'ai tâché de la représenter exactement telle qu'elle était et ce qu'on était avec elle, et je crois avoir réussi. Ce tableau nous manquait, ét je me féliciterais de l'avoir tracé, s'il pouvait contribuer à rappeler parmi nous ce ton, ces usages, cette urbanité qui donnèrent jadis à la société française une prééminence si incontestable sur toutes celles de l'Europe.

y

On verra dans cet ouvrage combien la conversation du grand monde a perdu de grâce, de bon goût et de légèreté; ces femmes qu'on y voyait dominer par l'expérience et de sages réflexions, ne tenaient point (comme du temps de Molière) bureaux d'esprit; leur empire était infiniment plus respectable et plus utile aux mœurs; elles siégeaient sans pédanterie dans de véritables tribunaux où l'on jugeait et punissait des torts et des procédés que les lois ne pouvaient atteindre; là, on n'envoyait ni en pri

son,

ni à l'échafaud, mais on terrassait les coupables, en déclarant à l'unanimité qu'ils méritaient d'être bannis de la bonne compagnie. Cette sentence, toujours exécutée, paraissait toujours terrible, foudroyante, et produisait mille fois plus d'effet que nos petites amen

des de 3 et 500 francs constamment imposées pour des délits infiniment plus graves. On ne voulait point alors de joueurs d'une probité suspecte, de mauvais fils, de mauvais frères; on vengeait les protecteurs qui trouvaient des ingrats, et les maris dont les femmes se séparaient de corps et de biens, même juridiquement; quant aux autres époux malheureux ou mécontens, on ne se mêlait point de leurs affaires, tant qu'elles n'entraînaient point de séparation, 1°. parce que le nombre en est trop considérable; 2°. parce que les preuves en ce genre ne peuvent s'acquérir avec certitude sans procédure ou sans brouillerie publique; 3°. parce que tant que les époux vivent ensemble

et se supportent mutuellement, on ne

doit pas être plus difficile qu'eux, et l'on n'a rien à dire.

Quelle délicatesse on devait trouver dans une société qui réprimait ainsi les vices, et qui même réprimait avec soin la médisance; car on n'y permettait jamais celle qui attaque l'honneur et la réputation; on ne tolérait que la médisance piquante et spirituelle; elle ne se répandait qu'à l'aide d'un bon mot, condition qui n'est nullement exigée aujourd'hui ; il faut seulement, pour être répétée dans tous les cercles (quelque puisse être son invraisemblance et son absurdité), qu'elle soit d'ailleurs une calomnie bien noire et bien atroce. A quel point est bienfaisante l'influence de l'observation de toutes les convenances sociales! Par exemple, celle des grands deuils, si négligée aujour

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