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Ne vous enflez donc point d'une si grande gloire,
Pour les petits brillans d'une foible victoire,
Et corrigez un peu l'orgueil de vos appas,
De traiter pour cela les gens du haut en bas.
Si nos yeux envioient les conquêtes des vôtres,
Je pense qu'on pourroit faire comme les autres,
Ne se point ménager, et vous faire bien voir
Que l'on a des amans, quand on en veut avoir.

CÉLIMÈN B.

Ayez-en donc, madame, et voyons cette affaire; Par ce rare secret efforcez-vous de plaire ;

Et sans....

ARSINO É.

Brisons, madame, un pareil entretien, Il pousseroit trop loin votre esprit et le mien; Et j'aurois pris déjà le congé qu'il faut prendre, Si mon carrosse encor ne m'obligeoit d'attendre.

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Autant qu'il vous plaira, vous pouvez arrêter,
Madame, et, là-dessus, rien ne doit vous hâter.
Mais, sans vous fatiguer de ma cérémonie,
Je m'en vais vous donner meilleure compagnie,
Et monsieur, qu'à propos le hasard fait venir,
Remplira mieux ma place à vous entretenir.

SCÈNE V I.

ALCESTE, CÉLIMÈNE, ARSINO É.

CÉLIMÈNE.

Alceste, il faut que j'aille écrire un mot de lettre, Que, sans me faire tort, je ne saurois remettre. Soyez avec madame; elle aura la bonté D'excuser aisément mon incivilité.

SCÈNE VII.

ALCESTE, ARSINO É.

ARSINO É.

Vous voyez,
elle veut que je vous entretienne,
Attendant un moment que mon carrosse vienne;
Et jamais tous ses soins ne pouvoient m'offrir rien
Qui me fût plus charmant qu'un pareil entretien.
En vérité, les gens d'un mérite sublime

Entraînent de chacun et l'amour et l'estime;
Et le vôtre, sans doute, a des charmes secrets,
Qui font entrer mon cœur dans tous vos intérêts.
Je voudrois que la cour, par un regard propice,
A ce que vous valez rendit plus de justice:
Vous avez à vous plaindre, et je suis en courroux,
Quand je vois, chaque jour, qu'on ne fait rien
pour vous.

ALCESTE.

Moi, madame? Et sur quoi pourrois-je en rien prétendre?

Quel service à l'état est-ce qu'on m'a vu rendre? Qu'ai-je fait, s'il vous plaît, de si brillant de soi, Pour me plaindre à la cour qu'on ne fait rien moi?

pour

ARSINO É.

Tous ceux sur qui la cour jette des yeux propices,
N'ont pas toujours rendu de ces fameux services.
Il faut l'occasion, ainsi que le pouvoir;

Et le mérite enfin que vous nous faites voir ?
Devroit.....

ALCESTE.

Mon Dieu ! laissons mon mérite, de grace; De quoi voulez-vous là que la cour s'embarrasse? Elle auroit fort à faire,et ses soins seroient grands, D'avoir à déterrer le mérite des gens.

ARSINO É.

Un mérite éclatant se déterre lui-même.

Du vôtre, en bien deslieux, on fait un cas extrême;

Et vous saurez de moi qu'en deux fort bons en

droits,

Vous fûtes hier loué par des gens d'un grand poids.

ALCESTE.

Hé, madame, l'on loue aujourd'hui tout le monde,
Et le siècle par là n'a rien qu'on ne confonde!!
Tout est d'un grand mérite également doué,
Ce n'est plus un honneur que de se voir loué.
D'éloges on regorge, à la tête on les jette,
Et mon valet-de-chambre est mis dans la gazette.

ARSIN O É.

Pour moi, je voudrois bien que, pour vous montrer mieux,

Une charge à la cour vous pût frapper les yeux. Pour peu que d'y songer vous nous fassiez les mines,

On peut, pour vous servir, remuer des machines; Et j'ai des gens en main que j'emploierois pour

Vous "

Qui vous feront à tout un chemin assez doux.

ALCESTE.

Et que voudriez-vous, madame, que j'y fisse? L'humeur dont je me sens veut que je m'en bannisse;

pas

Le ciel ne m'a point fait, en me donnant le jour,
Une ame compatible avec l'air de la cour.
Je ne me trouve point les vertus nécessaires
Pour y bien réussir et faire mes affaires.
Etre franc et sincère est mon plus grand talent,
Je ne sais point jouer les hommes en parlant;
Et qui n'a le don de cacher ce qu'il pense,
Doit faire en ce pays fort peu de résidence,
Hors de la cour, sans doute, on n'a pas cet appui
Et ces titres d'honneur qu'elle donne aujourd'hui
Mais on n'a pas aussi, pendant ces avantages,
Le chagrin de jouer de fort sots personnages.
On n'a point à louer les vers de messieurs tels,
A donner de l'encens à madame une telle,
Et de nos francs marquis essuyer la cervelle.

ARSIN o £.

Laissons, puisqu'il vous plaît, ce chapitre de cour; Mais il faut que mon cœur vous plaigne en votre

amour,

Et, pour vous découvrir là-dessus mes pensées, Je souhaiterois fort vos ardeurs mieux placées. Vous méritez, sans doute, un sort beaucoup plus

doux,

Et celle qui vous charme est indigne de vous.

ALCESTE.

Mais en disant cela, songez-vous, je vous prie Que cette personne est, madame, votre amie?

ARSINO É.

Oui. Mais ma conscience est blessée en effet, De souffrir plus long-temps le tort que l'on vous

fait.

L'état où je vous vois afflige trop mon ame,
Et je vous donne avis qu'on trahit votre flamme.

ALCESTE.

C'est me montrer, madame, un tendre mouve

ment

Et de pareils avis obligent un amant.

ARSINO É.

Oui, toute mon amie,

elle est,

et je la nomme Indigne d'asservir le cœur d'un galant homme; Et le sien n'a pour vous que de feintes douceurs.

ALCESTE.

Cela se peut, madame; on ne voit pas les cœurs;
Mais votre charité se seroit bien passée
De jeter dans le mien une telle pensée.

ARSIN O É.

Si vous ne voulez pas être désabusé,
Il faut ne vous rien dire, il est assez aisé.

ALCESTE.

Non. Mais sur ce sujet, quoi que l'on nous expose, Lesdoutes sontfâcheux plus que toute autre chose; Et je voudrois, pour moi, qu'on ne me fît savoir Que ce qu'avec clarté l'on peut me faire voir.

ARSIN o É.

Hé bien, c'est assez dit; et, sur cette matière, Vous allez recevoir une pleine lumière.

Oui, je veux que de tout, vos yeux vous fassent

foi,

Donnez-moi seulement la main jusques chez moi;
Là, je vous ferai voir une preuve fidelle
De l'infidélité du cœur de votre belle;

Et,

si pour d'autres yeux le vôtre peut brûler, On pourra vous offrir de quoi vous consoler.

ACTE QUATRIÈME.

SCÈNE I.

ELIANTE,

PHILIN T E.

PHIL INTE.

NON, l'on n'a point vu d'ameà manier si dure,
Ni d'accommodement plus pénible à conclure;
En vain de tous côtés on l'a voulu tourner;
Hors de son sentiment on n'a pu l'entraîner;
Et jamais différend si bisarre, je pense,
N'avoit de ces messieurs occupé la prudence.
Non, messieurs, disoit-il, je ne me dédis point,
Et tomberai d'accord de tout, hors de ce point.
De quoi s'offense-t-il, et que veut-il me dire?
Y va-t-il de sa gloire à ne pas bien écrire ?
Que lui fait mon avis, qu'il a pris de travers?
On peut être honnête homme, et faire mal des

vers:

Ce n'est point à l'honneur que touchent ces ma

tières.

Je le tiens galant homme en toutes les manières, Homme de qualité, de mérite et de cœur ; Tout ce qu'il vous plaira, mais fort méchant au

teur.

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