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LA POÉSIE.

Qu'elle étale à nos yeux
De grâces naturelles!

LA MUSIQUE.

Quel bonheur imprévu la fait ici revoir ?
LA POÉSIE ET LA MUSIQUÉ.

Oublions nos querelles :

Il faut nous accorder pour la bien recevoir.

CHOEUR DES POETES ET DES MUSICIENS.

Oublions nos querelles :

Il faut nous accorder pour la bien recevoir.

VERS LATINS.

In novum Causidicum, rustici lictoris filium

Dum puer iste fero natus lictore perorat,
Et clamat medio, stante parente, foro:
Quæris quid sileat circumfusa undique turba?
Non stupet ob natum, sed timet illa patrem.

In Marullum, versibus phaleucis antea male laudatum3,

Nostri quid placeant minus phaleuci,
Jamdudum tacitus, Marulle, quæro,
Quum nec sint stolidi, nec inficeti,
Nec pingui nimium fluant Minerva.
Tuas sed celebrant, Marulle, laudes :
O versus stolidos et inficetos!

SATIRA 3.

Quid numeris iterum me balbutire latinis
Longe Alpes citra natum de patre Sicambro,
Musa, jubes? Istuc puero mihi profuit olim,

1 Voyez la lettre de Boileau à Brossette, du 9 avril 1702.
2 Voyez la même lettre.

de Racine avec Boileau.

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C'est de cette épigramme que date la liaison intime

3 Voyez la lettre à Brossette, du 6 octobre 1704.

Verba mihi sævo nuper dictata magistro
Quum pedibus certis conclusa referre docebas.
Utile tunc Smetium manibus sordescere nostris :
Et mihi sæpe udo volvendus pollice Textor
Præbuit adsutis contexere carmina pannis.

Sic Maro, sic Flaccus, sic nostro sæpe Tibullus,
Carmine disjecti, vano pueriliter ore

Bullatas nugas sese stupuere loquentes...

FIN DES PORSIES DIVERSBS.

OUVRAGES DIVERS.

DISSERTATION SUR LA JOCONDE.

A MONSIEUR B***.

MONSIEUR,

Votre gageure est sans doute fort plaisante, et j'ai ri de tout mon cœur de la bonne foi avec laquelle votre ami soutient une opinion aussi peu raisonnable que la sienne. Mais cela ne m'a point du tout surpris : ce n'est pas d'aujourd'hui que les plus méchants ouvrages ont trouvé de sincères protecteurs, et que des opiniâtres ont entrepris de combattre la raison à force ouverte. Et, pour ne vous point citer ici d'exemples du commun, il n'est pas que vous n'ayez ouï parler du goût bizarre de cet empereur' qui préféra les écrits d'un je ne sais quel poête aux ouvrages d'Homère, et qui ne voulait pas que tous les hommes ensemble, pendant douze siècles, eussent eu le sens commun.

Le sentiment de votre ami a quelque chose d'aussi monstrueux. Et certainement, quand je songe à la chaleur avec laquelle il va, le livre à la main, défendre la Joconde de M. Bouillon, il me semble voir Marfise, dans l'Arioste, puisque Arioste y a, qui veut faire confesser à tous les chevaliers errants que cette vieille qu'elle a en croupe est un chef-d'œuvre de beauté. Quoi qu'il en soit, s'il n'y prend garde, son opiniâtreté lui coûtera un peu cher; et, quelque mauvais passe-temps qu'il y ait pour lui à perdre cent pistoles, je le plains encore plus de la perte qu'il va faire de sa réputation dans l'esprit des habiles gens.

Il a raison de dire qu'il n'y a point de comparaison entre les deux ouvrages dont vous êtes en dispute, puisqu'il n'y a point de comparaison entre un conte plaisant et une narration froide, entre unc invention fleurie et enjouée, et une traduction sèche et triste. Voilà en effet la proportion qui est entre ces deux ouvrages. M. de la Fontaine a pris à la vérité son sujet d'Arioste; mais en même temps

Adrien, qui, selon Dion Cassius, préférait à l'Iliade et à l'Odyssée la Thế baide d'Antimaque.

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il s'est rendu maitre de sa matière: ce n'est point une copie qu'il ait tirée un trait après l'autre sur l'original; c'est un original qu'il a formé sur l'idée qu'Arioste lui a fournie. C'est ainsi que Virgile à imité Homère; Térence, Ménandre; et le Tasse, Virgile. Au contraire, on peut dire de M. Bouillon que c'est un valet timide, qui n'oserait faire un pas sans le congé de son maître, et qui ne le quitte jamais que quand il ne le peut plus suivre. C'est un traducteur maigre et décharné; les plus belles fleurs que l'Arioste lui fournit deviennent sèches entre ses mains; et à tous moments, quittant le français pour s'attacher à l'italien, il n'est ni italien ni français.

Voilà, à mon avis, ce qu'on doit penser de ces deux pièces. Mais je passe plus avant, et je soutiens que non-seulement la nouvelle de M. de la Fontaine est infiniment meilleure que celle de M. Bouillon, mais qu'elle est même plus agréablement contée que celle d'Arioste. C'est beaucoup dire, sans doute; et je vois bien que par là je vais m'attirer sur les bras tous les amateurs de ce poëte. C'est pourquoi vous trouverez bon que je n'avance pas cette opinion sans l'appuyer de quelques raisons.

Premièrement donc, je ne vois pas par quelle licence poétique Arioste a pu, dans un poëme héroïque et sérieux, mêler une fable et un conte de vieille, pour ainsi dire, aussi burlesque qu'est l'histoire de Joconde. « Je sais bien, dit un poëte, grand critique (Horace, Art poèt., v. 9), qu'il y a beaucoup de choses permises aux poëtes et aux peintres ; qu'ils peuvent quelquefois donner carrière à leur imagination, et qu'il ne faut pas toujours les resserrer dans les bornes de la raison étroite et rigoureuse. Bien loin de leur vouloir ravir ce privilége, je le leur accorde pour eux, et je le demande pour moi. Ce n'est pas à dire toutefois qu'il leur soit permis pour cela de confondre toutes choses; de renfermer dans un même corps mille espèces différentes, aussi confuses que les rèveries d'un malade; de mêler ensemble des choses incompatibles ; d'accoupler les oiseaux avec les serpents, les tigres avec les agneaux... » Comme vous voyez, monsieur, ce poëte avait fait le procès à Arioste plus de mille ans avant qu'Arioste eût écrit. En effet, ce corps composé de mille espèces différentes, n'est-ce pas proprement l'image du poëme de Roland le Furieux ? Qu'y a-t-il de plus grave et de plus héroïque que certains endroits de ce poëme ? qu'y a-t-il de plus bas et de plus bouffon que d'autres? Et, sans

chercher si loin, peut-on rien voir de moins sérieux que l'histoire de Joconde et d'Astolfe? Les aventures de Buscon et de Lazarille ont-elles quelque chose de plus extravagant? Sans mentir, une telle bassesse est bien éloignée du goût de l'antiquité : et qu'auraiton dit de Virgile, bon Dieu! si, à la descente d'Énée dans l'Italie, il lui avait fait conter par un hôtelier l'histoire de Peau-d'Ane, ou les contes de ma Mère-l'Oie? Je dis les contes de ma Mère-l'Oie, car l'histoire de Joconde n'est guère d'un autre rang. Que si Homère a été blâmé dans son Odyssée, qui est pourtant un ouvrage tout comique, comme l'a remarqué Arioste; si, dis-je, il a été repris par de fort habiles critiques pour avoir mêlé dans cet ouvrage l'histoire des compagnons d'Ulysse changés en pourceaux, comme étant indigne de la majesté de son sujet ; que diraient ces critiques, s'ils voyaient celle de Joconde dans un poëme héroïque ? N'auraientils pas raison de s'écrier que si cela est reçu, le bon sens ne doit plus avoir de juridiction sur les ouvrages d'esprit, et qu'il ne faut plus parler d'art ni de règles? Ainsi, monsieur, quelque bonne que soit d'ailleurs la Joconde de l'Arioste, il faut tomber d'accord qu'elle n'est pas en son lieu.

Mais examinons un peu cette histoire en elle-même. Sans mentir, j'ai de la peine à souffrir le sérieux avec lequel Arioste écrit un conte.si bouffon. Vous diriez que non-seulement c'est une histoire très-véritable, mais que c'est une chose très-noble et très-héroïque qu'il va raconter ; et certes, s'il voulait décrirè les exploits d'un Alexandre ou d'un Charlemagne, il ne débuterait pas plus grave

ment.

Astolfo, re de' Longobardi, quello

A cui lasciò il fratel monaco il regno,
Fù nella giovinezza sua si bello,
Che mai poch' altri giunsero a quel segno.
N'avria a fatica un tal fatto a penello

Apelle, Zeusi, o se v'è alcun piu degno.

Le bon messer Ludovico ne se souvenait pas, ou plutôt ne se souciait pas, du précepte de son Horace :

"Versibus exponi tragicis res comica non vult.

Cependant il est certain que ce précepte est fondé sur la pure raison, et que, comme il n'y a rien de plus froid que de conter une chose grande en style bas, aussi n'y a-t-il rien de plus ridicule que de raconter une histoire comique et absurde en termes graves et sérieux, à moins que ce sérieux ne soit affecté tout exprès pour

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